Санкт-Петербургский государственный университет
Филологический факультет
Кафедра романской филологии
Копылова Вера
Дихотомия «ум — глупость» в русской и французской
фразеологии
Выпускная квалификационная работа
на соискание степени магистра филологии
Научный руководитель:
к.ф.н. доц. Никитина Т. П.
Санкт-Петербург
2017
UNIVERSITÉ D’ÉTAT DE SAINT-PÉTERSBOURG
Faculté de philologie
Département des langues romanes
Véra KOPYLOVA
La dichotomie « intelligence – bêtise » dans la phraséologie
russe et française
Mémoire présenté
en vue de l’obtention
du Master en Linguistique
Sous la direction de
Madame le Docteur
Tatiana NIKITINA
Saint - Pétersbourg
2017
1
Table des matières
I
n
t
r
o
d
u
c
t
i
o
n 3
…………………………………………………………………..
Partie 1. Dichotomie intelligence/ум – bêtise/глупость dans les langues
française
et
russe 7
……………………………………………………………..
§1. Le concept bêtise dans la langue française 7
…………………………
§2. Le concept intelligence dans la langue française ………………….. 12
§ 3 . L e c o n c e p t г л у п о с т ь d a n s l a l a n g u e r u s s e 14
…………………………
§4.
Le
concept
ум
dans
la
langue
r u s s e 15
…………………………………
Partie 2. Les expressions françaises et russes constituant la dichotomie
intelligence/ум
–
b ê t i s e / г л у п о с т ь 20
……………………………………………
§1. Les expressions françaises employées pour représenter le concept
b
ê
t
i
s
e 20
…………………………………………………………………….
§2. Les expressions russes employées pour représenter le concept
г
л
у
п
о
с
т
ь 38
………………………………………………………………..
§3. Les expressions françaises employées pour représenter le concept
i
n
t
e
l
l
i
g
e
n
c
e 53
………………………………………………………………
§4. Les expressions russes employées pour représenter le concept ум..
68
Partie 3. L’analyse comparative des expressions représentant la dichotomie
intelligence/ум – bêtise/глупость dans la phraséologie russe et française … 80
2
C
o
n
c
l
u
s
i
o
n 101
…………………………………………………………………….
Références
b i b l i o g r a p h i q u e s 108
………………………………………………….
Appendice
I 117
…………………………………………………………………..
Appendice
I I 118
………………………………………………………………….
Appendice
I I I 119
…………………………………………………………………
Introduction
De nos jours, les études linguistico-culturelles se développent rapidement et
occupent une place de plus en plus importante dans les recherches scientifiques. Ce
courant aux études de la langue, apparu à la croisée de la linguistique et de la
culturologie, remonte aux années 90 du XXème siècle, l’époque du développement
intense de l’ethnolinguistique et de la sociolinguistique (Маслова, 2016, p.9).
Quoiqu’il existe plusieurs approches d’envisager le matériel à travers le prisme de
la théorie des études linguistico-culturelles, parmi lesquelles les plus répandues
sont la diachronie et la synchronie, leur objet reste le même, ce qui, selon V. Telia,
ne sont que de vifs processus communicatifs et le lien entre des expressions qui y
sont employées en synchronie avec la mentalité d’une nation (Телия, 1996, p.
218). Pourtant V. Maslova considère, à son tour, que ces études concernent non
seulement des faits modernes, mais aussi des faits historiques de l’image
linguistique du monde (Маслова, 2016, p. 10).
Cependant, même si les études linguistico-culturelles admettent les
différentes approches d’analyse, elles envisagent toujours les manifestations
3
culturelles du peuple, qui sont reflétées et fixées dans une langue (ibid., p. 8).
C’est-à-dire que la langue et la culture se trouvent en interaction constante, qui est
connue par des métaphores, des comparaisons, des images, des symboles, et des
expressions propres à chaque langue étudiée.
Alors, la phraséologie est une des sources les plus riches d’information sur la
culture et la mentalité du peuple (Маслова, 2001, p. 4). Les expressions, à la
différence d’autres unités de la langue, révèlent la spécificité nationale et
l’orientation axiologique de leurs porteurs car elles représentent les phénomènes de
la culture nationale, elles constituent la vision culturelle et nationale du monde,
résultat de l`activité spirituelle des hommes (Буянова, Коваленко, p. 155).
L`objet de la thèse sont les expressions1 des langues française et russe,
employées pour désigner les notions de la bêtise/глупость et l’intelligence/ум dans
la dichotomie de la langue russe et française. Notons que bien que notre thèse soit
consacrée aux expressions par lesquelles on détermine des états mentaux cités cidessous, nous avons inclus dans cette étude des expressions qui décrivent des
affectations de la folie/безумие, car elle conditionne le comportement bête/
глупый.
Le but de cette thèse est de découvrir les particularités de perception du
monde par les Français et les Russes à travers le prisme des concepts de la bêtise/
глупость et l’intelligence/ум, qui, à leur tour, représentent des parties constitutives
de la dichotomie dans les deux langues confrontées.
Le matériel accumulé doit faire la lumière sur la compréhension de
l’influence de la culture, c`est-à-dire, le système de valeurs, les coutumes et les
1Dans
cette étude nous employons deux termes expression et locution, qui sont très proches.
Tous les deux ils signifient un groupe de mots constituant un syntagme figé. La différence entre
eux consiste à ce que la locution n`est qu`une unité fonctionnelle qui structure le discours, sans
aucun effet imagé et, ou de style, alors que l`expression, de point de vue sémantique, implique le
plus souvent le recours à une “figure”, métaphore, métonymie, etc. (DEL, http://
alorthographe.unblog.fr/2011/06/03/difference-entre-expression-et-locution/). Quand même, les
expressions aussi bien que les locutions sont « très généralement employées comme deux
synonymes », comme le souligne le dictionnaire d`A. Rey et S. Chantreau (DEL). C’est à cet
emploi des termes cités, que nous recourons dans cette thèse.
4
traditions, les convictions religieuses, le mode de vie dans des époques différentes,
sur l`apparition des divergences et des points de convergence dans les fragments
des images linguistiques du monde réflétés par les langues représentées et
notamment dans la dichotomie citée. Ces points de convergence sont dûs à la
correspondance des situations quotidiennes et usuelles stéréotypées, «
à la
présence trouvée de leur signification symbolique de « choses » et leurs propriétés
incluses dans le contenu figuratif en tant que composantes des unités dans la
phraséologie » (Телия, 1996, p. 246), ainsi que à la similarité de connotations
culturelles et historiques.
Pour atteindre ce but, il est nécessaire de réaliser des objectifs suivants :
1)
Accumuler les expressions visant à décrire l’intellesence/ум et
la bêtise/глупость dans toutes les attestations possibles dans la langue russe
et française.
2)
Relever les motivations culturelles et nationales qui sont à la
base des images sous-jacentes des expressions citées, en vue de définir leurs
aspects axiologiques
3)
Diviser les expressions accumulées en emplacements, slots,
selon les aspects axiologiques déterminés et leurs motivations, visant à
remplir les cadres cognitifs, les fragments des concepts l’intelligence/ум et
la bêtise/глупость en russe, aussi bien qu’en français.
4)
Définir les points de convergence, trouver des équivalents
absolus et relatifs, analogues ; découvrir les cas de l`apparition des
divergences, les expressions marquées de spécificité nationale dans les
fragments des images linguistiques du monde de deux langues citées.
5)
Citer les équivalents absolus, relatifs et les analogues dont
l’emploi dans chaque langue est conditionné par leur motivation culturelle et
nationale ;
citer les expressions marquées de spécificité nationale dans les deux
langues et essayer d`expliquer leur motivation culturelle et nationale.
5
Ce travail présente un thème d`actualité qui consiste à la nécessité
d’étudier les voies de représentation des visions du monde propres à deux langues
différentes ce qui contribue au développement des études linguistico-culturelles
aussi bien que favorise l’élargissement des connaissances sur les fonds
phraséologiques des langues russe et française.
Dans les termes de la linguistique, l’homme est le sujet de la cognition du
monde. Par conséquent, ses propres perceptions des activités intellectuelles sont
réflétées dans la langue qu’il parle. Alors c’est grâce à ce fait qu’il est possible
d’envisager des réalités du monde du point de vue de leur caractère comme étant
des valeurs ou des contre-valeurs. Ainsi l’intelligence/ум se pose comme une
valeur et la bêtise/глупость – comme une contre-valeur. En effet, de nos jours nous
accordons une attention particulière aux problèmes des études linguisticoculturelles et surtout nous mettons l`accent sur un de ses objets principaux - le fond
phraséologique de langue, représentant la vision du monde dans ses aspects
historiques et culturels. Notre recherche se développe notamment dans ce sens.
L`originalité de nos recherches est due au fait que les expressions des
langues française et russe qui désignent les facultés intellectuelles n`ont pas été
examinées
dans le détail de leur comparaison sous forme d’un système
dichotomique. L’analyse comparative des locutions dans le cadre de l’approche
dichotomique permet de définir des points de convergence ou de divergence de
deux concepts , et de justifier l’emploi de tel ou tel équivalent, analogue dans un
contexte concret.
Le corpus d’exemples que nous avons recueillis se compose
approximativement de 250 expressions de la langue française et de 230
expressions de la langue russe. Des dictionnaires modernes, historiques, raisonnés,
encyclopédiques, phraséologiques et d`autres types de dictionnaires des deux
langues ont servi de sources pour notre matériel linguistique.
Notre travail est structuré en fonction des objectifs cités ci-dessus. La
première partie donne des informations de base sur la perception des concepts
l’intelligence et la bêtise dans la langue française, et ум et глупость en russe. La
6
deuxième partie se compose de quatre chapitres de recherche consacrés à l’examen
des motifs culturels et nationaux des locutions accumulées. La troisième partie
représente une analyse comparative des expressions en vue d’établir des
équivalents absolus et relatifs ou analogues dans les langues citées. Dans la
dernière partie du mémoire, nous présentons les conclusions tirées à la base de
l`analyse entreprise dans cette recherche.
Les références bibliographiques comprennent des ouvrages théoriques,
plusieurs dictionnaires français et russes. Ces derniers constituent la base de notre
corpus d’exemples phraséologiques et la base de l`information sur les concepts de
l’intelligence/ум et la bêtise/глупость en russe et en français.
Partie 1
Dichotomie intelligence/ум – bêtise/глупость dans les langues française
et russe
Avant d’aborder la question de la dichotomie intelligence/ум – bêtise/
глупость en français, il est à noter que la langue russe, aussi bien que française
reflète la vision linguistique du monde, formée sous l’influence de la perception
des notions « bêtise », « intelligence » et « ум », « глупость », ce qui constitue
des concepts correspondants, du point de vue plutôt philosophique.
§1 Le concept bêtise dans la langue française
Selon les données du dictionnaire de la culture française, dans la langue
française, les notions « intelligent, raisonné, raisonnable, sage » sont plutôt liées
avec « fou, bête, stupide, idiot », qu’opposées les unes aux autres, car elles
expriment des aspects interdépendants de l’intellect humain (Rey).
L’excès d’une faculté considérée comme saine, qui est la capacité de prendre
des décisions raisonnées, comprendre les motifs des propres actions et paroles,
peut s’exprimer par un excès quantitatif et conduire à des changements
qualificatifs.
C’est déjà censé contredire la norme psychologique et dénonce
l’altérité mentale. Ce dont on est fou emporte à tel point l’esprit qu’on perd le
contrôle de soi dans l’excès, ce qui est perçu comme le symptôme pathologique qui
s’accomode du même signifiant que l’expression d’une émotion très ardente : en
7
français « un fou rire » est considéré sans trace d’anomalie et « un rire fou » est un
symptôme (Rey).
Ainsi le mot « fou » peut être conçu comme une déficience mentale aussi
bien qu’une passion dont le fou dénommé peut rester maître. En français, si on dit
« je suis folle de rage » on signale simplement qu’on est très en colère et si on dit
« je suis folle de joie » on veut manifester sa très grande joie. Le sens même de la
folie reste au cœur de ces expressions et annonce que rien de rationnel ne peut être
dit, fait ou voulu avant qu’on ne sorte de cet état émotionnel. On ne s’appartient
plus, on n’est plus responsable de ses actes, les passions extrêmes s’éloignent
d’une perception correcte de la réalité (Rey).
Il en vient que la perte du contrôle s’atteste par le désordre du comportement
qui, par conséquent, peut être considéré comme bête. En outre le français « fou »
vient du latin « follis » qui signifiait « soufflet » ou « ballon », exprimant le vide
d’esprit, l’idée qui a fait son chemin et qui reste toujours actuelle dans la langue
française (Rey).
Mais revenons à la définition du mot fou perçu comme ayant un défaut
mental, ce qui conduit à un comportement dit anomal, anormal, bête. Dans la
tradition française la folie s’oppose à la raison, car les fous et les folles sont ceux
dont les actions et les pensées ne sont plus conduites par la raison (Rey). Mais en
même temps le déraisonnable n’est pas l’anormal, ce qui nous pousse de se
questionner : comment la folie s’exprime ?
Le plus souvent, on qualifie un individu comme fou s’il se comporte d’une
manière folle : il n’est pas apte à contrôler ses émotions, paroles et actions. Dans
ce cas il est appelé fou à lier, initialement employé en psychiatrie . Aujourd’hui
cette locution est devenue une unité phraséologique, elle s’emploie au sens
métaphorique, mais son image sous-jacente garde l’aspect d’un individu qui se
comporte si follement, si bêtement qu’il est à lier. Cette locution est devenue
courante non seulement pour définir l’état psychique, mais aussi l’état plutôt
émotionnel, l’agitation forte d’une personne folle (Rey).
8
Dans le cas où les fous semblent avoir déjà complètement perdu la raison et
le jugement on les croit possédés par un démon ou le diable, l’idée qui est à la base
de plusieurs locutions désignant la façon dont se conduit une personne dite bête
(Rey).
Pourtant chaque pièce a deux côtés. C’est aux XVIème et XVIIème siècles
qu’on voit apparaître en Angleterre une nouvelle vision de la folie. Dans la
perspective de la compréhension des passions à partir de l’imagination et de la
folie celle-ci n’apparaissait plus en rupture avec un caractère humain. La folie
considérée toujours opposée à la raison saine est devenue une sorte de la continuité
de la nature humaine. La folie a été réduite à un phénomène de source physique,
appartenant à la théorie des humeurs (Rey).
En même temps l’hypothèse de la folie décrite ci-dessus était écartée par
René Descartes et remplacée par une autre hypothèse : le fou n’est pas maître de
lui, il est hors de lui, il en est chassé. Au XVII sciècle cette idée a connu un
développement important. Aujourd’hui il existe toujours certaines expressions qui
remontent à cette idée-là (Rey).
Comme nous avons déjà mentionné, le trait caractéristique d’un fou, qu’on
peut également appeler bête, c’est la pensée désordonnée qui est traduite le plus
souvent par des actes privés de raison. A l’époque où s’instaure le culte de la raison
s’est formée la tendance de voir la rationalité s’affirmer par un double rejet de la
folie et par le rejet de l’idée que l’homme qui se croit rationnel puisse être fou à
son insu. Car en morale et en droit le recours à la folie est un moyen pour éluder
toute responsabilité. Ce qui unie ces deux théories, la compréhension démoniaque
et explication physiologique de la folie c’est qu’elles imputent cette folie à une
intervention étrangère à la personne humaine.
Avec le progrès de la médecine le fou est considéré comme un malade à
guérir. Le fou guéri redevient lui-même. L’idée d’un homme tout à fait normal qui
peut tomber dans la folie à cause des événements extérieurs a été inacceptable
pendant longtemps.
9
Alors on a vu apparaître une nouvelle approche de la compréhension de la
folie. L’idée même de la « folie » et du « fou » était forgée pour être le contrepoint
d’un idéal humain où chaque culture et chaque individu prendrait sa source. Celui
qui s’en allait ou trahissait cette idéal fut défini par une idée analogue à celle de
« maladie », dont on ne spécifiait pas le genre. Tout comportement irréductible au
code culturel de ceux qui jugent la raison et la folie est qualifié par eux de fou.
C’était une règle universelle jusqu’à célèbre : « Ils sont fous, ses Romains » dit par
Gaulois Obélix, personnage clé des aventures d’Astérix et Obélix, bande dessinée
de Gocinny et Uderzo. Ce fameux « Ils sont fous » a engendré la perception de la
folie d’aujourd’hui (Rey).
Cependant les fous et les folles du XVII siècle c’étaient des personnages
révoltés contre un sort d'injustice sociale. Mais comment être sûr que les fous ne
sont pas des personnes spécifiques ? La proximité du fou et du génie que les gens
normaux, ordinaires ne comprenaient pas devenait de plus en plus sensible (Rey).
Il est étonnant mais cette idée reste toujours actuelle essentiellement dans dans la
vision linguistique du monde chez les Russes (Rey).
Dans le cas médical on a abandonné le fou au profit de termes juridiques
tels qu’alinéation et aliéné et puis de termes de psychopathologie. Cette évaluation
témoigne du respect envers un malade et toutes les formes d’expérience humaine.
Le terme qu’on utilise aujourd’hui en français pour désigner la folie, comme on
aurait dit au XVII, est une « maladie mentale ». Cette notion assez moderne pour
l’histoire de la pensée pose quand même le problème de la différence entre le
normal et la pathologique (Rey).
Il s’ensuit que le fou est celui qui manque d’intelligence, qui possède un
défaut physiologique congénital, qui fait des actions folles, bêtes, chez qui
la
bêtise est une tendance constante et permanente. Alors, il s’agit de « la bêtise », de
« l’imbécile », de « l’idiot » ou du « débile ». Dans ce cas « la bêtise » serait un
autre nom de la folie, du déficit mental, de l’inintelligence (Rey).
Mais cette conception de la bêtise interdit toute explication de sa nature car
l’intelligence seule peut dénoncer la bêtise. La bêtise pourrait être envisagée
10
comme un phènomène au même titre que l’intelligence. Cela veut dire que cette
bêtise doit se placer sur un autre niveau de l’intelligence, car elle peut être utilisée
dans le but de la réalisation de ses fins. Robert Musil, écrivain, essayiste autrichien
affirmait qu’il fallait « mieux cerner les contours du concept de la bêtise et avant
tout assouplir le jugement selon lequel la bêtise serait uniquement ou par
excellence un manque d’intelligence » (Musil, p. 305). Les critères pour mesurer
la bêtise dépendent plus ou moins de l’adéquation du comportement dans une
situation concrète et ces critères sont à définir dans chaque cas singulier (Rey).
Certains philosophes du XXème siècle défendaient l’idée d’autonomie de la
bêtise par rapport à l’intelligence. Mais dans ce cas il faut prendre en considération
le fait qu’abandonnant le terme dérivé de « bête », ils n’examinaient que de telles
nuances de la notion bête comme sot, idiot (Rey).
Il est curieux que le philosophe Clément Rosset ne fasse aucune différence
entre sot, crétin et idiot dans son étude de la question. Puisse-t-on vraiement parler
indifféremment de ces états ? La psychiatrie ne le fait pas. En effet, on ne peut
même pas évacuer l’idée d’animalité mentale qu’entraîne d’une manière spécifique
le terme « bête » emprunté au latin ( bēstĭa - un animal ) (Rey).
Donc, la bêtise positive, qui est censée être la bêtise active, aide une
personne bête à réaliser avec efficacité son projet jugé ou non bête.
Quand à la bêtise négative, la bêtise passive, elle n’apparaît pas comme un
état accidentel, c’est une sorte de privation de qualité spirituelle, elle a tendance à
être connotée comme l’insuffisance ou un manque d’esprit : l’absence de valeur,
l’invraisemblance, l’aspect irréfléchi (Rey).
La proximité de la bêtise et de la bestialité soutient et nourrit deux éléments
inhérents au concept, de façon que la bêtise caractérisée par l’insuffisance de
l’ordre intellectuel correspond à la négation d’une part de l’humain et nous
rappelle à la nature bestiaire de l’être humain (Rey).
Au XVIII siècle la bêtise était traitée en tant que la déraison,
« l’aveuglement d’esprit » et « l’hébétude des sens », et notamment, la privation de
trois « lumières », la lumière naturelle, celle de la vertu et enfin celle qu’y ajoute la
11
foi et l’exercice de la raison. Péché, manque de foi et paresse sont des causes
supplémentaires d’aveuglement de l’être humain (Rey).
L’hébétude de ces trois « lumières » trahit la perception des objets de la
pensée de même que l’hébétude du sens de l’intelligence, c’est-à-dire « le sens de
quelques vérités premières d’extrême évidence » trahit la « vision
intellectuelle » (Rey).
Ce manque de sens dans le domaine de l’intelligence implique une certaine
débilité de l’esprit, ce qu’on appelle en français l’esprit borné (Rey).
Quand même cette conception de l’esprit faible évoquait le concept de
l’intelligence détruite, l’idée d’une tendance positive de l’esprit humain,
antagoniste de l’intelligence. D’après cette théorie, au coeur de l’insuffisance
mentale se trouve une disposition de l’esprit humain , tendance latente présente en
chacun qui correspond à la nature animale de l’homme. Mais il va de soi que la
langue spontanée s’accomode aux mots qui n’évoquent pas la bête, mais la
faiblesse mentale (Rey).
A partir du XIXème siècle « la bêtise » proprement dite est devenue l’objet
de tentative théorique et d’observation empirique. Ce phénomène est favorisé par
l’usage du mot dans son sens moderne : « absence ou insuffisance des facultés
d’intelligence » comme « le contraire de la capacité de réflexion qui est le propre
de l’homme » (Rey).
§2 Le concept intelligence dans la langue française
La capacité de réflexion c’est ce qui définit l’homme, le distingue d’une
bête. Le mot grec noêsis, l’acte de comprendre, a été traduit par Cicéron comme
intelligentia, un terme qui décrit l’exercice d’une compétence. Ce mot suggérait
que l’activité mentale de comprendre ou d’intelligere, comme on disait en latin,
consistait et consiste toujours à recueillir et à relier des données entre elles, en latin
inter-legere. De cette manière on passe de l’acte de comprendre à l’aptitude
générale et alors le terme « intelligence » désigne plutôt la faculté de comprendre
12
que son exercice en acte. Il s’ensuit que « l’intelligence » et «la compréhension »
sont deux notions liées qui vont s’interférant (Rey).
Si on tourne vers la philosophie, on voit que l’histoire occidentale de la
notion « intelligence » est traversée au Moyen Age par une doctrine étonnante sur
l’unité de l’intellect. Cette doctrine répond à la question des connaissances
équivalentes basées sur des facultés intellectuelles individuelles.Selon la théorie
proposée il y a deux usages possibles du terme : l’intelligence en tant que capacité
de compréhension et comme contenu de conaissance. Si un être humain est doué
d’une intelligence d’un niveau exceptionnel, on ne peut pas le mettre sur la même
ligne avec d’autres qui ne possèdent que la capacité de comprendre. Dans ce
contexte «intelligence » est employée au sens latin, où intelligens désignait un
connaisseur (Rey).
C’est plus tard, en latin médiéval, que « le terme d’intelligentia désigne
traditionnellement l’Etre spirituel suprême, Dieu, mais aussi les anges, tous étant
des intelligences pures puisqu’ils ne sont unis à aucun corps » (Jean-Louis
Labarrière, « L’intelligence », dans les notions de philosophie, t. I, p. 438) (Rey).
Pourtant, cet usage n’est pas traditionnel dans la tradition française. La
doctrine d’une intelligence unique n’a pas suscité cet emploi spécifique.
« Intelligence » et ses équivalents ne signifiaient plus un ensemble de qualités
personnelles qui n’est pas opposé à la folie , mais à l’instinct jusqu’à 1904 où
Alfred Binet, phsychologue et pédagogue français a élaboré, à la demande du
Minestère français de l’Institution publique, un test destiné à mesurer le niveau
des performances individuelles des élèves et à les comparer pour relever une
performance considérée comme normale à un âge donné. C’était le premier test QI.
L’intelligence fut traitée comme un niveau de compétence individuel ce qui se
mesure en termes d’action et d’une réaction adaptée à des situations concrètes.
Dans ce cas l’intelligence est référée à l’analyse et à la synthèse (Rey).
Telle est l’évolution qu’a subi le terme d’« intelligence ». Henri Bergson,
philosophe français du XX-ème siècle écrit : « Originellement, nous ne pensons
que pour agir. C’est dans la moule de l’action que notre intelligence a été coulée.
13
(…) l’intelligence humaine, telle que nous nous la représentons, n’est point du tout
celle que nous montrait Platon dans l’allégorie de la caverne. Elle a autre chose à
faire. Attelés, comme des bœufs de labour, à une lorde tâche, nous sentons le jeu de
nos muscles et de nos articulations, le poids de la charrue et la résistance du sol :
agir et se savoir agir, entrer en contact avec la réalité et même la vivre, mais dans
la mesure seulement où elle intéresse l’œuvre qui s’accomplit et le sillon qui se
creuse, voilà la fonction de l’intelligence humaine » (Rey).
§3 Le concept глупость dans la langue russe
Le mot le plus courant par lequel on désigne un individu bête/глупый c’est
дурак. Adressons-nous au sens de ce mot, ou plutôt à ce qu’on sous-entend en
l’utilisant.
Tout d’abord il est à noter que le terme дурак s’employait pour désigner une
personne folle/безумный. Dans le tableau linguistique russe la notion du « fou » дурак est très contradictoire. On promouvoit l’intellect/ум et méprise l’ignorance/
невежество en même temps qu’on croit le déraisonnement, la misère de l’esprit
nous amener au salut de l’âme. Déjà au temps de l’ancienne Russie on respectait
et on acceptait la folie/безумие, on la croyait être de la Grâce de Dieu d’où était
venue la croyance que les fous connaissaient la vérité (Караулов, р. 62).
Dans son célèbre dictionnaire Vladimir Ivanovitch Dahl a donné la
définition suivante de дурак : un homme bête/человек глупый, borné/
ограниченный, déraisonné/неразумный, faible d’esprit/слабый духом (Даль).
Cette faiblesse d’esprit lui permettait de découvrir la vérité. Sergéï Ivanovitch
Ozhegov déterminait дурак comme une personne privée de capacités
intellectuelles/aux facultés intellectuelles bornées, déraisonnée/неразумный,
14
incohérente dans ses pensées et actions/непоследовательный в своих мыслях и
поступках (Ожегов).
En outre, Ozhegov a signalé qu’on appelait également
дурак un bouffon de la cour. Il pouvait être un malade sans pouvoir retenir ses
actions bêtes ou un simulateur de la faiblesse d’esprit qui tentait d’effectuer son
influence sur un régent, ce sont des idées qui sont représentées d’une manière
voilée dans la vision linguistique moderne du monde russe (Бабенко)
Ce premier « faible d’esprit »/слабый духом, sorte d’un clairvoyant, est
censé effectuer des actions où le ridicule frôle le sérieux. On ne traite pas ses mots
comme vrais, mais on les entend et on les écoute. Il dévoile des défauts sans
prendre compte des règles de l’art. Il est malade, aliéné. Il est martyr , il maudit
« pour l’amour de Dieu ». C’est une sorte de bêtise passive et négative (ibid.)
Le deuxième дурак n’est plus fou, il est assez intelligent pour prendre l’air
d’un malade, faire le fou pour arriver à ses fins (Кругликова).
En revenant à l’intellect, on comprend que дурак c’est celui qui n’a pas de
connaissances, rien ne reste dans sa mémoire, qui manque de raisonnement et ne
possède pas
la capacité de comprendre, ce qui est représenté dans la vision
linguistisue du monde russe (ibid.).
§4 Le concept ум dans la langue russe
Dans la tradition russe « intelligence »/ум peut être déchiffrée comme des
facultés mentales aussi bien qu’une sorte d’intuition, le fameux « esprit russe »/
русский ум aussi bien que « esprit de l’escalier »/задний ум (Киржацкий).
La notion « esprit russe »/русский ум évoque de telles caractéristiques
inhérentes proprement russes que la perspicacité/проницательность ensemble
avec la bêtise/глупость, la contemplation passive/пассивная наблюдательность
et la bonté active/активная доброта, l’esprit lent/медленный ум, mais flexible/, la
prise des décisions imprévisibles et folles qui amène aux résultats incroyables. On
y ajoute de telles qualités propres au caractère russe que la pensée extraordinaire
douée de talent et qui fait étonner, l’admirer et blâmer. L’esprit russe/русский ум
15
c’est la mode de penser originale qui permet la naissance de toutes les grandes
œuvres russes d’une part et le niveau bas de l’intellect considéré par des actions
stupides et bêtes de l’autre part (ibid.)
L’esprit russe/русский ум est un phenomène, qu’on ne peut concevoir, c’est
une force mystique, étrange, incompréhensible, on ne peut l’appeler « raison »,
c’est une chose difficile à définir par un seul mot (Кусова).
Fiodor Tiouttchev, poète russe du XIXème siècle, a pu clairement exprimer
ce sens imperceptible de l’esprit russe :
***
On ne peut pas comprendre la Russie par la voie de la raison,
On ne peut pas la mesurer,
Elle a un caractère particulier,
On ne peut que croire en elle!
En effet, « esprit russe »/русский ум ce n’est pas la raison ni l’intelligence,
c’est plutôt un ensemble de qualités morales, facultés intellectuelles qui ne peuvent
pas être exprimées les unes sans les autres (Дзюба, р. 224).
La notion proche de l’« esprit russe »/русский ум est l’« esprit de
l’escalier »/задний ум qui nous évoque la perspicacité et l’ingéniosité, les qualités
qui semblent être assez loin des qualités intellectuelles puisqu’on ne peut pas les
mesurer objectivement. Toutefois elles influencent la vie intellectuelle de l’esprit/
ум parce qu’elles nous poussent à réaliser le potentiel censé être caché dans
chacun. « Nous sommes paresseux et incurieux » disait Alexandre Pouchkine, nous
accumulons de l’expérience qui est transférée d’une génération à l’autre et qu’on
appelle en russe « esprit naturel »/природный ум. Cet esprit naturel/природный
ум compense un manque de connaissance, il est gagné par la voie des fautes et des
essais qui nous offrent la possibilité de développer la pensée flexible déjà
mentionnée (ibid, p. 223).
Si on se tourne vers l’esprit/ум qui est le fruit de l’intellect, on constate que
dans la tradition russe « intellect » se compose de quatre idées principales : les
connaissances, la mémoire bien développée, le raisonnement et les facultés
16
générales de la compréhension des actions et des objets. Les unités de la langue
présentent une personne par ses qualités intellectuelles et sa capacité d’effectuer
des actions intellectuelles. On définit l’homme par ses capacités d’esprit :
réfléchir, raisonner, comparer, comprendre, qui déterminent les actions effectuées
par lui. Quand même on ne peut pas mettre ces deux notions « capacité d’esprit »/
интеллектуальные качества et « action intellectuelle »/интеллектуальное
дейcтвие dans la même ligne, puisque l’interdépendance les unes des autres
remonte au contexte. Les capacités propres à une personne peuvent toujours lui
laisser faire une faute, par exemple, un professionnel peut se tromper dans une
question où il n’est pas compétent. En effet, la perception d’un personnage joue le
rôle principal dans la question de « fou » et « intelligent ». C’est une spécificité de
la perception du monde en russe, qu’on ne réfère pas la manière des actions à celui
qui les effectue, on ne voit que leur caractère qui nous semble « fou »/безумный,
« bête »/глупый ou « raisonnable »/разумный (Патроева).
Alors, même дурак
russe peut être sage. Il n’est pas doué de capacités
intellectuelles, mais ses actions, ses pensées révèlent la vérité absolue. Cette image
nous renvoie au personnage des contes russes Ivan la souche ou Ivan le nigaud. Il
est naïf, timbré et paresseux, mais il trouve toujours des solutions extraordinaires
de toutes les difficultés qui surgissent devant lui. Ses actions contredisent le bon
sens, mais il a ses propres astuces pour les surmonter, et il arrive toujours à ses
fins. Il est sincère, simple et bon. N’oublions pas que la bonté était la qualité la
plus précieuse pour les chrétiens, un sot n’est plus traité de bête s’il est bon. Ici la
sottise interfère avec la sagesse. Le sot bon, paresseux, passif voit et comprend
tout. On peut se moquer de lui, le mépriser, mais finalement il nous fait étonner.
Autrement dit, ce personnage fabuleux peut être considéré comme bête, fou, aussi
bien qu’un bouffon ou un clairvoyant (Кобызева, р. 95-105).
Cette étude traite les concepts, qui tout en étant une figure logique, est une
représentation sous laquelle certains phénomènes de la réalité peuvent être
subsumés, de facture récente, les frames ou cadrages (Fortis, Moran, p. 192).
17
Theodor Lipps, phylosophe allemand, déterminait le concept comme un moyen de
subsomption d’une représentation extérieure à ce qu’elle représente. Ainsi tout
concept est conçu comme une représentation partielle par laquelle on effectue le
cadrage de la réalité (Moran, p. 192).
En psychologie du raisonnement et de la décision ainsi qu'en psychologie
sociale, le cadrage est l'action de présenter un « cadre cognitif » comme approprié
pour réfléchir sur un sujet. Ce cadrage peut avoir un effet sur le raisonnement et
conduire à des choix différents en fonction de la façon dont le problème a été
formulé (Baudouin, p. 9).
Les termes fondamentaux de la théorie de frames, ou cadres cognitifs, ont
été proposés et développés par Gregory Bateson, Erving Goffman, Marvin Lee
Minsky, scientifiques américains. Ils soutenaient l’idée de représenter les
connaissances par des cadres stockés en forme d’ontologies. Ces dernières sont
traditionnellement considérées être des composants des cadres cognitifs sous forme
des concepts (Сухоносова).
Initialement cette théorie était censée s’employer dans le domaine de
l’intelligence artificielle. Marvin Lee Minsky tenait au système qui disposerait de
"gestionnaires", capables de sélectionner les meilleures solutions à un problème
donné. C’était lui qui a donné un nom à ce système : frame representation language
(Minsky, 2012)
Ainsi le langage orienté cadre est une technique de représentation des
connaissances utilisées en intelligence artificielle : les cadres sont destinés à une
représentation explicite et intuitive des connaissances, alors que les objets sont
conçus pour le masquage des informations privées. Plus tard cette théorie fut
applicable dans un domaine linguistique pour subsumer la vision linguistique du
monde sous la forme d’un système dit logique (Paveau, p. 45).
Dans cette recherche les cadres, frames de Minsky, permettent de représenter
la connaissance humaine à l’intérieur des modèles computationnels de l’esprit. Ces
connaissances sont issues à l’experience de type différente:
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• l’expérience non-fondée sur l’expérience sensible ( seules les
preuves matérielles, dans le principe de mesure, peuvent nous édifier sur
la réalité du monde)
• l’expérience sensorielle qui n’est à montrer les choses que dans
leurs apparences manifestées (ce sont les idées qui, par le moyen de la
raison spécuative, conduisent à connaître la nature de l’image sousjacente de l’expression)
• la connaissance véridique fondée sur le transcendant (seule la
clairvoyance des révélations visant le fin des choses, par delà leurs
impulsions, surdétermine le sens des expressions)
La synthèse requise par les divergences entre les trois principes dénommés
résulte à ce que :
•
expérience physique résulte à un état de réalisation
métaphorique (les valeurs que nous quantifions)
•
état de maturité influence l’estimation d’un niveau de mentalité
(les significations par lesquelles nous qualifions quelqu’un)
•
expérience spirituelle résulte à la relation à un objet (les valeurs
qui décident les paroles) (Alphonse, p. 210).
Dans cette étude on recourt à l’approche cognitivo-discursive qui implique
l’analyse des liens entre des métaphores et des facteurs qui déterminent l’emploi
ou même la naissance de celles-ci, des présupposés pour l’apparition de l’image
sous-jacente sur laquelle se base une expression.
Dans ce cas la métaphorisation aussi bien que l’allusion n’est plus
considérée comme un phénomène autonome, mais déjà comme une partie
intégrante d’un récit (нарратив) conçu comme nombre de textes représentés
séquentiellement unis par la même situation discursive visant à atteindre un certain
but au cours d’un acte de communication (Будаев).
Alors la théorie de cadres tente de parvenir à représenter la connaissance
humaine en fournissant des structures propositionnelles conventionnelles qui
permettraient la compréhension des situations variées. Quand même les structures
19
peuvent contenir des emplacements vides, empty slots chez Minsky, possibles à
occuper par des occurences particulières dans une situation donnée (Lakhoff, p.
16). Le relèvement de tels emplacements vides est un des objets principaux de
cette recherche.
Partie 2
Les expressions françaises et russes constituant la dichotomie
intelligence/ум – bêtise/глупость
§1 Les expressions françaises employées pour représenter le concept
bêtise
Les aspects essentiels du concept « bêtise » ont été représentés par les
expressions utilisées déjà au XVII siècle qui sont citées par Claude Duneton dans
le dictionnaire Le Bouquet des expressions imagées. Le dictionnaire fournit une
série de synonymes : bêtise, idiotie, sottise, imbécilité, stupidité, ineptie, ânerie.
Les substantifs cités ci-dessus reflètent les différentes composantes de ce concept,
c’est-à-dire les nuances de sens du nom la bêtise/глупость.
Le Robert donne une définition plus concrète concernant la différence et
l’interdépendance des aspects de cette notion : on qualifie de bête une personne qui
manque d’intelligence (bête comme ses pieds, bête à pleurer). Idiot ajoute à la
bêtise un défaut de bon sens, de finesse (il faut être idiot pour se faire avoir comme
ça). Idiot et bête peuvent s’employer sans valeur intellectuelle (c’est idiot/bête de
réagir comme ça), ou qualifier simplement quelque chose d’absurde (c’est un
accident bête/idiot). Stupide en revanche, reste centré sur l’absence d’intelligence,
20
accentuée par une sorte d’inertie mentale (c’est un stupide béotien) (Robert). Dans
ce sens stupide est proche de sot qui signifie « dénué d'intelligence, de bons
sens » (CNRTL). De plus, Larousse insiste sur le fait que sot peut désigner des
qualités plutôt mentales ou psychologiques qu’intellectuelles : « qui manifeste
soudain de l'embarras, de la confusion, face à une situation qui le déconcerte, qui
est à la fois fâcheux, regrettable et absurde » (Larousse).
Quand à fou le Centre Nationale de Recherches Textuelles et Lexicologiques
définit cette notion comme celle « qui présente des troubles du comportement ou
de l'esprit dénotant ou semblant dénoter une altération pathologique des facultés
mentales » . Selon les affirmations présentées sur le cite officielle du centre c’est
une personne aliénée, démente, déséquilibrée (CNRTL). Larousse y ajoute de
petites nuances : « qui a perdu la raison, dont le comportement est extravagant,
déraisonnable, imprudent ou malavisé, qui indique un dérèglement
mental » (Larousse). Donc on voit que selon les dictionnaires du language littéraire
fou c’est celui qui souffre de troubles mentaux. Quand même le language parlé
admet l’usage de ce mot dans le sens plus large, en particulier , pour décrire des
états proches de la bêtise, qui n’implique aucun trouble mental (Bob).
En tenant compte du raisonnement cité ci-dessus, nous avons entrepris
d’amasser toutes les locutions comportant les adjectifs bête et fou, puisque les
derniers embrassent la notion dans son ensemble, sous tous ses aspects et peuvent
être utilisées pour examiner un grand nombre d’états psychiques, émotionnels et
intellectuels.
Selon les données des dictionnaires bilingues, thématiques, spécialisés,
humoristiques, et suivant également les arguments de la théorie du langage à cadre
on a réparti toutes les expressions visant à décrire un « cadre cognitif » de la folie
et de la bêtise qui sont inextricablement liés, en 8 catégories, emplacements,
« slots » :
•
La privation de la raison
•
La raison déréglée. Le jugement mal ordonné
•
La nature bestiaire de l’homme
21
•
Le point excessif de la bêtise
•
La bêtise active
Dans la théorie du language à cadre les slots stockent les informations
pertinentes de chaque « frame ». Ces informations accumulées peuvent être à son
tour divisées en groupes selon les idées principales exprimées par les locutions.
Dans cette recherche on a analysé les expressions suivant de nombreuses qualités
personnelles et intellectuelles propres à ceux qu’on pourrait appeler « fou » ou
« bête » et les a divisées en groupes selon l’aspect axiologique reflété :
• Être privé de qualités intellectuelle
• Avoir la raison déréglée
• Avoir le jugement mal ordonné
• Être obsédé par une idée fixe
• Se conduire d’une manière anormale
• Effectuer des actions déraisonnables
• Avoir l’esprit faible
• Avoir des facultés intellectuelles restreintes
• Se comporter d’une façon folle
Ce classement nous permet non seulement de parler de la façon de
présentantion de telle ou telle idée, mais aussi d’expliquer l’image sous-jacente qui
réunit souvent des locutions différentes exprimant les mêmes qualités personnelles.
La privation de la raison
L’idée qui vient la première à l’esprit quand on aborde la question de la
bêtise ou de la folie c’est la privation de qualités intellectuelles, la raison déréglée
ou le jugement mal ordonné, l’idée qui était déjà énoncée au XVII siècle. Dans ce
temps-là on appelait l’esprit « lumière naturelle », propre aux personnes
raisonnables d’où vient Ce n’est pas une lumière - « Le Président déjà n’est pas
une lumière. Au lieu d’interroger, selon l’habitude il accuse : « Hum !... Il n’y a pas
22
de fumée sans feu...» (Duneton). A l’époque on parlait des Lumières pour désigner
une personne à hautes capacités intellectuelles.
D’ailleurs, il existe une autre interprétation de l’origine de cette expression
qui est basée essentiellement sur le sens métaphorique de « lumière » et qui était
utilisée au XVIIe siècle non seulement pour désigner l'intelligence même, mais
aussi pour décrire des personnes avisées ou intelligentes qui brillaient et éclairaient
tout autour d’eux par la lumière de leurs qualités intellectuelles. Il en vient que
l’absence de cette lumière signifie l’absence de la raison et c’est dans ce sens
qu’on emploie l’expression « Ce n’est pas une lumière » aujourd’hui (Expressio).
L’idée de la privation de la raison ou de la lumière qui affecte l’exercice des
capacités intellectuelles a fait son chemin. Le dictionnaire de l’Académie française
cite l’expression suivante: ne plus avoir sa tête à soi (DAFII). Cette expression
reste toujours actuelle de nos jours (Expressio).
Le plus souvent quand même on perd ses facultés intellectuelles. Cette idée
est exprimée par la locution perdre la raison - perdre l'usage de ses facultés
intellectuelles ou devenir fou (CNRTL). Dans ce cas-là l’idée est clairement
exprimée par la forme de la locution, mais il existe tout un nombre d’expressions
ayant la même idée cachée dans leurs images sous-jacentes, par exemple : perdre
la tête, perdre le nord, perdre la boussole, perdre la boule, paumer la sorbonne et
perdre les pédales, la dernière expression semblant n’avoir rien de commun avec
toutes les autres jusqu’à ce qu’on comprenne que ces pédales font fonctionner la
raison (Bob).
Il est à noter que toutes ces expressions s’appuient sur l’image de la tête
exprimée par des voies différentes. En fait c’est la tête qui est considérée jouer le
rôle d’un concentrateur de facultés intellectuelles, capacités de raisonner et de
juger, c’est la tête qu’on perd avec l’âge. Cette idée a trouvé, par exemple, son
expression créative citée, ou plutôt illustrée, dans le dictionnaire du language parlé
Bob (voir Appendice I). Sur l’image trois femmes de troisième âge servent une
explication très concrète d’une idée de la perte de tête, ou la boule.
23
La locution perdre la boule apparue au milieu du XIX siècle est étroitement
liée avec perdre le nord (Linternaute). Le Nord est le point cardinal de référence
qui sert à s’orienter. Donc, quand on perd le nord, on est désorienté. Quant à
« boule », elle n'est rien d'autre que la tête. Et par extension, on pourrait également
dire qu'il s'agit du globe terrestre. Ainsi on ajoute à la désorientation la perturbation
et l’affolement (Linternaute).
Perdre la boussole exprime l’idée proche de celle de perdre le nord. Cette
expression utilisée depuis la fin du XIXe siècle doit son origine à la langue de
touristes et marins : la boussole est un objet permettant de s'orienter. Par extension
et au sens figuré, lorsque on perd de vue le bon chemin, on devient fou et, par
conséquent, on perd la raison (Linternaute).
Paumer la sorbonne est une expression populaire qui prend sa source au
langage argotique. Elle exprime la même idée de l’absence de la raison. La
sorbonne signifie ici tête en tant que siège de la pensée et paumer – perdre
(CNRTL). Ainsi, quand on paume la sorbonne, on perd la tête, autrement dit, la
raison.
Toutes ces expressions traitent les personnes dont la raison est perdue, mais
il leur reste quand même un peu de capacités intellectuelles. Dans le cas où on
parle de ceux dont la raison est brouillée, qui souffrent de troubles mentaux, on
emploie dans la plupart des cas l’adjectif malade ou le nom concret d’une telle ou
telle maladie, par exemple il est skyzophrène (Culturel). En même temps il existe
nombre d’expressions pour parler de cet état mental de quelqu’un sans préciser son
statut médical : travailler du chapeau, travailler du citron, travailler du grelot,
malade du képi, lessivé de la toiture (Bob).
Quand on dit qu’une personne travaille du chapeau, cela signifie qu’elle
souffre de troubles psychiques. Il est à noter qu’ici le chapeau n’a rien à voir avec
la tête. Cette expression prend ses origines au XIXe siècle dans le milieu ouvrier :
dans les chapelleries les ouvriers, qui manipulaient du feutre traité au mercure pour
la fabrication des chapeaux, souffraient d'intoxication qui causait des troubles
psychiques (Linternaute). Puis on a vu apparaître par analogie les expressions
24
travailler du citron et travailler du grelot qui expriment la même idée. Cependant
travailler du grelot ajoute une nuance d’un vide où on peut entendre ce grelot
sonner (Bob).
Quand à l’expression malade de képi, l’idée exprimée reste la même (Bob).
Les malades de képi ont des têtes malades. Dans ce cas le képi remplace par
métonymie le nom tête, qui représente la concentration de la raison.
Si on fait une attention plus soutenue aux idées exprimées par les
expressions parlant de la folie et de la bêtise, on voit que dans la plupart des cas
ces aspects différents d’un état personnel sont si étroitement liés les uns avec les
autres qu’une même locution présente des qualités d’un fou aussi bien que d’une
personne bête.
La raison déréglée, le jugement mal ordonné
La raison déréglée, le jugement mal ordonné est un des signes du désordre
mental, on peut souffrir de troubles mentaux et se sentir obsédé par une idée fixe
ou à l’envers perdre la raison à cause des facteurs extérieurs. On peut tomber dans
la folie et être considéré comme échappé d’un hospice et ne pas être capable de se
contrôler, alors on est hors de soi ou possédé par un démon.
Pour désigner celui qui ne peut pas se contrôler, sans prononcer le diagnostic
on tient compte de son comportement, son apparence, ses propos. Si on ne parle
pas de ses actions déraisonnables, mais on essaie de décrire une personne d’une
façon générale, on a recours à l’indication du lieu où s’accumulent les personnes
souffrant de troubles mentaux : il est échappé de Charenton, échappé des PetitesMaisons, échappé de Bicêtre - Un fou qui a été enfermé dans une clinique
psychiatrique ou qui pourrait l'être (Bob, CNRTL).
Charenton est un ancien asile psychiatrique, situé sur la commune de SaintMaurice dans le Val-de-Marne, appelé aujourd’hui L'hôpital Esquirol (ou
établissement public de santé Esquirol - EPS Esquirol) (Bob, CNRTL, PS). Quant
à « Les Petites Maisons » c’est le nom donné à un asile d’aliénés du 6-ème
25
arrondissement de Paris créé en 1557 (PS), aussi bien que « Bicêtre » est un
hospice d'aliénés de Bicêtre, un ancien domaine français situé sur l'actuelle
commune du Kremlin-Bicêtre (CNRTL, PS).
Celui qui ne peut pas retrouver le contrôle de soi peut être considéré comme
chassé hors de soi par des tierces forces ou possédé par un démon. De telles idées
sont exprimées par les locutions : avoir le diable au corps, avoir le diable dans le
ventre/au corps – être fou, déraisonner (Bob).
Avoir le diable dans le ventre/au corps exprime la même idée de la
possession par un démon, mais dans ce cas-là le diable s’est retrouvé dans le
ventre qu’on estimait être une concentration des organes essentiels humains (Bob,
Городецкая).
Initialement cette expression qui date du XIVème siècle et prend ses origines
dans les croyances populaires de l'époque, était utilisée pour désigner les pouvoirs
extraordinaires d'une vivacité surnaturelle d’un être humain (Expressions).
Il est à remarquer qu'au début du XXème siècle, au cours des années 1920
appelées années folles, avoir le diable au corps a pris une connotation érotique en
assimilant le corps à la chair et le diable au désir (ibid.).
Plus tard cette expression française a eu tendance à prendre plusieurs
insinuations en fonction de son intonation admirative pour la personne vivace, ou
sévère envers la turbulence d'un enfant et contenant de la désapprobation envers
l'adultère (Expressions).
Aujourd’hui on voit employer cette expression pour désigner un individu
fou, déraisonné, quand on ne peut concevoir les motifs des actions déraisonnables
d’une personne possédée par le diable, on les croit être exercées par des tierces
forces (Laurioz).
Les expressions péter une durite, péter un boulon, péter un cable, péter une
pile sont employées pour désigner celui qui déraisonne, perd la raison, est devenu
fou, agit d’une façon déraisonnable (Bob). Toutes ces expressions initialement
argotiques ont été créées par analogie avec la première citée plus haut - péter
(lâcher) une durite (Expressio). La durite c’est un de ces nombreux tubes ou
26
tuyaux en caoutchouc qu'on trouve sur un moteur, destiné à acheminer un tel ou tel
liquide d'un point à un autre du moteur pour assurer son fonctionnement. Il est à
noter qu’à l'origine, Durite est une marque déposée, tombée ensuite dans le
langage commun.
Autrefois quand toutes les automobiles cachaient une durite dans son sein,
on pouvait avoir beaucoup de problèmes, par exemple, le moteur pouvait se casser
ou prendre feu à cause de la rupture de ce tube. Autrement dit, les conséquences
d'une durite qui lâche (qui pète, en argot) pouvaient être graves. Maintenant, si
vous êtes en contact avec une personne qui devient enragée ou folle, vous devez
tenir compte de ce que la conséquence de ses actes peut aussi être très grave
(Linternaute).
C'est donc par une simple comparaison avec la gravité potentielle de la perte
complète de maîtrise de soi que cette expression est née au XXe siècle (Expressio).
On voit qu’en employant
ces expressions, on parle non seulement d’une
démonstration des qualités personnelles d’un homme, mais aussi de ses actions
déraisonnables effectuées par conséquence après une explosion émotionnelle.
Aujourd’hui on peut appliquer cette expression en parlant de celui qui déraisonne
(Expressio).
La formule à chaque fou sa marotte représente une illustration très concrète
de l’image sous-jacente de tout un nombre d’espressions parlant de la folie. Selon
le dictionaire Bob l’idée exprimée c’est «chaque fou a une idée qui l’obsède ». Le
dictionnaire des expressions françaises en ligne explique l’origine de cette
locution : « la marotte désignait autrefois le petit sceptre surmonté d’une tête
coiffée d’un bonnet multicolore à grelots, qui était l’attribut des bouffons, des fous
du roi » (Expressions).
On sait qu’à l’époque on voyait des bouffons traîner auprès des rois. Ces
bouffons étaient considérés fous et incapables de contrôler leurs propos, mais on
les écoutait, car ils révélaient la vérité par leurs paroles. Aujourd’hui cette idée
d’un bouffon qui est fou et ne peut pas se contrôler reste toujours actuelle, mais on
ne parle que d’un de ses attributs, une marotte ou un grelot pour décrire celui qui
27
est obsédé par une idée fixe : avoir un grelot (Bob). Ce n’est pas quand même
l’unique possibilité de décrire cet état psychique.
C. Duneton cite une expression qui reflète au XVII-ème siècle l’idée d’un
contenant de l’esprit humain où on trouve un contenu spécifique qui fait dérégler
la marche de la raison : il a un asne dans son pourpoint - « c’est une double
allusion à un as aux cartes, et à un âne » (l’ancienne orthographe asne) (Duneton).
On a déjà noté que dans la plupart des cas le rôle d’un contenant de l’esprit est
accordé à la tête où se trouve le cerveau, le principal organe du système nerveux
qui constitue le siège des fonctions cognitives et intellectuelles, ou au ventre qu’on
estimait être une concentration des organes essentiels humains, y compris le coeur
associé avec l’esprit au XVII siècle (Городецкая). Ainsi dans le cas de cette
expression le mot pourpoint est employé au sens du ventre associé avec le coeur et
l’esprit, et un asne qui s’y trouve et dérange son fonctionnement correct.
Pour exprimer cette idée on recourt souvent aux expressions proches du
domaine « biologique », dans lesquelles le rôle d’une idée obsédante est attribué
aux insectes qui volent, trottent, dérangent la raison faible : avoir un cafard, avoir
un cafard dans le choubersky, avoir une araignée au plafond/dans la cervelle,
avoir un hanneton (dans la Sorbonne, dans le plafond), avoir un hanneton qui lui
trotte par le ciboulot, avoir un rat dans la contrebasse (Bob).
L’expression avoir un hanneton (dans la Sorbonne, dans le plafond) est bien
illustrée par le dictionnaire du language parlé Bob (Voir Appendice II). Sur l’image
on voit « le célèbre docteur Hohkelgueukshall pratiquer une légère opération sur
un auguste crâne d’un Empéreur français. A la grande joie il a découvert et réuni
trois éléments qui font du souverain plus qu’un homme, un surhomme : un cafard,
un hanneton et une araignée » (Bob). La caricature sur un régent français rélève
trois insectes typiques qui séjournent dans la tête et dérange la raison par leurs
activités.
Dans la plupart des locutions le mot « tête » est remplacé métaphoriquement
par des analogues qui jouent le rôle d’un récipient où se concentrent des capacités
de raisonnement et de jugement. Par exemple, le terme de « choubersky » dans
28
avoir un cafard dans le choubersky désignait à l’époque un poêle caractérisé par la
lenteur de la combustion (Linternaute). L’image sous-jacente de la locution est
exprimée par le dessin d’un peintre français (Voir Appendice III).
Pour parler d’ une personne un peu folle on dit qu’elle a le timbre/le crâne
fêlé (CNRTL). Dans ce cas le timbre, aussi bien que le crâne, sont employés dans
le sens métaphorique et désignent l’esprit. La même idée est exprimée par la
locution avoir la tête mal timbrée qui fait allusion à un homme non seulement fou,
mais aussi léger, étourdi, bizarre, extravagant . Selon le dictionnaire numérique
Expressions le sens de cette locution est proche de il est timbré et avoir un coup de
marteau qui fait sauter le cerveau (Académie, 1836).
Dans le langage familier on dit parfois d’un fou, qu’il est timbré. Mais cela
n’a rien à voir avec les envois de courriers. En fait, le terme « timbré » fait
référence à certaines cloches, appelées timbres, qu’on utilisait durant le Moyen
Age dans les occasions particulières. Ces cloches étaient frappées avec un marteau
pour donner un signal à la population, notamment pour annoncer l’arrivée d’une
personnalité ou pour clore des débats publics. Il arrivait qu’à force d’être
martelées, ces cloches finissaient par se fissurer, donnant ainsi un son dissonant.
Par extension, les personnes simples d’esprit ou celles ayant perdu la raison ont été
comparées à ces timbres fêlés, leur tête ne fonctionnant plus normalement
(Expressio).
Quand à l’origine de coup de marteau Expressio dit que dans ce cas on
compare la faiblesse mentale avec des séquelles graves à commencer par un
comportement plus ou moins bizarre ou loufoque issues d’ un coup de marteau
qu’on aurait pu avoir sur la tête (Expressio).
Toutefois cette expression a été fixée par le dictionnaire de l'Académie
française de 1836 : avoir un coup de marteau (sur la tête) - avoir une manie, des
idées étranges, être fou. Selon le dictionnaire, l’expression remonte au XVIe siècle
(Académie, 1836). Outre cela le dictionnaire de l’argot de Gaston Esnault ajoute
qu'au début du XIXe siècle, « coup de marteau » était employé pour une « fêlure »
au cerveau (Esnault).
29
Aujourd’hui, en employant il a eu un coup de marteau sur la tête on parle
plutôt des effets potentiels d'un coup de marteau sur le crâne. En plus, le
dictionnaire Expressio assure que cette expression est née à la fin du XIXème
siècle par suite de l’éclipse de la précédente (Expressio).
Le manque de sens dans le domaine de l’intelligence implique une certaine
débilité de l’esprit, ce qu’on appelle en français l’esprit borné. L’image de cette
idée déjà actuelle au XVII siècle est révélée par l’expression « son esprit ne va pas
si loin » - ne s’étend pas (Duneton).
La dernière expression reste vastement utilisable et a un analogue dans le
langage parlé : avoir un coup de matraque – être bête, fou, niais, imbécile (Bob).
Même si le sens même de la locution rappelle avoir un coup de marteau, son
origine remonte à la langue arabe, le substantif matraque étant emprunté à l’arabe
d’Algérie (Bob, Linternaute).
Le mot « coup » étant une forme syncopée du latin colaphus signifie
étymologiquement « coup de poing ». Quand à la « matraque », ce mot est un
reflexe de la « mitraqa » arabe désignant à l'origine un bâton à conduire les
animaux sous l'effet de petits coups répétés (Linternaute).
La même image des séquelles issues d’un coup dur est aussi exprimée par
l’expression évoquant les suites funestes d’une chute sur la tête d’une hauteur : être
tombé sur la tête – signifie le déraisonnement, le comportement bizarre, la
faiblesse d’esprit (Bob, Гак).
La personne faible d’esprit, malhabile a l’air niais et montre dans ses paroles
et ses actions une certaine inexpérience et sottise (CNRTL). Pour désigner de telles
caractéristiques morales et intellectuelles on emploie dans la plupart des cas le mot
« sot » qui désigne quelqu’un sans esprit effectuant des actions sans jugement : sot
comme un panier percé, sot comme un prunier (CNRTL, Duneton, Quitard).
Celui qu’on appelle sot comme un panier percé est considéré être un grand
badin, qui n’a pas de mémoire, incapable de rien retenir de ce qu’on lui apprend
(Duneton, Quitard). Cette expression est assez ancienne, puisqu’elle aurait existé
depuis le milieu du XVIIème siècle (Etymologique). Le sens même de la locution
30
vient des traditions grecques de l’époque qui insistaient sur le fait que le sot est
semblable au panier percé : les « trous » de ce « panier » laissaient filer tout ce qui
aurait dû être retenu (Expressio).
On trouve une métaphore qui explique en quelque sorte l’origine de cette
expression: « Quelqu'un qui, le matin au marché, s'aviserait de remplir son panier
de lentilles en vrac, alors que le réceptacle est percé, y dépensera bêtement toute sa
fortune avant que le panier soit plein, alors qu'en ayant d'abord acheté du ruban
adhésif, il aurait pu commencer par boucher les trous » (Expressio). Dans ce cas
« les lentilles » peuvent être remplacées par d’autres objets de différentes tailles,
même immensse à une seule condition que les trous d’un panier soient assez
grands pour les laisser filer (Expressio).
La locution sot comme un prunier est aussi employée pour parler d’une
personne sans jugement et sans mémoire par allusion au prunier qui rejette,
impertinent, des fruits comme un sot qui « rejette » des pensées raisonnables
(Duneton, Quitard).
La nature bestiaire de l’homme.
L’allusion aux qualités initialement bestiaires, propres à l’être humain nous
rappelle la bêtise caractérisée par l’insuffisance de l’ordre intellectuel. Aujourd’hui
on trouve un grand nombre d’expressions qui évoquent des qualités initialement
bestiaires de l’homme, sa nature « bête » d’« un animal privé de raison » : il est un
veau, il est un oison, il est bête comme un âne, un mouton, une carpe, un dindon,
une grenouille, un hareng saur, un cochon/36 cochons, une oie, un rhinocéros
(Гак, Duneton, Bob). Cette allusion est indissociable de l’idée de représentation
des traits humains négatifs par des habitudes, des qualités propres aux animaux :
bête à manger du foin, bête à manger des chardons, une oie qui se laisse plumer
sans crier, raisonner comme une huître (Expressio, Duneton, Гак).
Quant aux expressions formées à partir de la structure « bête comme… »
elles représentent une comparaison avec un animal concret et servent non
31
seulement à exprimer des traits bestiaires, mais aussi à matérialiser une vision de la
« bêtise » effectuée par la liaison avec des objets réels du monde (Максимюк, р.
65). Dans notre cas les différentes bêtes tiennent lieu des qualités négatives
matérialisées.
L’expression il est un veau citée par Duneton est employée pour désigner un
sot, un badin (Duneton). Le Centre Nationale des Recherches Textologiques y
ajoute une nuance de définition : « une personne paresseuse, sans énergie et
souvent stupide » (CNRTL). Il s’ensuit qu’en parlant d’ « un veau », on parle non
seulement d’un sot, mais aussi d’un homme paresseux, on attribue à une personne
des caractéristiques complémentaires inhérentes à l’animal nommé.
Une personne considérée bête ou même imbécile sera appelée bête comme
une oie ce qui vient d’une comparaison avec une gardeuse d’oies, la seule
contribution à l’économie campagnarde auprès des « idiots de village ». Cette
expression qui indique une absence d'intelligence chez une personne, une faible
vivacité d'esprit est employée pour désigner quelqu’un particulièrement stupide
(Linternaute).
Quant à il est un oison - un sot, qui ne sait pas se conduire, ici on attribue à
une personne ressemblant à un petit de l'oie sauvage ou domestique de la
« simplicité excessive, qui confine à la bêtise » (Duneton, CNRTL).
Être bête comme un âne signifie être d'un esprit lourd et grossier, posséder
une grande ignorance (Гак, CNRTL). Comme l’âne n’est pas perçu comme un
animal particulièrement intelligent, les Français utilisent cette expression en
parlant des capacités intellectuelles restreintes, même si on voit apparaître de plus
en plus de défenseurs de cet animal.
Pour parler d’un individu à l’esprit borné on emploie être bête comme un
cochon/comme 36 cochons (Bob, CNRTL). Si on voulait faire attention aux actions
bêtes d’un niais infatué de lui-même, on dirait il est bête comme un dindon (Гак,
CNRTL).
Les expressions être bête comme une carpe, une grenouille, un hareng saur,
un rhinocéros sont créés sur le même modèle comparatif « adj. + comme + le nom
32
d’un objet qui possède la même qualité à un degré absolu» et sont employées dans
le langage plutôt parlé que littéraire (Гак, CNRTL). L'expression bête à manger du
foin – s’applique à une personne niaise, idiote et date de la fin du XVIIIe siècle.
« Le foin » étant une herbe mangée par les animaux et non par les humains, illustre
au sens figuré une chose de peu de valeur. Ainsi la locution peut s'entendre
comme : « tu es complètement stupide, car non seulement tu es bête, mais tu l'es au
point de manger quelque chose sans aucun intérêt » ce que fait l’âne (Linternaute,
Expressio). Parallèlement à cette expression, on trouve aussi bête à manger des
chardons où une personne est comparée avec un âne dont les qualités
intellectuelles sont insignifiantes (Expressio).
Celui qui est appelé une oie qui se laisse plumer sans crier est considéré être
très bête (Famille). Selon les donnés du CNRTL « oie » étant une personne bête et
niaise, exerce une action fort déraisonnable quand « elle » laisse se plumer sans
s’opposer à ce qui lui nuit (CNRTL).
Celui qui raisonne comme une huitre le fait très mal, en dépit du bon sens
(Pittoresque). Cette expression est censée avoir dérivée de la croyance que l’huître
étant placée au dernier degré de l’animalité étant privée de facultés d’instinct
proche à l’époque de la notion d’« intellect » (Pittoresque).
Cependant il y a une autre explication de l’origine de cette locution qui
consiste à ce qu’« elle est provenue d’une allusion aux discours tenus par une
huître dans la Circé de Giovanni Baptista Gelli, poète et philosophe florentin. Cet
ouvrage, qui fut très répandu et très goûté en France au XVIe siècle, représente
Ulysse dialoguant avec ses compagnons transformés en bêtes, et cherchant à leur
persuader de reprendre la forme humaine, que la magicienne Circé doit leur rendre,
pourvu qu’ils en témoignent le désir.
Le premier auquel il s’adresse est une huître, qui se montre fort contente de
l’être, et qui veut prouver par une foule de raisons qu’une huître vaut mieux qu’un
homme. Il s’adresse ensuite tour à tour aux autres ; mais tous, à l’exception du
dernier, qui est l’éléphant, lui répondent par de semblables arguments ; ils
raisonnent comme l’huître » (Pittoresque).
33
Toutefois quelle que soit l’origine de cette expression, l’image de l’huître
qui est infatuée d’elle-même et manque d’esprit pour raisonner clairement reste la
même.
Il y a des locutions qui remonte à l’image sous-jacente liée à l’animalité
humaine, mais ne la représente pas clairement : il lui faut fendre les pieds et
l’envoyer paître, être chargé de ganaches (Duneton).
Quand on dit « il lui faut fendre les pieds et l’envoyer paître » on sousentend que l’on voudrait s’éloigner d’une personne bête. A l’époque quand on
menait des chevaux aux champs brouter de la bonne herbe bien verte, on les faisait
paître. Et comme les champs « broutables » étaient éloignés, il fallait faire paître
les animaux, c'est-à-dire les éloigner vers un champ à distance (Expressio).
Mais il est à noter que dès le XIIème siècle la locution faire herbe paître, et
le verbe « paître » en particulier, signifiait également « tromper », s'employait pour
« mener comme un sot, en dupant ». Ceci explique que cette locution a eu la
signification « envoyer promener comme un sot » (Expressio).
L’expression fixée un peu plus tard être chargé de ganaches – désignant une
personne grossière et qui a l’esprit lourd (Duneton), représente une illustration de
l’idée de l’esprit lourd ou grossier, qui a connu un développement dans les années
à couler par les expressions : avoir l’esprit pointu come une boule - se dit de
quelqu’un qui n’a pas l’esprit très aiguisé, avoir l’esprit enfoncé dans la matière un esprit épais (Duneton).
L’extrême degré de la bêtise
Il existe plusieurs expressions figurées pour désigner l’extrême degré de
différentes faces de la sottise, de la bêtise humaine aussi bien que de la folie : être
sot en trois lettres, être sot à triple étage, être d’une bêtise amère, être un fou
perdu, être grosse bête (Duneton, Гак).
L’expression il est sot en trois lettres désignant une personne dont la sottise
est très promptement exprimée et non moins promptement reconnue se base sur la
34
valeur renforçatrice pour spécifier les trois lettres : « la spécification « en trois
lettres » a ici une valeur renforçatrice. Ce procédé se rapproche un peu de
l’épellation (comme dans n, i, ni, c’est fini !) (Rey).
L’extrême degré de la sottise exprimé toujours avec un triplement d’excès se
relève plus tard, à la fin du XVII siècle : être sot à triple étage (Duneton). D’un
côté le triplement de la sottise implique l’illustration de cette caractéristique
mentale et, de l’autre côté, cette locution renvoie à la théorie du cerveau triunique
selon laquelle un cerveau humain ou néomammalien représente la troisième étape
de l’évolution de l’espèce humaine (un cerveau reptilien étant le premier et un
cerveau paléomammalien – le deuxième) (Famille, CNRTL).
L’expression être d’une bêtise amère expime explicitement l’idée du défaut
d'intelligence, de jugement (CNRTL, Гак). Le mot « amère » employé ici dans
son sens figuré ajoute une nuance de ce qu’il est pénible, triste et douloureux de
contempler la bêtise humaine d’un point extrême.
Quand une personne est considérée comme un fou perdu, on ne suppose pas
seulement que son comportement représente l'esprit dénotant ou semblant dénoter
une altération pathologique des facultés mentales, mais aussi il est sous-entendu
qu’il n’y a aucune possibilité de la ramener à la raison (CNRTL, Гак). Il est à noter
que cette expression employée au moment de l’extrême affectation de la bêtise
humaine peut exagérer le défaut mental d’une personne nommée.
La locution être grosse bête désigne un être humain comparé ou assimilé à
un animal pour son manque d'esprit, son caractère ou ses actions par un emploi des
termes d’affection bourrue (CNRTL, Гак). Au sens figuré une grosse bête signifie
un sanglier, donc, quand on appelle quelqu’un une grosse bête on renforce
l'expression d'une caractéristique, d'une qualité ou d'un état bête en évoquant un
animal à des mœurs pareilles (CNRTL).
Pour attester le défaut des capacités mentales on emploie des expressions qui
remontent à la gestuelle des doigts et des mains faisant partie de la communication
non verbale: tourner son index contre sa tempe, se frapper la temp(l)e, se vriller
l’index sur la temple (Гак, Bob).
35
Le geste répété exprimé par tourner son index contre sa tempe ou se frapper
la tempe est utilisé pour indiquer que la personne est folle. Ce geste est souvent fait
par Obélix qui l'accompagne de sa fameuse phrase « Ils sont fous, ces
Romains! » (Expressio, Bob).
La locution se vriller l’index sur la tempe exprime explicitement son sens :
celui qui a des dérèglements mentaux se vrille l’index sur la tempe (Figaro).
L’image sous-jacente du geste familier et par conséquent, de l’expression
correspondante est cachée dans le mot « gibelet ». Le gibelet était une «espèce de
petit foret», plus précisément il s'agissait d'une vrille avec laquelle on pratiquait
des donne-vent dans une barrique de vin mise en perce. L'instrument se prêtait déjà
à la métaphore: «On dit proverbialement qu'un homme a un coup de gibelet pour
dire qu'il est un peu fou.» C'est là l'origine du geste familier qui consiste à se visser
l'index contre la tempe pour symboliser le dérangement mental d'un individu
quelconque (Figaro).
Quand on parle à un homme qu’on croit exercer des actions trop bêtes, on
peut lui adresser de telles répliques : « Ça va pas la tête ? », « Ça va pas ? », « T’es
pas bien ? » (Bob).
La réplique « Ça va pas la tête ? » jetée pour s’étonner du degré extrême de
la bêtise humaine est désormais devenue une locution figée, employée même pour
dénommer des programmes à la radio (Franceinter). Cette phrase est utilisée pour
reprendre quelqu’un dont on considère avoir des idées saugrenues ou dangereuses,
ou celui qui a commis un acte répréhensible (Bob). Dans ce cas la tête est
considérée comme l’organe « responsable » des capacités intellectuelles, donc, s’il
ne marche pas bien, le jugement sain est cassé (Bob).
On sous-entend que la réplique « T’es pas bien ?» employée pour exprimer
l’étonnement du niveau de la bêtise de quelqu’un perçu par ses actions, désigne le
comportement qu’on ne peut considérer comme « normal », donc, l'intelligence de
cette personne n’est pas conforme au modèle courant (Bob, CNRTL).
La bêtise active
36
Bien que ne pas comprendre et être stupide soient deux choses différentes,
elles sont étroitement liées et ces états de bêtise peuvent être qualifiés comme
incontrôlés. Mais il y a encore une catégorie de la bêtise qui diffère de celles qui
sont décrites plus haut. Il s’agit d’un état de bêtise qu’on peut contrôler pour
arriver aux fins déterminées. Elle est appelée la bêtise active.
Dans le cas où une personne toute saine tourne à l'état sauvage on dit qu’il
fait le fou, fait le zouave, joue au con, fait l’enfant (Bob, Sensagent). Toutes les
locutions citées sont formées par analogie avec faire le fou employée pour désigner
« une personne qui, affranchie des convenances ou des normes de comportement
habituel, se laisse aller à la gaieté, à l'insouciance » (Bob).
L’expression faire le zouave tire son origine de la langue d’Algérie. Son
apparition est liée à un conflit armé de 1830 en Algérie où l’armée composée de
Français et d'Africains du Nord était appelée « les zouaves », et était opposée aux
Algériens. Ce corps de zouaves était réputé pour être exagérément discipliné. On
disait alors qu'il en rendait les hommes idiots. C'est de cette tribu berbère que vient
l'expression faire le zouave qui signifie « faire le pitre, l'idiot » en adoptant des
comportements extravagants censés amuser un public (Bob, Linternaute).
La locution jouer au con est employée dans le langage populaire pour parler
d’une personne qui fait semblant d’être naïve ou stupide et, par extension, essaye
de faire croire de ne savoir rien d’une chose (Bob, Reverso). Le mot « con » au
sens d’imbécile n’apparaît qu’à la première moitié du XIX siècle. D’après le
témoignage de Mérimée c’était Stendhal qui l’aurait employé le premier. Le sens
érotique du nom a reculé devant une nouvelle signification de façon que les
dictionnaires (voir Le Robert) traitent le deuxième con comme homonyme du
premier mot attesté depuis le XIIIème siècle (Robert).
« Les langues sont porteuses d’histoire et reflètent dans leur reconstruction
génétique la psychologie profonde de l’homme », écrit le Nouvel Observateur, et
certains mots « à forte charge émotive et symbolique, agissent comme des
marqueurs, des traceurs linguistiques » qui à travers « les âges, les peuples et les
37
civilisations, viennent par alluvions échouer au cœur de nos vies, pareils à ces
fossiles nappés de mousse, puis nous parlent et nous disent un morceau de
l’histoire de l’homme. » (NO89). Il en est ainsi du « con ».
La locution faire l’enfant est employée pour désigner une personne pas
raisonnable, qui agit bêtement aussi bien que s'obstine puérilement, joue au naïf,
montre des caractéristiques propres aux enfants (Bob, NO).
Toutes ces locutions décrivent une personne qui adopte un certain
comportement pour arriver à ses fins et représente une nuance de la bêtise active
inhérente à un «cadre cognitif » de la folie et de la bêtise.
§2 Les expressions russes employées pour représenter le concept
глупость
Selon les données des dictionnaires étymologiques les mots à sens
équivalent ou approchant de « глупый » sont apparus dans la période entre le
XIIIème et le XVème siècles. A l’époque les mots «безумник» et «буяк» dérivés
de «буий» - « глупый, безумный » étaient employés pour désigner une personne
folle/bête. Au début du XVIème siècle on voit apparaître des synonymes formés
par la voie de dérivation, aussi bien qu’au moyen de transfert de sens. C’est à ce
temps-là que s’est formée toute une série synonymique (Кругликова).
Aujourd’hui on y rapporte : глупец, глупыш, тупица, дурачина, дуралей,
дурень, дурында (d’une femme), дуреха (d’une femme), полудурок, полудурье,
придурок, недоумок, идиотина, бестолочь. Tous ces mots ont pris le sens de
«глупый» par dérivation (Кругликова).
Quant aux mots dont le sens remonte à des termes non-motivés, on n’en
compte pas moins : остолоп, олух, олух царя небесного, балбес, балда, тумак,
остолопина, дундук (Кругликова).
Le dictionnaire d’Ozhegov définit « глупый » comme « 1. С
ограниченными умственными способностями, несообразительный,
бестолковый человек. 2. Не обнаруживающий ума, лишенный разумной
содержательности, целесообразности » (Ожегов).
38
Dans la structure du concept « Глупый. Дурак » certains chercheurs
relèvent le cadre cognitif «дурак ». On sait que le mot « дурак » est employé pour
décrire une personne extrêmement bête, qui prend des décisions extravagantes et
effectue des actions déraisonnables. Ce n’est pas celui qui manque d’esprit, mais
plutôt celui qui ne s’inscrit pas dans le modèle de vie ordinaire et témoigne par ses
actions sa nature bestiaire. Les dictionnaires n’attribuent pas à ce mot un sens
particulier, différant de celui de « глупый ». Le dictionnaire d’Ozhégov donne la
définition suivante de ce mot: « 1. Глупый человек, глупец. 2. В старину:
придворный или домашний шут» (Ожегов).
Il y a une autre interprétation du terme, selon laquelle le mot « дурак »
remonte au nom Ur/Ур, attribué aux habitants du monde préhistorique. D’abord ce
mot signifiait un disciple d’UR, d’où vient « д’УР’ак ». Ces Urs possédaient des
connaissances cosmiques et les transmettaient à leurs adeptes. Par cette tradition «
дурак » est censé être même plus intelligent que des personnes sages (ВП).
En s’appuyant sur les principes de la théorie du langage à cadre, on a divisé
toutes les expressions en 8 slots:
•
Absence de capacités de raisonner
•
Аbsence de raisonnement, de bon sens dans les opinions et les
actions
•
L’ignorance
•
Faire le fou
Les expressions recueillies employées pour décrire ce cadre cognitif sont
divisées en groupes selon l’aspect axiologique reflété:
•
Ne pas posséder la capacité de comprendre
•
Être inapte à éduquer
•
Avoir des facultés intellectuelles restreintes
•
Ne pas savoir effectuer une action toute simple
•
Être déraisonnable
•
Avoir peu d’esprit
•
Ne pas savoir se servir de son intellect
39
•
Être trop grand, haut, fort pour être intelligent
•
Être fou
•
Avoir l’esprit faible
•
Ne pas avoir de connaissances
•
Avoir la tête « pourrie » de doctrine inutile
•
Se comporter d’une façon folle
Absence de capacité de raisonner.
L’idée principale de celui qui ne possède pas la capacité de comprendre et
considéré comme бестолковый, недалекий, дурак est largement représentée par
plusieurs locutions figées fixées dans les dictionnaires phraséologiques russes :
неразумного учить – в бездонную кадку воду лить, дурака учить – что
мертвого лечить, дурака учить – решетом воду носить, он звезд с неба не
хватает, он не блещет умом, он недалекого/недальнего ума, пороха (пороху)
не выдумает, с дураком говорить – стену молотить, об него как об стену
горох (Бирих, Мелерович, Федоров).
Plusieurs locutions figées nous apprennent qu’il est impossible d’enseigner
quoi que ce soit à une personne bête. Tout passe par sa tête et rien ne s’y arrête,
comme de l’eau fuit d’un cuveau qui n’a pas de fond : неразумного учить – в
бездонную кадку воду лить. Ici le « cuveau » est employé pour désigner la tête
totalement vide et malfaite d’où tout fuit. L’image sous-jacente toute pareille s’est
déjà rencontrée dans les expressions françaises comme avoir la tête fêlée.
Toutefois dans la langue russe c’est plutôt l’idée d’un vide qui ne peut pas être
rempli qui souligne le fait qu’il est impossible de rien enseigner à une personne
bête/глупый (Бирих, Bob).
La locution « liée » à la tête et à l’eau qui en coule, mais qui ne montre que
l’absurdité des essais visant à enseigner la raison à une personne bête, est дурака
учить – решетом воду носить (Бирих). Cette expression ne remonte pas à
l’image de la raison coulée, mais fait rapprocher le transfert de l’eau au moyen
40
d’un mortier et toute tentative à apprendre quoi que ce soit à un sot dont l’état de
bêtise est irrémédiable.
La locution дурака учить – что мертвого лечить est employée dans le
même sens que la précédente et montre l’inopportunité de toutes les tentatives à
« guérir » une personne sotte (Бирих). Cela est aussi irréel que réanimer un mort.
L’idée proche de celle-ci, exprimée par les dernières locutions c’est
l’impossibilité de changer un sot par aucun moyen, tout ricoche de lui et rien ne
s’attarde dans son esprit: с дураком говорить – стену молотить, об него как об
стену горох (Федоров).
Ces deux expressions remontent à la tradition de lancer des pois contre les
murs pour dégager les graines de leurs gousses. C’étaient d’abord les femmes qui
ont pris l’habitude de comparer leurs enfants têtus avec la dureté des murs et leurs
paroles instructives avec les pois qui rebondissent des têtes dures de leurs enfants
comme des grains qui n’adhèrent pas aux murs, où, comme dit Vladimir
Ivanovitch Dahl «горох к стене не льнёт» (Даль, Znach).
Celui qui manque de capacités intellectuelles ne peut faire rien de
remarquable au sens positif et dans ce cas on dit : он звезд с неба не хватает, он
не блещет умом, он недалекого/недальнего ума, пороха (пороху) не выдумает
(Мелерович, Волкова). Il existe des personnes intelligentes dont on attend de
grandes réalisations qui puissent changer le monde, il en existe d’autres qui n’ont
pas l’aptitude à « saisir une étoile » ou « inventer la poudre ». Les deux
expressions expriment l’idée du manque de capacités intellectuelles dont
« souffrent » les sots/глупцы.
Quant à он не блещет умом, он недалекого/недальнего ума, ces locutions
rendent la même idée, mais aux termes figurés (Мелерович). Celui qui n’est pas
doué d’un esprit « lumineux », qui a un esprit « court » est borné aux capacités
mentales pour faire voir à tous les fruits de sa raison.
Un grand nombre d’expressions révèlent l’image de la tête comme contenant
de l’esprit et expriment cette idée par le terme « голова » : глупая голова,
бестолковая голова, безмозглая голова, несмысленная голова, у него в голове
41
ни ползолотника мозгу, без ума голова – пивной котел (кочка, лукошко), в
голове какой-то (одной) клепки не хватает (Мелерович, Телия, Васильев,
Волкова). Dans certains cas on fait appel aux dimensions de la tête ou du front :
голова с печное чело, а мозгу совсем ничего, мозговина (голова) с короб, а ума
с орех, лоб широк, а мозгу мало, голова что чан, а уму ни на капустный
кочан, голова с лукошко, а мозгу ни крошки, голова с пивной котел, а уму не
ложки, (Даль, 1989, Телия, Васильев).
Les locutions parlant de la tête comme du siège de l’esprit, relèvent
premièrement l’idée du vide de ce contenant de pensées raisonnables. On attribue à
la « tête » des caractéristiques négatives comme « глупая », « бестолковая », «
безмозглая »,
« несмысленная ». Ainsi la personne ayant une déficience
intellectuelle est censée avoir une tête balourde.
Dans certains cas l’idée du vide de la tête est exprimée par les termes des
expressions citées : у него в голове ни ползолотника мозгу, без ума голова –
пивной котел (кочка, лукошко), в голове какой-то (одной) клепки не хватает,
у него чердак без верху: одного стропильца нет, у него в голове реденько
засеяно (Васильев, Волкова, Даль). Les expressions citées plus haut se réfèrent
aux petites dimensions de la tête en tant que contenant d’esprit qui, par conséquent,
ne peut pas être en quantité suffisante.
Quand on dit у него в голове ни ползолотника мозгу on évalue la quantité
de l’esprit avec une ancienne unité de mesure utilisée en Russie pour déterminer le
taux de pureté des métaux précieux (Васильев). Le zolotnik équivalait à un quart
de carat, soit 1/96e de gramme, tandis que le cerveau pèse environ 1,5
kilogrammes. Même si à l’époque on ne connaissait pas le poids de l’organe
central du système nerveux, on comprenait qu’il n’était pas léger et qu’un cerveau
d’un poids équivalant à une moitié du zolotnik est propre à celui qui manque de
capacités intellectuelles.
On voit que la plupart des expressions comportent des allusions au train de
vie quotidienne des paysans de l’ancienne Russie. Ainsi la locution у него в голове
реденько засеяно rappelle-t-elle le métier principal des russes à l’époque ancienne
42
– l’agriculture (Волкова, Даль).
L’ensemencement peu abondant signalait la
pauvrété d’un agriculteur ou son inexpérience. Dans ce cas la tête comparée à un
champ est peu ensemencée des capacités intellectuelles ce qui témoigne de la
pauvreté d’esprit.
Quand il manque à la tête un élément nécessaire et cela amène à un manque
d’esprit, on peut dire: в голове какой-то (одной) клепки не хватает, мозгов не
хватает (Волкова, Даль, 1989). Cette locution comporte une allusion à un
tonneau, qui manque d’une douelle, tout pareillement à la tête qui manque d’un
élément important : les deux ne peuvent pas fonctionner bien. L’expression у него
мозгов не хватает exprime explicitement cette idée par le verbe не хватать.
La comparaison de la tête avec une chaudière à biere remonte au temps des
bogatyrs, héros des contes et bylines, hercules russes. A l’époque on employait des
chaudières pour cuire de la bière et du vin de miel. Le nom de cet objet vastement
répandu est devenu une composante fréquente des expressions idiomatiques car on
y (a) attribuait le rôle du plus grand récipient. Voilà comment on compare la tête de
l’antagoniste principal des hercules russes dans les bylines russes, Idolishche
Poganoye, avec une chaudière à bière :
Голова у него, как пивной котел,
А меж глаз идет стрела каленая,
А в плечах у вора сажень косая (Веселие).
L’expression без ума голова – пивной котел кочка, лукошко) comporte une
comparaison d’une très grande tête avec une chaudière à bière et en même temps
souligne le fait qu’elle est vide et même ses dimensions immenses ne garantissent
pas la présence de l’esprit bien rangé. Les comparaisons avec « кочка, лукошко »
ont été formées par analogie et rapportent la même idée (Васильев, Волкова).
Un grand nombre d’expressions comportent l’indication à une grande taille
de la tête qui aurait pu avoir un cerveau bien rangé, mais il n’en a pas : голова с
печное чело, а мозгу совсем ничего, мозговина (голова) с короб, а ума с орех,
лоб широк, а мозгу мало, голова что чан, а уму ни на капустный кочан, голова
с лукошко, а мозгу ни крошки, голова с пивной котел, а уму ни ложки, (Даль,
43
Телия, Васильев). Ces locutions font penser au vide d’un contenant d’esprit ou
d’une quantité d’esprit trop petite pour que la personne soit capable d’effectuer des
actions raisonnées, propre aux personnes bêtes/глупые. Les images sous-jacentes
de ces expressions permettent de les comprendre avec toute précision, car elles
expriment l’idée principale sans s’adresser aux autres objets ou phénomènes et se
basent sur l’opposition petit / grand.
Il est à noter que dans la tradition russe la personne stupide/бестолковый est
considérée comme incapable de se servir de son intellect pour former des
jugements jusqu’à la mort : летами ушел, а умом не дошел, с осину вырос, а
ума не вынес, под носом взошло, а в голове и не посеяно (Даль, Телия,
Волкова) . Toutes ces expressions désignent le manque d’esprit comme une qualité
personnelle inhérente à une personne lors de toute sa vie.
Outre cela, l’opposition des capacités intellectuelles aux qualités physiques
est typique pour la langue russe : нос с локоть, а ума с ноготь, велика Федора
да дура, сила – ума могила, сила ум ломает (Даль, 1989, Телия, Кожацкий). Il
est évident que ces expressions sont fondées sur l’opposition grand / petit ce qui
rappelle la structure sémantique des locutions avec le mot la « tête ».
L’expression la plus fréquemment employée pour désigner une personne
d’une grande taille privée de capacités mentales c’est велика Федора да дура
(Даль,Ожегов). Dans ce cas « Федора », ancien prénom russe, est employé
métaphoriquement désignant la stature d’une personne, « фигуру ». Le terme
remonte au mot latin « figura - configuration, forme, aspect, représentation
sculptée, mode d'expression, manière, etc. » (Ожегов, CNRTL). L’expression se
réfère donc à une opinion traditionnelle selon laquelle les personnes bêtes/глупые
se font apparaître de façon que leur manière d’expression soit aperçue par tous.
Quant à нос с локоть, а ума с ноготь, la locution exprime l’opposition des
qualités physiques à celles de l’intellect. Mais il importe de noter que « локоть »
et « ноготь » sont non seulement des termes désignant les parties du corps
humain, mais aussi des mesures de longueur qui sont de 50 cm environ et 11 mm
respectivement (Даль).
44
Les expressions сила – ума могила, сила ум ломает, сила есть – ума не
надо remontent à l’idée traditionnelle qu’une personne possédant une grande force
physique est plutôt bête/глупый qu’intelligent/умный, puisqu’il dépense toutes ses
forces pour améliorer sa forme physique. Quand on développe ses capacités
physiques on « enterre » ses capacités intellectuelles. On n’a plus besoin de tête si
on peut avoir recours à la force physique, ce qui est un moyen primitif de résoudre
les problèmes.
Аbsence de raisonnement, de bon sens dans les opinions et les actions
Un manque de raison témoigné par les actions et paroles dépourvues de sens
est considéré comme la suite d’un esprit lourd, difficile à «pénétrer», propre à une
personne bête/глупый, appelée en russe охламон, простофиля, лопух. Il existe
plusieurs locutions exprimant cette idée par allusion à un matériel « dur » : глуп
как пень, глуп как пробка, глуп как свиной пуп, дуб дубом, дубина
стоеросовая, дундук дундуком (Даль, Бирих, Мелерович, Федоров,
Молоткова). L’absence de la raison est la caractéristique principale qui distingue
l’homme d’un animal. Les locutions qui parlent de la nature bestiaire de l’homme
sont aussi employées pour désigner une personne déraisonnable : пест пестом,
попова курица, осел, индейский петух, осетровая башка, олух (Даль,
Никитина).
Les personnes qu’on appelle en français souffrant de troubles mentaux /
люди с ментальными расстройствами sont péjorativement appelées en russe
«псих/больной», car on ne connaît pas souvent leurs diagnostics exacts ou même
ne distingue pas les troubles mentaux des problèmes d’un caractère psychique,
puisqu’ils se manifestent tous les deux par un comportement dit anormal.
Un trouble mental est souvent perçu comme une qualité négative dans la
tradition russe et cette vision est reflétée dans la langue russe, tandis que la langue
française manifeste du respect envers de tels états. En parlant d’une personne
45
«псих/больной», on fait attention surtout à ses paroles et ses actions
déraisonnées dues à son manque d’esprit.
Il est à noter que l’état de santé d’un individu ne peut être correctement
estimé que par les médecins et on ne peut faire à personne tel ou tel diagnostic sans
avoir fait un bilan de santé complet. Toutefois on essaie de faire des « diagnostics »
pareils par des expressions variées : тронутый в уме, тронутый умом, крыша
поехала, с (легким) прибабахом, с (легким) приветом, с (легкой) придурью,
винтиков (винтика) не хватает (у кого-либо), шарики заскакивают
(заходят) за ролики (у кого-либо), выжил из ума (НВЛ, Тезаурус,
Кожевников). Initialement ces locutions étaient uniquement employées pour
désigner un état psychique anormal, mais aujourd’hui certaines d’elles peuvent être
appliquées à une personne plutôt bête/глупый que souffrant de troubles mentaux /с
ментальными расстройствами.
Celui qui est considéré être тронутый в уме, тронутый умом est conçu
fou/безумный. L’expression exprime l’idée de l’esprit tordu grâce à la
métaphorisation des termes faisant partie de la locution, l’adjectif « тронутый »
au sens figuré de « психически нездоровый » et « ум » au sens premier de
« сознание, рассудок » (Ефремова).
L’expression крыша поехала est définie par le dictionnaire d’Ozhégov
comme « нарушение способности здраво мыслить,
помешательство
»
(Ожегов). En russe, comme en français, le mot le toit est
employé au sens de la tête : si elle est « cassée », la raison ne fonctionne pas d’une
façon cohérente.
Selon une autre opinion, l’image sous-jacente de cette locution remonte au
mode de vie des paysans russes. A l’époque la plupart des villageois habitaient
dans des maisons en bois, appelées « isba » construites sans clous. Bien que cette
construction soit considérée solide, elle ne pouvait résister à des forces naturelles,
des averses, des vents, des tempêtes, etc. Dans certains cas les toits des demeures
s’effondraient ou s’abaissaient et par conséquent le foyer devenait inutilisable.
C’est par la métaphorisation de ce processus que la locution «крыша поехала » est
46
devenue applicable à la description de l’état malsain de l’esprit impropre à
raisonner (Крачковский, р. 63).
Celui dont on parle en employant la locution с (легким) прибабахом est
censé être «странный, с причудами, ненормальный, с психическими
отклонениями» (Елистратов). L’idée d’être battu par un objet pesant qu’exprime
cette expression, rappelle « avoir un coup de marteau » employé en français pour
désigner la faiblesse d’esprit d’un individu (Bob). Pourtant, tandis qu’en français
un fou est « soupçonné » d’avoir reçu un coup de marteau sur la tête, un fou/
безумец russe devient imbécile pour avoir eu un coup de sac : как будто его по
голове мешком хлестнули (Тришин).
Dans la langue russe l’image d’une personne devenue étourdie à la suite
d’un coup puissant est facilement comprise, vu que les termes qui constituent
l’expression sont « parlants »
бабахнуть »
: le substantif « прибабах » dérivé du verbe «
remonte à l’onomatopée « бабах », un son qu’on entend après la
chute d’un objet lourd (Елистратов).
En outre, un individu peut devenir fou/безумный lors de la petite enfance
après qu’on l’avait laissé tomber : как будто в детстве нянька уронила
(Тришин).
Personne
appelée « с (легким) приветом, с (легкой) придурью » est
caractérisée comme « со странностями, глуповатый или не совсем
нормальный человек » (RUSGOS). Dahl définit « придурь » comme « бестолочь
в голове, странная дикая складка ума; дураковатость, глуповатость, шаль,
полоумие », tandis que le dictionnaire des synonymes place « с приветом » au
sens figuré dans le même rang que « придурковатый », auquel il ajoute c банком,
c бзиком, c закидонами, c заскоками, c чудинкой, cо странностями
(Synonyms). Ces locutions comportent une allusion ironique à un comportement
absurde et insensé.
Dans certains cas la tête est représentée métaphoriquement sous la forme
d’un mécanisme qui fait marcher l’esprit : винтиков (винтика) не хватает (у
кого-либо), шарики заскакивают (заходят) за ролики (у кого-либо) (НВЛ,
47
Тезаурус, Кожевников). Quand ce mécanisme manque d’un élément nécessaire,
son mode de fonctionnement est déréglé ce qui est comparable à l’esprit : s’il est
privé d’un détail important, le raisonnement ne se fait pas d’une façon correcte. La
même idée est actualisée dans la langue française où on emploie l’expression il
manque un clou à son casque (Bob).
L’expression шарики заскакивают (заходят) за ролики (у кого-либо) est
employée pour parler d’une personne folle/безумный, aussi bien que d’un individu
qui a perdu la raison à cause de la démence sénile.
La même idée est exprimée par la locution выжил из ума (Кожевников).
L’expression caractérise les personnes du quatrième âge qui ont déjà dépensé leurs
« fonds de la raison » : « Признаемся, что старичок, если и не выжил ещё из
ума, то давно уже выжил из памяти и поминутно сбивается, повторяется и
даже совсем завирается » (Достоевский, р. 153). Le dictionnaire des synonymes
cite une série d’expressions synonymiques parmi lesquelles on trouve : впадать в
маразм, впадать в детство(CPC).
L’état phsychique d’une personne âgée est souvent comparé à un stade du
développement d’un bébé caractérisé par l’incapacité de raisonner clairement et de
formuler les pensées logiquement correctes : впадать в детство(CPC). On dit
que cette période, appelée en russe « второе детство » au sens figuré, a des
caractéristiques pareilles à des signes du marasme défini par le CNRTL comme
« état pathologique caractérisé par une atrophie progressive des organes, un
amaigrissement extrême, consécutif à une longue maladie ou à la
vieillesse » (CNRTL). (Ainsi par) L’expression впадать в маразм doit sa
naissance à la comparaison des capacités intellectuelles des personnes âgées à des
troubles mentaux des malades psychiques (Contexte)
L’ignorance
Le mot « невежество » est lié morphologiquement au substantif
«неведение » au sens de « незнание » et signifie « oтсутствие знаний,
48
некультурность » (Даль, Ожегов). Etant un composant du cadre cognitif de bête/
глупый, cette qualité est rendue par les expressions suivantes: солома в голове,
голова трухой набита, толоконный лоб, мякинная голова, у него в голове
пелева, голова пуста как решето, капустная голова, голова садовая (Даль,
Кругликова).
L’expression « капустная голова » n’est attestée que dans l’œuvre de M. F.
Palevskaïa « Материалы для фразеологического словаря русского языка XVIII
века ». L’expression est fixée dans la traduction d’une comédie italienne, populaire
sous le règne de l’impératrice Anna Ivanovna : « А тебе говорю, что я хочу со
всеми здесь одеться, капустная голова; ты думаешь, что ты мудренее нежели
сами правила, а не знаешь, где осел держит хвост » (Кругликова).
L’emploi de cette locution dans la traduction d’un texte italien signale que
l’expression a été rendue mot à mot de l’italien « testa di cavolo » - « голова/кочан
капусты ». Comme ces comédies ont été traduites par un auteur ukrainien, une
telle interprétation de la tournure italienne ne lui semblait pas incorrecte, car une
locution pareille existait déjà dans la langue ukrainienne (Кругликова). En même
temps des locutions pareilles étaient déjà connues dans la langue lettique :
kapostgalva, aussi bien que polonaise : glova kapusciana (Кругликова). Selon les
données des dictionnaires étymologiques, le mot « капуста » a été emprunté par
les langues slaves au latin : « capitum – кочан капусты » né par suite de la
contamination de « caput – голова » et « capitum – la mangeaille ». On voit la
spécification du terme « capitum » car les choux s’employaient pour nourrir le
bétail (Кругликова). Aujourd’hui la comparaison de la tête de l’homme avec une
tête de chou reste actuelle. En confrontant ces deux têtes on fait allusion à une
personne ignorante, telle une tête de chou.
Quant à l’expression голова садовая on y attribue un sens pareil à
« капустная голова » : « Это людям-то помогать вредно? – с задором спросил
Фома. – Эх: голова садовая, то есть – капуста! – сказал Маякин с улыбочкой »
(Горький, Кругликова). La ressemblance de ces locutions permet de supposer que
49
leurs origines soient proches, pourtant il reste à comprendre pourquoi le chou est
une tête « fruitière » et pas « légumière ».
Il est à noter que dans le dictionnaire « Ярославский областной словарь »
le mot « сад » au singulier est défini comme « огород, участок земли для
посадки овощей » et au pluriel – comme « овощи, посаженные в огороде;
овощи, особенно капуста, пущенные на семена » (Мельниченко). Le
dictionnaire de Dahl précise que le substantif « сад » était employé sur les
territoires du côté d’Arkhangelsk au sens de « огород » dans « сады
картофельные, сады овощные » (Даль). Dans le dictionnaire « Словарь русских
говоров Новосибирской области » on trouve le mot « садовка – огородное
растение, посаженное на семена »
(Федоров). Le dictionnaire « Словарь
русского языка XI – XVII в.в. » fixe le terme « садовый овощ » : « А буде в
прием против сей росписки в огородах садового овощу, хоромного строения и
рыбных сначтей не объявитца,
и то взять на мне, игумене Афонасие с
братию » (Бахилина). Ainsi, voit-on l’unification des sens « огородный » et «
садовый » dans le seul terme « садовый овощ »
qui explique l’image de la
locution «голова садовая ».
Les locutions солома в голове, голова трухой набита, толоконный лоб,
мякинная голова, у него в голове пелева peuvent être unies par l’image d’une tête
« bondée » de quelque chose d’inutile comparée à des capacités intellectuelles
humaines (Даль, Кругликова).
Мякинная голова est une métaphore à la base de l’adjectif «мякинная » lié
avec « мягкий » qui prend une nuance péjorative. Ici on compare le contenu de la
tête avec de la mie du pain mal cuit qui signale la mauvaise qualité du produit
(Даль). C’est-à-dire on attribue un niveau bas aux qualités intellectuelles d’une
personne qui a «мякинная голова ».
Celui à propos de qui on dit у него в голове пелева est considéré comme une
personne ignorante, ayant dans la tête « мякина, овсяные отруби, опилки » au
lieu de la raison (Даль). Cette locution, similaire à la précédente, exprime la même
idée, mais avec d’autres termes.
50
L’expression толоконный лоб se compose de deux éléments métaphorisés
(Даль). Dans ce cas le front/лоб est employé au lieu de la tête par métonymie et
l’adjectif « толоконный » signifie « набитый толоконной мукой (полученной не
размолом, а дроблением зерен ударами толокушки) » (Даль, Тинякова). Ainsi,
cette locution exprime la même idée de la tête remplie de choses inutiles.
La locution голова пуста как решето est proche de un panier percé en
français et révèle la même image décrite en détails plus haut : la tête à trous ne
tient pas les connaissances, la raison et le jugement « responsables » de l’esprit
sain et vif (Даль, Bob) . La personne chez qui голова пуста как решето n’est
pas capable de retenir de la raison enseignée, même si sa volonté de le faire est
grande à cause de la tête « trouée ».
Faire le fou
Le cadre cognitif de la bêtise active est représenté par les expressions
валять дурака, валять ваньку, строить/корчить (из себя) дурака, ломать
дурака (Даль).
L’expression валять ваньку s’emploie pour désigner des activités bêtes
effectuées par une personne raisonnée afin d’arriver à ses buts (Даль). Son image
sous-jacente remonte à un culbuto, appelé «ванька-встанька » , jouet pour enfant
impossible à renverser parce qu’il se redresse toujours et revient à la verticale.
Comme il est inutile d’essayer de le faire tomber, cette action est perçue comme
bête. Donc, l’image est basée sur la comparaison des mouvements mécaniques
d’un culbuto aux actions faites intentionnellement par une personne qui « валяет
ваньку » (Федоров).
Quant à la locution валять дурака, son image sous-jacente est différente de
celle de l’expression précédente. Elle remonte à l’ancienne tradition russe de
s’amuser en société d’un bouffon appelé en russe « шут, дурак, ряженый ». Outre
cela, l’expression peut prendre ses racines à la coutume de se déguiser pour la fête
de koliadka. En même temps certains contemporains trouvaient cette tradition
51
vicieuse : « Ряжение воспринималось во многих местах как дело греховное и
опасное. <…> вели себя буйно, шумели, старались залить огонь в печи,
разлить воду в доме » (Мифология).
Quant au verbe « валять », le dictionnaire de Dahl le définit comme
« опрокидывать боком, ронять, бросать лежмя » (Даль). Il était employé au cas
où on parlait de la vieille tradition de faire rouler un bouffon/шут/дурак/ряженый.
Ainsi, la métaphorisation de l’expression est due à la comparaison des actions
bêtes effectuées intentionnellement avec « кривляние, паясничество », ce que
faisaient les bouffons/шуты/дураки/ряженые en se roulant par terre : «Расстилает
перед ним ковры и молодая княгиня Галя, хватает его за длинные,
непроизвольно болтающиеся руки, поддерживает его, чтобы ходули не
подогнулись. А князь чванится, хорохорится, рубаху на себе рвёт, ваньку
валяет » (Полехина). La locution строить/корчить (из себя) дурака transmet
la même idée par les termes synonymiques : « - Брось дурачка из себя строить!
Тебя русским языком спрашивают: будешь в субботу работать? » (Шукшин, р.
51).
L’expression ломать дурака exprime l’idée des actions bêtes effectuées
intentionnellement et comporte le verbe «ломать » employé en tant que synonyme
de « строить/корчить » sémantiquement lié à la manifestation des maladies
convulsives - «судороги, корчи ». Dans ce cas une personne dite bête « корчится
как шут » pour faire croire à son ignorance et arriver à ses fins : « — Ну, что
раздумываешь? — раздражённо загудел Гранатуров. — Что стоишь, ей-богу,
как памятник?.. Дурочку ломаешь, Никитин? Что не ясно? Где письмо? — А
что должно быть «ясно»? — сказал Никитин, вспыхнув злостью » (Бондарев,
с. 38).
52
§3 Les expressions françaises employées pour représenter le concept
intelligence
Selon l’avis du Centre National de Recherches Textologiques et Culturelles
sous l’« intelligence » les Français entendent premièrement « la fonction mentale
d'organisation du réel en pensées chez l'être humain, en actes chez l'être humain et
l'animal » (CNRTL). Dans ce cas les animaux aussi bien que les gens possèdent ce
type de l’intelligence et ce qui distingue’homme de l’animal c’est, selon F. Cuvier,
la « réflexion » ou la « faculté de considérer intellectuellement, par un retour sur
nous-mêmes, nos propres modifications » (Proudhon, p. 322.). Donc, c’est la «
fonction mentale d'organisation du réel en pensées » qui oppose l’être humain à
l’animal qui ne « réfléchit » que par les instincts : « L'intelligence n'est pas
seulement la faculté d'expliquer le monde, mais la faculté de s'expliquer avec
lui » (Lacroix, p. 102, CNRTL).
En ce qui concerne l’intelligence qui est un des synonymes de la raison,
c’est la « faculté qu'a l'esprit humain d'organiser ses relations avec le réel; son
activité considérée en général tant dans le domaine pratique que dans le domaine
conceptuel » (CNRTL). Ici l’intelligence est considérée comme l’esprit, « la
substance pensante, sujet de la connaissance, ensemble des facultés
intellectuelles », et interférée avec la raison, « principe pensant ; faculté de
percevoir les rapports» : « Il faut admettre deux connaissances préalables : celle du
corps qui a senti, celle de l'intelligence qui a perçu ; admettre le sens et la raison,
témoignages humains et par conséquent suspects » (Flaubert, p. 95, CNRTL).
La notion de l’« intelligence » employée dans un sens très large au XIX
siècle, essentiellement dans la psychologie et la philosophie, représente la fonction
plutôt quantitative que qualitative et réunit trois facultés psychiques et psychophysiologiques de l’homme : la connaissance, la compréhension de la nature des
choses et de la signification des faits, la faculté de connaître et de comprendre
(CNRTL). Outre cela, on tient compte de trois ordres intellectuels : « ordre de
53
l'acquisition (sensation, perception, conscience), ordre de la conservation
(mémoire), ordre de l'intellection proprement dite (association, intuition de formes
ou de rapports, réflexion, jugement, raison, imagination...) » (CNRTL).
Cette perception de l’intelligence est proche de l’intellect au sens de
« faculté de connaître, de comprendre », opposé par la philosophie de Leibniz à la
sensation : « faculté supérieure de la connaissance abstraite et logique, faculté
d'engendrer et d'utiliser des idées générales, de penser par concepts » (CNRTL,
Nourrisson, p. 334). Il est à noter qu’aujourd’hui l’« intellect » ne s’emploie que
comme synonyme vieilli de l’entendement (CNRTL).
Finalement, il en vient qu’on peut définir l’intelligence comme l’esprit/ум
(au sens de la « substance pensante, sujet de la connaissance, ensemble des facultés
intellectuelles »), pensée/способность мыслить (au sens de l’« activité psychique
ayant la connaissance pour objet »), raison/разум (au sens du « principe pensant,
faculté de percevoir les rapports ») et entendement /рассудок (au sens de « faculté
d'entendre c'est-à-dire de comprendre ») (CNRTL).
Selon les principes de la théorie des cadres on a divisé les unités
phraseologiques accumulées en groupes, slots :
•
Esprit
•
Qualités intellectuelles
•
Connaissances
•
Raisonnement sain
•
Esprit de l’escalier
Ces groupes réunissent les expressions caractérisées par de telles valeurs
morales, dites axiologiques, comme :
•
Avoir les facultés intellectuelles bien développées
•
Être personne qui pense et réfléchit
•
Avoir un haut niveau du développement des fonctions mentales
•
Raisonner justement
•
Avoir des pensées bien ordonnées
•
Avoir de l’intelligence éveillée
54
•
Avoir du génie
•
Être doué d’une vive intelligence
•
Savoir rester maître de ses passions
•
Posséder le raisonnement sain
•
Avoir l’esprit de l’escalier
Esprit
L’esprit au sens du « siège de la pensée, des idées » qui témoigne d’un haut
niveau des facultés intellectuelles est représenté par les locutions : avoir de l’esprit
comme quatre, à revendre, il a couché au cimetière, il a de l’esprit, homme de
cervelle, avoir une tête (Duneton, Bob, Reverso, Гак, Смирнова).
Les expressions comportant l’unité « comme quatre » sont marquées en
français d’une nuance d’intensité de l’action qui se produit d’une façon démesurée,
excessive. Dans les expressions françaises, le chiffre quatre représente, entre
autres, un nombre important en référence aux quatre points cardinaux : Nord, Sud,
Est et Ouest (Linternaute). Celui qui a de l’esprit comme quatre est considéré
comme une personne qui a un esprit brillant. Parmi les locutions synonymiques on
trouve avoir de l'esprit au bout des doigts, avoir de l'esprit jusqu'au bout des
ongles (Reverso).
Avoir de l'esprit au bout des doigts, locution fixée dans le dictionnaire de
l’Académie française au sens d’« avoir beaucoup d’esprit » est toujours employée
pour désigner une personne intelligente (Académie, 1836). La valeur actuelle de la
locution renvoie à avoir de l’esprit au bout des doigts au sens premier plus concret
– « être adroit aux ouvrages de la main », et signale de l’esprit « jusque dans les
plus petites choses » comme dans les actions effectuées par les doigts (Académie,
1836). Le même sens est attribué à avoir de l'esprit jusqu'au bout des ongles, où
« ongles » est employé au lieu de « doigts » et représente un véritable bout du
doigt (Reverso).
55
L’expression il est à revendre – être fort intelligent, s’employait à la fin du
XVIIème siècle (Duneton). Ici « à revendre » signifie « en très grand nombre, en
grande quantité, à profusion, abondamment » (Linternaute). Celui qui a une si
grande quantité d’esprit est un homme habile, il a de l’esprit à vendre parce qu’il
lui en reste suffisamment pour réfléchir bien.
L’idée pareille est exprimée par les expressions il a de l’esprit, homme de
cervelle. L’esprit en tant que la substance pensante et la cervelle en tant que siège
de l'esprit sont opposés au corps, à la matière (CNRTL). On emploie encore un
grand esprit, locution pareille à celles qui sont citées plus haut, mais qui désigne
une personne dont les pensées sont profondes, « non sans générosité
d'âme » (Famille).
Plusieurs locutions désignant les facultés intellectuelles de haut niveau
comportent le mot « tête » employé au sens de l'esprit, de l'imagination, de la
mémoire, de l'intelligence ou du jugement : une grosse tête, avoir une tête, avoir
une bonne tête, avoir une tête bien meublée, avoir une tête bien ordonnée, avoir
une tête sur les épaules, avoir de la tête, un homme de tête (Linternaute,
Académie1932, Гак, Соколова).
Les locutions dénommées décrivent de différentes caractéristiques d’une
personne intelligente. En ce qui concerne l’esprit même, on emploie une grosse
tête, avoir une tête, avoir une bonne tête, un homme de tête (L’internaute,
Académie1932, Гак, Соколова).
Celui qui a une grosse tête est considéré comme « умный, башковитый
человек » (Гак). Il semble que la locution prenne ses origines dans une tradition
qui existait à l’époque des carnavals où les hommes portaient ce qu’on appelait les
géants de cortège qui avaient une très grosse tête (Expressions). C’est pourquoi la
tête qui prend un très grand volume confine à un grand esprit (CNRTL).
Un homme de tête – « человек с головой, умный человек » (Гак). Cette
locution désigne une personne qui pense et réfléchit, signale un haut niveau du
développement de fonctions mentales d'organisation du réel en pensées (CNRTL).
56
Les locutions avoir une tête, avoir une bonne tête décrivent une personne
dotée d'une grande capacité intellectuelle ou d'une bonne mémoire
(Académie1932). L’adjectif bonne est employé en parlant du comportement
humain et souligne le caractère positif de l’esprit humain.
En parlant avec ironie de quelqu’un qui a de l’esprit, au XVIIème siècle on
avait recours à la locution
il a couché au cimetière (Duneton). C’était un
« quobilet du vulgaire », pour dire qu’une personne est habile ou spirituelle
(Duneton). Aujourd’hui cette expression s’emploie pour parler par ironie de
quelqu'un qui manque d'esprit (Littré). Cette locution se base sur un jeu de mots :
les esprits, au sens de substance incorporelle, ou revenants, demeurent, selon une
croyance superstitieuse, aux cimetières (Littré). Ainsi, celui qui a couché au
cimetière, a trouvé là de l’esprit, ou des esprits.
Le dictionnaire de Duneton cite des locutions expressives désignant une
personne intelligente par opposition à un fou : il n’est pas grue, c’est pas la moitié
d’un con (Duneton).
La locution il n’est pas grue était attestée dans le Dictionnaire François de
Pierre Richelet avec la définition de « n’est pas fou », « n’est pas niais ». Selon
Pierre Michault grue signifie « personne sotte, facile à duper » (Michault). Alors
on comprend qu’« Un homme ayant entendement subtil doit demonstrer partout
qu'il n'est pas grue » (Michault).
Employée au XVIIème siècle l’expression c’est pas la moitié d’un con
signifiait « quelqu’un de très intelligent » (Michault). Aujourd’hui cette locution a
deux sens divergents: « un con fini » ou « un mec bien » (Bob). En employant la
locution au premier sens, on dit qu’une personne n’est pas à moitié, mais
complètement « con », et dans le deuxième cas, on parle de quelqu’un qui n’est pas
du tout, pas même à moitié « con », il est tout à fait raisonné, intelligent.
Aujourd’hui les expressions employées dans la langue parlée qui désignent
une personne intelligente sont pas fou (folle), pas bête (Bob). Ces expressions se
rapprochent des exclamations russes « не дурак (дура) ! » : « - Ну, давай
ужинать. Садись, брат Степан… Как тебя по отчеству? – Да это ни к чему. – А
57
говорил, не дурак. Как же это ни к чему? У русских людей так полагается:
имя и отчество » (Макаренко).
Ces
tournures s’emploient dans la langue courante et caractérisent un
individu non seulement comme « pas fou », mais bien plus, elles démontrent ses
facultés intellectuelles dépassant les espérances : « Il parla, sans contrainte. Pas
fous ces intellectuels. Ce n'est pas eux qui se seraient laissés charcuter pour la
cause » (Une guerre au couteau. Algérie 1960-1962, un appelé pied-noir témoigne,
2004) (Bob).
Qualités intellectuelles
L'intelligence est l'ensemble des fonctions mentales mobilisées pour
l'analyse, la compréhension et l'organisation du réel. Les outils de l'intelligence
sont issus à trois ordres de l’acquisition, de la conservation et de l’intellection d’où
viennent les fonctions mentales principales propres à des personnes intelligentes :
perception, conscience, mémoire, réflexion, jugement, raison, pensée. Celle-ci
désigne l'activité réfléchie de la raison, range des rapports logiques, dit sains, entre
les formes de perception de la réalité (Sabbathier, p. 109).
Les idées bien classées, nées dans les têtes intelligentes représentent une des
caractéristiques attribuées à l’esprit bien réglé. Tout un nombre de locutions figées
expriment cette façon de démonstration du troisième ordre de l’intellection : avoir
la tête bien ordonnée, avoir de la tête, avoir une tête sage/rassise/posée, une tête
carrée, un homme de tête (Гак, Смирнова, Соколова, Bob, Linternaute).
L’expression avoir la tête bien ordonnée s’emploie pour désigner « un
esprit juste, dont les idées sont bien classées », elle est citée dans le dictionnaire de
Smirnova N. S. avec la définition « иметь здравый, методичный
ум » (Смирнова, Linternaute). Il en vient que la tête au sens de la «faculté
intellectuelle, intelligence, esprit, réflexion» contenant des pensées «bien
ordonnées» est considérée comme appropriée à un individu intelligent.
58
Celui qui a de la tête est censé être raisonnable, posséder du jugement et du
calme (Соколова). Celui qui a une tête sage/rassise/posée est un homme d'un
jugement droit et d'une imagination réglée (CNRTL). Ici la métaphorisation
rappelle à la notion de la sagesse, « la connaissance du vrai et du bien, fondée sur
la raison et sur l'expérience » obtenue par un individu au cours de toute sa vie
(CNRTL). La personne sage se conduit en conformité aux règles de la raison, son
expérience lui suggère d’effectuer des actions justes.
En même temps on croit que la sagesse, au sens de la « conduite selon les
règles de la prudence, de la prévoyance » n’est appris qu’au fil du temps, mais peut
appartenir à un homme indépendamment de son âge ou expérience (CNRTL).Dans
ce cas on parle de la tête rassise ou posée – « хорошая голова, разумный,
серьезный человек » (CNRTL, Смирнова). L’individu ayant une tête rassise ou
posée « aborde les choses avec sérénité, avec calme, après une mûre réflexion »,
c’est-à-dire, l’expression marque un certain calme dans ses réflexions (CNRTL).
Les locutions figées une tête carrée, un homme de tête s’emploient pour
désigner une personne raisonnable et décisive, « решительный, рассудочный
человек » (Гак, Смирнова).
Celui qui possède une tête carrée est jugé par son comportement comme un
individu non seulement raisonné, mais aussi têtu (Linternaute). Cette expression
d’origine québécoise remonte à l’époque de la colonisation du Canada. Là, non
seulement les Français, mais aussi les Anglais s’installaient en construisant des
maisons carrées avec les toits de la même forme. Les Français traitaient leurs
confrères comme des têtes carrées en rapport avec leurs maisons, pour qualifier
leur entêtement (Linternaute).
La personne appelée un homme de tête est considérée comme raisonnable,
réfléchie et pensante (Sensagent). En même temps, la locution un homme de têtes
désigne celui qui possède quatre têtes, ce qui ne lui ajoute pas de raison (IMD). La
locution tire son origine d’un film réalisé par Georges Méliès, sorti en 1898, qui
relate l’histoire d’un homme qui enlève trois fois de suite sa tête réapparaissant sur
ses épaules après chaque enlèvement. Les têtes déposées sur des tables font fête et
59
finalement leur propriétaire en choisit une, et quitte la scène (IMD). Dans ce film
on voit l’absurdité et l’inutilité d’avoir quatre têtes pour savoir raisonner
savamment.
La fonction mentale d’entendement étant une « œuvre de la raison » consiste
à la faculté de comprendre, de « saisir intellectuellement la nature, la portée, la
signification d'un être ou d'une chose » (CNRTL). C’est une des capacités
intellectuelles de l'homme qui lui permet de raisonner justement.
Pour désigner un individu possédant cette faculté bien développée on
emploie les expressions à bon entendeur peu de paroles, il est éveillé comme une
potée de souris, lire à livre ouvert (Duneton, Robert).
Le dictionnaire de Duneton définit la locution à bon entendeur peu de
paroles comme « il ne faut pas user de beaucoup de discours à un homme
intelligent » (Duneton). En parlant d’une personne de cette manière, on exprime
l’idée que « ceux qui savent entendre (au sens de comprendre), savent
écouter » (Reverso).
L’expression il est éveillé comme une potée de souris s’employait à l’époque
pour désigner un individu « d'une intelligence éveillée », aussi bien que « fort
gaillard » (CNRTL, Duneton). Aujourd’hui cette locution ne signifie qu’une
personne ou plutôt un enfant très actif, « très vif, très gai » : « Le dortoir, d'un bout
à l'autre éveillé comme une potée de souris, riait haut, se mitraillait à coups de
bonnet de coton » (Courteline, Femme d'amis,Tante Henriette, 1894, p. 63)
(CNRTL).
Il est à noter qu’initialement il n’y avait pas de « potée de souris » (полный
горшок мышей), mais une « portée de souris » (целый помет мышей). Le
dictionnaire étymologique, critique, historique, anecdotique et littéraire de Fr. Noël
affirme que « la phrase s’entend raisonnable » dans le cas où on emploie « une
portée de souris » au lieu de « potée de souris », ce qui avait été dit par Mme de
Sévigné : « Je lui disais le voyant éveillé comme une portée de souris » (Journal de
l’Empire, du samedi 11 mars1809, article Variétés, signé Ω) (Noël).
60
Selon le dictionnaire de Claude Duneton lire à livre ouvert signifie
« comprendre facilement » (Duneton). Cette expression s’employait au XVIIème
siècle pour parler de quelqu’un qui entendait bien les choses et les faits. Dans la
langue moderne cette locution reste utilisable, mais son sens est différent, il est
plus concret. Aujourd’hui lire à livre ouvert signifie « comprendre à la première
lecture, sans préparation » (Linternaute).
Pour désigner en général une disposition particulière de l'esprit qui rend un
individu « apte à agir de façon appropriée à ses fins ou à se tirer d'affaire dans les
situations qui se présentent », en russe on a recours à l’adjectif « способный »,
tandis que dans la langue française on voit une tendance à obscurcir le sens des
locutions telles que il a de ça, en avoir dans la tête, en éliminant le nom de la
qualité désignée (CNRTL, Duneton, Гак).
La deuxième locution est étroitement liée à la première et a la même
signification : « avoir de l’originalité, du talent, ou du génie » (Duneton). Le
dictionnaire de Gak explique ces expressions de la manière suivante « быть
умным, способным, иметь что-то в голове » (Гак). Le pronom neutre « ça », se
réfère à une sorte de génie ou de talent qui permet de saisir le sens même des faits
ou des choses sans avoir étudié préalablement ces réalités du monde.
Celui qui est doué d'une intelligence, dite vive, pénétrante et subtile est
appelé avoir des yeux de lynx, être fin comme l’ambre (Bob, Duneton,
Linternaute).
L’expression avoir des yeux de lynx est attestée dans le dictionnaire de
Claude Duneton avec la signification suivante : la qualité est attribuée au « prince
qui est pénétrant dans les affaires et qui a de bons espions, qui découvrent tous les
secrets de ses ennemis et tout ce qui se passe dans son état » (Duneton). En fait,
cette locution est liée à l’image d’un roi, notamment le personnage
mythologique Lyncée , qui était un des 56 hommes de l’équipage de l’Argo,
appelés argonautes, venant à la quête de la Toison d'Or. Chacun des argonautes
était doté d’une habilité particulière, et Lyncée a obtenu celle de voir à travers les
murs. C'est de ce personnage de la mythologie qu'est née l'expression avoir des
61
yeux de lynx, qui signifie « avoir une vue très perçante » (Linternaute). Lyncée et
lynx (рысь) ayant une grande ressemblance phonétique, ont abouti à la confusion
de sens ce qui a fait naître la forme moderne de la locution.
Aujourd’hui cette expression a obtenu un sens généralisé et s'emploie pour
désigner une personne qui a une extrême perspicacité : « Avouons-le, il y faut plus
que beaucoup de conscience ; il faut la conscience de cette conscience, des yeux de
lynx » (Jankél., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 188) (CNRTL).
Quant à la locution être fin comme l’ambre, elle est interprétée par le
dictionnaire de l’Académie française (1836), comme se rapportant à « un homme
très pénétrant, fort délié » (Verlag). Selon le dictionnaire de la langue parlée
d’aujourd’hui, son sens reste le même, et l’expression s’emploie pour parler d’une
personne « doué d'une grande perspicacité » (Bob). En employant cette locution,
on fait allusion au parfum de l'ambre tellement fin comme peut être l’esprit d’une
personne perspicace (CNRTL).
Celui qui sait se conduire dans le cadre de son ordre de l’intellection et rester
maître de ses passions, dont la pensée est guidée par la raison est désigné par les
locutions figées avoir une tête sur les épaules, avoir les pieds sur la terre, avoir sa
tête à soi (Bob, Linternaute, Смирнова).
Selon l’Expressio, la tête « parfaitement placée dessus et entre les deux
épaules » témoigne de « sa position normale dans notre société
d'humains » (Expressio). Il est sous-entendu, donc, que l’image de la tête fixée
solidement au corps est un symbole d’équilibre personnel de chacun de nous
(Linternaute). Voilà pourquoi une personne ayant une tête à sa place ordinaire est
considérée comme normale, raisonnable et lucide : « J’ai dix-neuf ans, la tête
solide sur mes épaules, Vendéenne pour ne rien vous cacher. J’ai mon B.E.P.C.,
donc jeune fille instruite » (Les perles de Vénus, 1963) (Bob).
L’idée proche de celle exprimée par la dernière locution est propre à avoir
les pieds sur la terre – être sérieux, réaliste, raisonnable, réfléchi, pragmatique
(Bob, Linternaute). Dans ce cas il s’agit plutôt de la manifestation d’un grand sens
des réalités que de la raison, mais il est évident que c’est une personne lucide qui
62
est apte à être objectif et à ne pas se laisser « séduire par des rêves ou des
ambitions démesurées » (Linternaute). Il s’ensuit que celui qui a les pieds sur la
terre manifeste le haut niveau de son intelligence, car il est capable d'adapter « ses
ressources intellectuelles à une réalité donnée » (Linternaute).
La perception objective d’une réalité dénote un certain niveau de supériorité
de l’intelligence, alors celui qui sait maîtriser ses propres ambitions est considéré
comme réaliste et appelé ayant sa tête à soi – « имеет свою голову на
плечах » (Смирнова). La personne caractérisée de cette façon est raisonnable et
possède un jugement clair.
Connaissances
Ceux qui savent développer leur ordre de l’acquisition et pratiquent
effectivement dans la conservation des choses acquises, connaissances, témoignent
d’un grand savoir, d’une grande érudition et sont considérés comme intelligents.
A l’époque pour désigner les personnes savantes on employait les
expressions un homme mêlé, savoir chanter au letrin, être grec, être bien ferré, être
homme universel, être puits de science, avoir la science infuse (Duneton).
Aujourd’hui en parlant d’un individu savant on recourt à intelligence suprême,
bagage intellectuel, être un grand clerc, avoir la tête bien meublée (Expressio,
Linternaute, Bob).
La première locution être un homme mêlé date du XVIIème siècle où elle
s’employait pour désigner une personne « qui sait beaucoup de
choses » (Duneton). Michel de Montaigne, philosophe et moraliste de la
Renaissance, a dit dans son Essai III « de la vanité » créé en 1588 : « Un honnête
homme, c'est un homme mêlé » (Legros, p. 258). Il a défini l’érudition et le savoir
comme « la vertu de la vie », « la vertu à plusieurs plis, encoignures et
coudes » (Legros, p. 258). On voit, donc, que le savoir était une des vertus
principales déjà au temps des humanistes (Legros, p. 258).
63
Celui qui savait chanter au lutrin (leutrin, letrin) au XVII siècle était
considéré comme une personne intelligente, ou « pas tout à fait
ignorant » (Duneton). Le lutrin est un « pupitre élevé sur une base ou sur un pied
servant dans les églises à supporter les livres de chant ou les livres liturgiques qui
dirige le lutrin » (CNRTL). Celui qui chante au lutrin dirige le service de Dieu. Il
est à noter qu’à l’époque les services religieux étaient exécutés en latin, et celui qui
célébrait le culte devait être fort savant pour chanter les messes. C’est de cette
pratique des offices qu’est venue cette expression (CNRTL).
Être grec au XVII siècle signifiait « être savant ou habile » (Duneton). Cette
comparaison remonte à la tradition historique d’envisager les Grecs comme
fondateurs des sciences au sens général. Les Grecs anciens ont posé les
fondements de telles sciences que mathématiques, philosophie, politologie,
cosmogonie, etc. C’étaient les Grecs qui ont inventé les principes du
fonctionnement de la plupart des mécanismes modernes. Les philisophes de la
Renaissance s’adressaient aux études grecques en cherchant à formuler leurs
propres dogmes. C’est pourquoi les personnes intelligentes étaient comparées aux
grecs, appelées grecs.
A la fin du XVIIème siècle l’expression être bien ferré s’employait pour
désigner un individu « habile, sçavant, qui a de quoy respondre et satisfaire » :
« les médecins de l’établissement, qui, n’étant pas, à ce qui paraît, très ferrés, ne
savaient pas trop qu’en penser » (Vidocq, Mémoires, 1828) (Duneton). A l’époque
celui qui se faisait ferrer était considéré comme savant. Aujourd’hui la personne
qui est ferrée de connaissances dans un domaine particulier est appelée comme ça
dans le cas où elle manifeste ses connaissances et peut être traitée comme
« instruite, compétente en quelque chose » (CNRTL). Cette locution est similaire à
l’expression russe быть подкованным в чем-то, employée pour souligner
énergiquement le niveau extraordinaire de connaissances de quelqu’un dans tel ou
tel domaine (Тихонов, р. 14).
La personne dont les connaissances « s'étendent sur tout» est qualifiée
comme homme universel - « qui sçait de toutes choses » (Duneton). Dans la langue
64
moderne cette locution figée s’emploie pour parler d’une personne qui a des
aptitudes pour tout ou qui a des connaissances dans tous les domaines (CNRTL).
Dans le cas où un individu est rempli de connaissances on dirait esprit
universel (CNRTL).
Pour ironiser de quelqu’un d’intelligent au sens de savant, les Français de la
fin du XVIIème siècle employaient la locution pot pourri, ce qui voulait dire au
figuré « un homme qui a beaucoup de lecture, qui sait beaucoup de choses mais
confusément, c’est un pot pourri de doctrine » (Duneton). Cette expression semble
proche de la locution russe « набитый дурак », car la tête d’un individu appelé
« дурак » est aussi pourrie de quelque doctrine inutile (CNRTL, Кругликова).
Aujourd’hui l’expression employée au sens ironique qu’on adresse à
quelqu’un qui prétend savoir tout est avoir la science infuse (Duneton, Reverso).
En effet, en théologie, la science infuse c’est la science qu'Adam a reçue de Dieu :
« ... l'apport de la tradition ne dérive pas précisément de la révélation primitive
surnaturelle faite à Adam, mais seulement de la Science religieuse infuse par
accident qu'il reçut, de l'avis de tous les théologiens, au moment de sa
création... » (Théol. cath.,t. 4, 1, 1920, p. 835) (CNRTL). C’est à quoi remonte la
locution avoir la science infuse signifiant « posséder un savoir sans avoir fait
d'efforts pour l'acquérir » (CNRTL).
A part cela, une personne qui prétend savoir tout peut être appelée
intelligence suprême (Bénaben). Cette locution caractérise un individu qui se croit
doté d’une grande intellligence et dont on parle avec ironie. Il s’agit d’un mérite
qui occuperait la place supérieure dans l’hiérarchie des valeurs possibles, la
connaissance étant la plus précieuse (Bénaben).
Parmi les locutions accumulées on trouve des expressions qui décrivent un
individu en tant qu’un contenant de savoir. Dans ce cas on dénote le cerveau qui a
la faculté d'emmagasiner les connaissances. L’organe central du système nerveux
est représenté comme une bibliothèque, qu’on emplit de livres, et ces livres –
comme un bagage que nous portons toujours avec nous : avoir un bagage
intellectuel (Linternaute).
65
Outre cela les connaissances peuvent être interprétées comme un puits de
science, et celui qui en possède un est savant, érudit (CNRTL, Reverso). Cette
locution s’emploie pour désigner « un homme profond par son savoir, ou ses
apparences de savoir » depuis le début du XVIIIème siècle jusqu’à nos jours
(Duneton). Dans la langue russe on emploie la locution « кладезь знаний », où
« кладезь » est un mot emprunté à la langue slavonne de liturgie et signifie
« колодец/puits » (Даль). De ce point de vue cette l’expression constitue un
équivalent absolu de « un puits de science ».
L’image de la tête en tant qu’ endroit de localisation des connaissances est
reflétée par l’expression avoir la tête bien meublée (Гак). Ici la tête est représentée
comme pourvue de ce qui est censé s'y trouver, c’est-à-dire le savoir, pareille à
une pièce qui doit être remplie de meubles (CNRTL).
Un individu qui manifeste ses profondes connaissances peut être appelé un
grand clerc – « être très savant » (Reverso). L’histoire de cette locution remonte à
l’époque où les représentants du clergé, clercs, étaient presque les seuls à savoir
lire et écrire, ce qui, aux yeux du peuple, avait une valeur exceptionnelle
(Reverso).
Dans le « Dictionnaire comique, satyrique, burlesque, et proverbial » publié
en 1735, Philibert-Joseph Le Roux a indiqué qu’on employait un grand clerc « en
se moquant d'un homme qui fait le savant » (Le Roux). Cette mauvaise opinion qui
s’est formée sur les clercs se trouve confirmée un peu plus tard par le
« Dictionnaire des proverbes français » de 1749 où cette locution est interprétée
d’une façon suivante : un grand clerc c’est « un sot, un niais, un homme qui s'en
fait accroire» (Panckoucke). De nos jours l’expression conserve une valeur plutôt
négative, bien que son emploi au sens positif « être très instruit » soit aussi
possible (Reverso).
Selon l’opinion généralement répandue, une personne intelligente, c’est-àdire bien instruite, est apte à répondre à toute question. Dans ce cas on dit qu’elle a
une réponse à tout. Cette locution a été attestée au XVIIIème siècle (Duneton).
66
Il faut ajouter encore que celui qui sait réagir promptement et
en
connaissance de cause à tout ce qu’on lui a écrit, dit ou demandé est censé avoir
d’autres facultés intellectuelles, telles que perspicacité, habilité, esprit vif, etc. :
« Quand le juge lui faisait une question embarrassante, son visage restait calme et
sa parole assurée, mais ses deux mains, réunies sur sa poitrine, se crispaient
d'angoisse » (A. France, Dieux ont soif, 1912, p. 151) (CNRTL).
Raisonnement sain
Le raisonnement c’est l’action de raisonner, qui consiste dans un
enchaînement de jugements, organisés d’une manière logique et interdépendante
avec plus ou moins de rigueur. Il assure la cohérence de la vie mentale.
L’intelligence au sens abstrait ne peut pas exister sans le raisonnement sain.
Celui qui possède cette faculté d'analyser le réel et de percevoir les rapports entre
les objets est caractérisé par les locutions : avoir toute sa tête, avoir toute sa raison
(Duneton). Le dictionnaire Linternaute date ces expressions du XVIIème siècle et
les explique de la façon suivante : « conserver toute sa lucidité, son
intellect » (Linternaute). Ici la tête est considérée comme siège de l’esprit qui
abrite la raison.
Esprit de l’escalier
La notion de l’esprit de l’escalier, qui dérange le raisonnement, est
représentée dans la langue française comme un défaut de pensée qui ne permet pas
de « trouver des reparties à temps » (CNRTL).
La locution avoir l’esprit de l’escalier équivalant à « быть крепким задним
умом » s’emploie pour parler d’une impossibilité de retrouver des idées justes à
temps, ce qui permettrait d’éviter plutôt des souffrances morales que de résoudre
tel ou tel problème: « Il avait dans les yeux ces larmes qui sont si faciles aux
67
hommes nerveux et que sèche l'esprit de l'escalier » (Barrès, Appel soldat,1900, p.
488) (CNRTL, Соколова).
§4 Les expressions russes employées pour représenter le concept ум
Selon les dictionnaires étymologiques, le terme «ум» a été attesté dans la
langue slavonne depuis le Xième siècle et désignait un certain symbiose entre
l’esprit/ум, l’âme/душа et le coeur/сердце. Le dictionnaire de Dahl donne la
détermination suivante de «ум» : « общее название познавательной
исключительной способности человека, способность мыслить; это одна
половина духа его » (Даль).
Toutefois dans la vision russe «ум» se diffère d’avec autres valeurs
spirituelles par son statut axiologique, puisque c’est la caractéristique principale de
l'homme, ce qui le distingue des animaux et ce qui permet de diviser les personnes
en catégories « умный » ou « глупый » : «самым сложным по своему
ценностному статусу оказывается в ценностной языковой картине мира
концепт « ум ». Это связано с тем, что ум является определяющим свойством
человека, отличающим его от животных и в то же время отличающим людей
друг от друга» (Голованова).
Au fil du temps l’interprétation de cette notion a changé. Le dictionnaire des
synonymes d’Apresian précise qu’aujourd’hui « ум » est perçu comme un
récipient de capacités intellectuelles. Il est impliqué dans le processus
d’apprentissage, tandis que « разум » représente le produit de ce procès infini, la
compréhension de tel ou tel objet étudié du monde entier (Апресян). Ainsi, «ум»
est rapproché du « savoir », « l’intellect » français, et « разум » de la « raison ».
Le dictionnaire de l’Académie impériale de Russie (1806–1822) sépare « ум
» de « разум » en déterminant « ум » comme «способность понимать вещи и
судить об них», d’où vient l’adjectif « умный » – «благоразумный, имеющий
здравый рассудок или основанный на здравом рассудке, рассудительный»,
tandis que « разум » c’est «способность души, посредством которой человек
понимает, судит и умствует или выводит по смотрении и соображении
68
следствия», d’où vient l’adjectif « разумный » - « благоразумный,
рассудительный, мудрый, здравый, здравомыслящий » (Академия, Абрамов).
Outre cela, la raison/разум permet de ranger bien les connaissances obtenues : «
вносит порядок и благодаря этому ясность в понимание какой-либо проблемы
» (Зализняк, р. 540).
Cela veut dire que dans la langue moderne le terme « ум » signifie
premièrement l’intellect avec les capacités de comprendre, de réfléchir, de
raisonner et, dans certains cas, la conscience, la raison : « ум, интеллект, разум,
рассудок » (Абрамов).
Quant à « разум », le dictionnaire de Kouznetsov donne la définition
suivante à ce terme : « 1. познавательная деятельность человека, способность
мыслить; ум, интеллект, рассудок. 2. способность рассуждать здраво,
находить правильное решение в какой-либо ситуации; рассудок (в отличие от
эмоций) » (Кузнецов). Il s’ensuit qu’aujourd’hui « разум » est conçu comme un
mécanisme qui produit des jugements : « Ваш разум – это настоящая «фабрика»,
производящая несчетное количество мыслей в день » (Шварц, р. 57).
Les interprétations différentes des notions « ум » et « разум » sont reflétées
dans les expressions figées citées dans plusieurs dictionnaires de la langue parlée et
de littéraire russe. On a divisé les unités phraséologiques qui remplissent le cadre
cognitif de « ум » et « разум » en quatre slots :
•
Le haut niveau du développement intellectuel
•
Les propriétés d’une personne intelligente
•
Les connaissances
•
Le raisonnement sain
•
L’esprit de l’escalier
Les locutions accumulées reflètent les aspects axiologiques différents :
•
Posséder un front haut
•
Avoir des qualités intellectuelles éminentes
69
•
Avoir le haut niveau des connaissances obtenues
•
Posséder le raisonnement sain
•
Avoir l’esprit de l’escalier
•
Être doué de l’esprit naturel
•
Raisonner justement
•
Être doué d’une vive intelligence
•
Être raisonnable
•
Être avisé
Le haut niveau du développement intellectuel
Dans la vision russe le haut niveau du développement intellectuel/высокий
уровень интеллектуального развития, la présence de l’esprit éminent est
associée avec la tête, le front ou le cerveau comme récipients de toutes les
capacités intellectuelles humaines : сократовский лоб, высокий лоб, семи пядей
во лбу, голова с двумя макушками, большая голова, голова с залысиной,
гениальная башка, ума палата, ума не занимать, с мозгами (Яранцев, Бирих,
Молотков, Федоров).
Les expressions сократовский лоб, высокий лоб, семи пядей во лбу
rendent l’idée qu’un individu possédant un front haut est une personne de capacités
intellectuelles remarquables (Яранцев, Федоров). Cette croyance remonte à la
théorie phrénologique selon laquelle les dimensions du crâne humain dépendent du
niveau des capacités intellectuelles (Кузьмин, р. 38). Dans cette logique il est
facile de justifier que l’os frontal bien développé signale le haut niveau de
l’intellect.
Les termes de la locution семи пядей во лбу renforcent son expressivité par
la précision de la hauteur du front (Федоров). L’ ancienne unité de longueur russe
« пядь », empan en français, est d’une vingtaine de cm. Elle représentait
l'intervalle compris entre l'extrémité du pouce et celle du petit doigt, lorsque la
main est ouverte le plus possible (Качур).
70
L’expressivité de сократовский лоб est due à l’adjectif « сократовский »
qui fait appel à Socrate, philosophe grec du Vème siècle av. J.-C. (Strauss, p. 62).
Il est réputé pour être un des penseurs les plus illustres de l'histoire de la
philosophie. On sait qu’il avait un front très haut ce qui s’inscrit dans la théorie
phrénologique, c’est pour cela qu’on compare une personne intelligent/умный à
Socrate, en faisant allusion à son front haut (Стадничук, р. 72)
Par ailleurs, on croit que non seulement le front haut, mais aussi la taille de
la tête témoigne des qualités intellectuelles développées. Ainsi, une personne qui a
une grosse tête/большая голова est censée être intelligente (Федоров). Il faut y
ajouter qu’il y a plusieurs mots pour décrire un individu ayant une grande tête qui
désignent tous une personne intelligente : « головáн » - « умный, толковый
человек », « головáстый и головáтый » - « умный, толковый » (СРНГ).
L’expression гениальная башка exprime son sens explicitement par les
termes employés (Молотков). Le mot russe « башка » fixé dans les dictionnaires
depuis 1771, remonte au substantif turc «баш» – «голова, глава, верх» (ЭСРЯ).
Initialement « башка » signifiait «отрезанная голова у всякой большой рыбы».
Plus tard, dans les années 60 du XVIIIème siècle on retrouve la définition «башка
сазанья, семужья». Aujourd’hui « башка » est propre à la langue parlée où le mot
s’emploie au sens de « голова » (ЭСР).
Quant à « гениальная », l’adjectif dérivé du latin genius – « divinité
tutélaire, puis talent », est habituellement employé pour désigner une personne
douée « de l’aptitude naturelle de l'esprit qui le rend capable de concevoir, de créer
des choses, des concepts d'une qualité exceptionnelle » (Larousse). Toutefois dans
le cas de « гениальная башка » on parle plutôt d’un individu doué de l’esprit
illuminé à hautes capacités intellectuelles.
L’image d’un individu qui a la tête à deux sommets : голова с двумя
макушками, est une représentation curieuse d’un homme intelligent (Бирих).
Cette expression est préfigurée par un analogue dialectal два вихрá у кого – « об
умном, одаренном человеке » où « вихор » signifie « маковка головы, макушка,
верховка, темя, место, где бывает вихор » (Ушаков). Dans la philosophie
71
naturelle russe il est traditionnel de croire que deux sources d’esprit valent mieux
qu’une : oдна голова хорошо, а две лучше, c’est par ce principe de
« doublement » d’utilité de deux esprits, têtes, que cette expression s’est formée
(Даль).
Le langage parlé attribue à une personne intelligente une tête chauve :
голова с залысиной (СМА). « Плешь » est un mot employé dans le langage des
halles pour désigner une tête humaine: « грандиозная плешь » - « умница,
талант », « плешью шевелить » - « думать » (Ibid.). Il s’ensuit que la tête
chauve/голова с залысиной est une personne très intelligente, non seulement
« головастый », mais aussi « с залысиной » ce qui renforce l’expressivité de la
locution.
L’expression « с мозгами » est employée pour désigner un individu à des
qualités intellectuelles éminentes : « — Что за чудесная женщина Анна
Сергеевна!.. — воскликнул Аркадий... — Да, — отвечал Базаров, — баба с
мозгом » (Федоров, Тургенев, р. 32). Aujourd’hui la question de
l’interdépendance de la matière cérébrale et l’esprit est largement discutée, mais de
toute façon on dit traditionnellement que le cerveau est un organe responsable de
l’activité intellectuelle. « La relation forte entre la matière cérébrale physique et
l'esprit est aisément mise en évidence par l'impact que les altérations physiques du
cerveau ont sur l'esprit, comme le traumatisme crânien ou l'usage de psychotrope »
(Boake, p. 24).
Alors, au sens propre il est impossible d’être privé de cerveau, mais au sens
figuré on peut « avoir du cerveau » ou ne pas en avoir ce qui équivaut à « avoir
l’intellect du haut niveau » ou ne pas en avoir en quantité nécessaire.
La locution ума палата – « очень умен » est aujourd’hui employée plus
souvent au sens ironique qu’au positif (Даль). Il faut quand même préciser que
traditionnellement cette expression désignait une personne intelligentе, et cet
emploi reste toujours actuel.
Cette tournure métaphorique remonte à l’actualité de l’Ancienne Russie.
Aujourd’hui le mot « палата » est employé pour désigner des établissements
72
publiques : Оружейная палата (Le Palais des Armures), Грановитая палата
(Le palais à Facettes), etc. (РКВ). Mais à l’époque ce mot signifiait une grande
salle pour les réunions gouvernementales dans des bâtiments en pierre : « бояре в
них думали государеву думу» (ibid.). C’est l’idée d’un esprit solide et étendu, tel
un esprit d’une collectivité de sages réunis dans une salle, qui est exprimée par
l’expression ума палата (Ibid.).
Quant au sens ironique des locutions avec la tournure ума палатa, il est
rendu par ума палата, да разума маловато, ума палата, да другая не почата,
ума палата, да не покрыта (Гудков). Ces expressions opposent la disponibilité
de l’esprit à l’inutilité de sa présence : on a beaucoup d’esprit et peu de raison, la
quantité excessive d’esprit empêche d’en profiter, l’esprit n’aide pas à gagner la
vie (Михельсон, 1896).
Les propriétés d’une personne intelligente
La personne intelligente est présentée comme ayant des qualités positives,
chez qui la tête fonctionne bien et raisonne correctement : голова (котелок)
варит, голова светлая, здравый ум, с своем уме. Elle est autonome : иметь
свою голову на плечах, с головой (Даль, Бирих, Молотков, Федоров), elle est
avisée, elle est douée de l’esprit naturel/смекалка : его на мякине не проведешь,
на кривой не объедешь, он ловит (схватывает) на лету (Яранцев).
On sait que l’intelligence est un « ensemble des fonctions mentales ayant
pour objet la connaissance conceptuelle et rationnelle ». Elle réunit plusieurs
qualités mentales parmi lesquelles on trouve la promptitude/сообразительность,
le raisonnement/рассудительность, le bon sens/здравый смысл, l’indépendance/
самостоятельность, etc. (Погорельский, р. 64).
La personne qui raisonne savamment, appelée en russe « смышленый,
сообразительный », possède une tête bien réglée : голова (котелок) варит,
голова светлая (Даль, Бирих).
73
La tradition de présenter la tête sous la forme d’une chaudière : голова
(котелок) варит, remonte à la théorie animistique de représentation du monde
selon laquelle les objets inanimés sont animés par l’esprit. Dans l’expression citée
plus haut la tête, le cerveau se réfèrent à la chaudière/котелок et le processus du
réfléchissement à la cuisson dans l’eau/варить (Бирих, БФС).
Quant à голова светлая, cette locution reflète la perception des valeurs
spirituelles à travers les choses du monde réel (Бирих, БФС). La tête claire est la
tête éclairée par l’esprit. Par comparaison avec яркий ум, l’expression citée
n’exprime pas le haut niveau du développement des facultés intellectuelles, mais
désigne une tendance positive à obtenir des succès assurés par certaines qualités
morales. La même idée est transmise par la locution светлый ум, qui parle de
l’esprit clair sans faire appel à la métaphorisation (Бирих).
Le raisonnement/рассудительность en conformité avec les règles du bon
sens fait naître ce qu’on appelle en russe здравый ум (Молотков). On sous-entend
que l’esprit sain au sens premier autant que figuré produit des pensées justes,
solides : « прямые, правильные, основательные суждения со смыслом » et
celui qui en est doué est considéré comme personne intelligente (Даль)
La représentation de la tête en forme d’un mécanisme qui assure un bon
fonctionnement de l’esprit est exprimée par шарики вертятся : « Сегодня
Марьяхину хотелось иметь как никогда свежую голову. Чтоб крутились там
шарики вовсю. Чтоб соображала на полную катушку» (В. Рыбин. Счастливый
билет) (Федоров). En russe on appelle un individu caractérisé par cette expression
« сообразительный, догадливый, понятливый » (Федоров). Le fonctionnement
correct d’un mécanisme équivaut au jugement logique et conséquent.
L’intelligence est traditionnellement censée être accompagnée de capacité de
prendre des décisions autonomes raisonnables. Celui qui est apte à déterminer,
argumenter sa position selon les principes du bon sens est caractérisé par les
locutions « у него (своя) голова на плечах, он с головой » : « — Но надо иметь
голову на плечах, — сказал Орлов, — надо рассуждать » (Чехов. Рассказ
неизвестного человека) (Федоров, Яранцев). On dit qu’il est « yмный,
74
толковый человек », il n’a pas besoin d’aide de tierces personnes lors de
d’apprentissage, pourtant cette faculté intellectuelle ne lui garantit pas le succès
dans des affaires : « Малый он с головой, бойкий малый, спору нет: учился
хорошо, только проку мне от него не дождаться (Тургенев. Однодворец
Овсяников.) » (Федоров).
En outre, l’intelligence est étroitement liée avec l’esprit naturel/смекалка.
La personne intelligente est avisée, il est difficile de la tromper : его на мякине не
проведешь, на кривой не объедешь, elle est bien prompte : он ловит
(схватывает) на лету (Яранцев).
La forme complète de l’expression его на мякине не проведешь est
cтарого воробья на (пустой) мякине не проведешь (Даль). La locution reflète
une situation réelle et notamment la nutrition des moineaux. Un moineau est
considéré comme un oiseau avisé car il comprend bien qu’il est inutile de chercher
des grains à manger dans « мякина » - « остатки колосьев, стеблей; отходы при
молотьбе ». Ainsi, les personnes intelligentes sont comparées avec des piafs
difficiles à duper : « Ну признавайся, что натворил? — Похоже на меня... —
вяло отозвался Пущин. — Старого воробья на мякине не проведешь, —
сказала она озабоченно и с проницательностью грешного человека. — Ты
влюбился! » (Ю. Нагибин. Срочно требуются седые человеческие волосы)
(Федоров).
La locution на кривой (лошади) не объедешь remonte aussi au mode de vie
des paysans russes de l’époque. Au temps de nos ancêtres les chevaux étaient le
seul moyen de se déplacer, c’est pourquoi ils étaient très prisés. Si un cheval était «
кривая », ce qui signifiait à l’époque « слепая, хромая », il devenait inutile pour
son maître. Néanmoins de tels animaux « défectifs » continuaient de transporter les
gens et les biens et de produire un revenu. C’étaient seulement des personnes
avisées qui s’apercevaient de l’état soigneusement masqué d’un cheval malade,
inapte à travailler. C’est à l’image de ces personnes attentives et averties que
remonte l’expression (Грачев). Il est à noter que la variante initiale de la locution
75
était oбъехать на кривых (оглоблях), ce qui veut dire « обмануть, обойти,
надуть хитростью » (Даль).
Pour signaler la capacité de comprendre, saisir promptement des
informations on emploie l’expression схватывать на лету désignant l’esprit d’àpropos inhérent à des personnes intelligentes (Яранцев). On croit que l’idée avant
d’être définitivement formulée, vole et ceux dont les facultés intellectuelles
permettent de deviner son sens final sont avisés/сообразительные. Cette locution
est largement employée pour parler d’un élève ou un étudiant doué, capable de tout
saisir à demi-mot : « Одарённый редкими способностями, на лету схватывал
он познания и в шестнадцать лет был таким начётчиком, что старообрядцы
только дивились » (Мельников-Печерский. Очерки поповщины) (Федоров).
La même idée est exprimée dans le proverbe russe yмному свистни, а он уже
смыслит cité dans un recueil de proverbes et dictons slaves (Славяне).
Les connaissances
L’idée que le haut niveau des connaissances acquises influence le
développement des capacités intellectuelles est reflétée dans les expressions :
кладезь знаний, ходячая энциклопедия, ходячий университет, на голову выше
(Федоров, Алабугина).
L’expression кладезь знаний est appliquée à une personne très instruite
(Федоров). Le mot « кладезь » est employé à son sens premier de
« неиссякаемый источник, сокровищница чего-либо » (Вакуров). L’idée de
trésorerie comme récipient de connaissances ajoute une nuance axiologique
particulière et rend la locution plus expressive. Grâce à cette comparaison la
personne « remplie » de connaissances est considérée comme intelligente au
suprême degré.
Quant à ходячий университет, cette locution s’emploie pour désigner une
personne, « у которого всегда можно узнать, спросить что-либо, поучиться
чему-либо » (Федоров). Ici « университет »/université, établissement
76
traditionellement réputé pour source de connaissances suprêmes, représente au
sens figuré une personne instruite, qui peut enseigner ses savoirs aux
autres : « Мама… советовала мне почаще беседовать со Становером. — Это
кладезь всяких познаний, — говорила мама. — Ходячий университет. Тебе
очень полезно почаще встречаться с ним, Костик. Ты не пренебрегай такими
людьми». (Паустовский. Повесть о жизни) (Ibid.).
La locution ходячая энциклопедия est un calque de l’allemand Ein
Lebendiges Konversationslexikon signifiant « живой энциклопедический
словарь » ou Ein wandelndes Lexikon – « ходячая энциклопедия » (Алабугина).
Cette expression s’emploie pour parler d’un individu auquel on peut adresser la
demande de résoudre n’importe quel problème, qui possède de si vastes
connaissances qu’il est apte à répondre presque à toute question; il est intelligent
parce qu’il connaît à peu près tout (Ibid.).
Celui qui est déterminé comme une personne qui на голову выше est traité
comme quelqu’un dont les savoirs surpassent le niveau ordinaire : « o
превосходстве кого-либо над кем-либо в умственном развитии, в знании,
умении » (Федоров). Ici la tête est comprise comme la localisation des facultés
intellectuelles, l’esprit-même, cela veut dire qu’avoir la tête au-dessus des autres
têtes signifie être plus intelligent que les autres.
La même idée du surpassement intellectuel est exprimée dans la langue
parlée par de telles expressions comme : утереть нос, давать фору, заткнуть
за пояс (Абрамов). Il est à noter que les locutions citées peuvent s’employer pour
parler de la supériorité de toute nature et leur sens n’est pas limité par l’examen
comparatif des facultés intellectuelles.
Le raisonnement sain
Le raisonnement sain se constitue une garantie du fonctionnement correct de
l’esprit. Pour désigner une personne qui raisonne clairement et ne souffre pas de
troubles mentaux on emploie en russe la locution в здравом уме и твердой
77
памятu - благоразумный, здравомыслящий, здравый, разумный,
рассудительный (Серов, р. 22). Cette expression remonte à l’époque
prérévolutionnaire où un testament commençait par la phrase confirmant la
capacité d’exercice des droits civils. Comme celle-ci est basée sur la faculté
intellectuelle de conscientiser l’effet des actions effectuées, la personne confirmant
sa
pleine conscience par les mots « в здравом уме и твердой памяти » était
considérée comme saine, autrement dit intelligente (Серов, р. 22, Михельсон,
1997, р. 74).
L’esprit de l’escalier
La notion de задний ум est considérée être initialement russe. On prétend
que « задний ум » est inhérent à chaque Russe. C’est un ensemble des facultés
intellectuelles permettant d’élaborer les meilleures voies pour résoudre tel ou tel
problème, mais au moment où cela n’est plus d’actualité: «у немца или иного
другого иностранца разум впереди, как высшая познавательная способность,
помогающая изобретать, творить и работать высокопродуктивно, а у русского
— позади » (Мокиенко). Dans le corpus de locutions russes on trouve un
proverbe qui exprime cette idée en forme d’une sagesse populaire : « до чего
немец доходит разумом, русский — глазами » (Даль, 1989).
Parmi les expressions employées de nos jours, on trouve задним умом
крепок, задним умом богат (Мокиенко, Колесов, р. 95). Ces locutions désignent
une personne qui démontre l’esprit de l’escalier par les solutions raisonnables
portant sur des problèmes qui ne sont plus d’actualité. Nicolas Vassiliévitch Gogol,
écrivain russe d’origine ukrainienne, a déterminé cette particularité de l’esprit
russe comme «тот самый ум, которым крепок русский человек, ум выводов,
так называемый задний ум» (Горький).
Dans la langue courante cette idée est exprimée par la locution yмная мысля
приходит опосля (Кузьмич). Cette expression s’emploie pour désigner
78
l'incapacité de prendre une bonne décision à temps ce qui est propre à la plupart
des gens (Ibid.).
Partie 3
L’analyse comparative des expressions représentant la dichotomie
intelligence/ум – bêtise/глупость dans la phraséologie russe et française
Pour relever les particularités de la dichotomie intelligence/bêtise
représentée par les locutions figées dans les langues russe et française on a recouru
à l`analyse comparative linguistico-culturelle des données accumulées.
79
L’analyse entreprise dans cette étude a permis de mettre en évidence quelques
aspects particuliers propres à l’expression de la dichotomie intelligence/ bêtise
dans ces deux langues.
Il est important de rappeler qu’en opérant par les termes de la théorie du
langage à cadre, il était possible de diviser les expressions accumulées en groupes
visant à décrire les cadres cognitifs de la bêtise –глупость aussi bien que de
l’intelligence – ум. Chaque expression reflète un aspeсt axiologique particulier et
représente une valeur ou une contre-valeur, ce qui dépend du cas concret.
Les expressions des deux langues ont été divisées en quatre grands groupes
selon les idées à l’aide desquelles elles remplissent un cadre cognitif approprié. Le
premier groupe réunit les locutions dont les images sous-jacentes coïncident :
équivalents absolus. Le deuxième groupe abrite les expressions dont le signifié est
le même, mais il y a une certaine divergence entre leurs signifiants. Le troisième
groupe rassemble les locutions dont les idées de base sont pareilles, mais les
formes de l’expression sont différentes : analogues. Et le quatrième groupe
accumule des unités phraséologiques comportant des allusions ou métaphores tout
à fait différentes dans deux langues comparées :
les expressions marquées de
spécificité nationale.
Equivalents absolus
Les équivalents phraséologiques sont des expressions de deux ou plusieurs
langues, qui ont la même signification dénotative et les mêmes connotations quel
que soit le contexte, c`est-à- dire, selon S. Vlakhov et S. Florin, entre les
expressions soumises à l`analyse il ne doit pas y avoir aucune différence de sens ni
aucune divergence de registres stylistiques ; elles ne doivent pas se distinguer par
leurs nuances émotionnelles et expressives ni par le degré de métaphorisation. Ces
expressions doivent contenir des composants à peu près identiques, avoir la même
structure grammaticale, les mêmes propriétés combinatoires, la même fréquence
d`emploi, assurer les mêmes liens avec les éléments du contexte. Outre cela, elles
80
ne doivent pas être marquées d`aucun caractère national (Влахов, Флорин, p.
239).
Les équivalents absolus sont des expressions de deux ou plusieurs langues,
dont le signifié et le signifiant coïncident entièrement (Влахов, Флорин, p.239).
L’analyse comparative effectuée a relevé deux expressions équivalentes dans les
systèmes phraséologiques de deux langues : être bête comme un âne et быть
глупым как осел (Гак, Федоров). Les deux locutions font allusion aux capacités
intellectuelles restreintes d’une personne comparée à un âne et remontent à la
même image
d’un animal de la famille des équidés privé de raison (Гак,
Федоров).
Les expressions équivalentes parlant des facultés intellectuelles bien
développées se basent dans les deux langues, russe et française, sur la perception
traditionnelle de la tête comme contenant d’esprit, dont le fonctionnement n’est
déréglé par aucun facteur soit intérieur, soit extérieur.
La locution russe кладезь знаний équivaut à la locution française un puits
de science (Федоров, CNRTL, Reverso). Ici le mot « кладезь » emprunté de la
langue slavon liturgique signifie « колодец/puits » et « science » - « somme de
connaissances qu'un individu possède » (Даль). Les termes employés et le sens
exprimé qui coïncide permettent d’affirmer que ces expressions sont des
équivalents absolus.
Celui qui possède une tête bien ordonnée est désigné en russe comme (у
него) с головой все в порядке (Смирнова, Ефремова). Les deux locutions
s’emploient pour parler d’un esprit dont les idées sont bien classées, « здравый,
методичный ум » ce qui permet de les classer comme équivalents absolus
(Смирнова, Linternaute).
Celui qui est plein de connaissances est traité en français comme êtant bien
ferré (Duneton). Cette idée est représentée dans la langue russe par
l’équivalent быть подкованным в чем-то, employé expressivement pour
souligner un niveau extraordinaire de connaissances dans tel ou tel domaine
(Тихонов, р. 14).
81
Equivalents relatifs
Les équivalents relatifs sont des expressions de deux ou plusieurs langues,
dont le signifié est le même, mais il y a une certaine divergence entre leurs
signifiants. D`après S. Vlakhov et S. Florin, ces équivalents se distinguent par un
des facteurs suivants : certains éléments de l`expression peuvent être représentés
dans une autre langue par leurs synonymes, il peut y avoir des changements
insignifiants de forme, la structure syntaxique peut être légèrement transformée, les
expressions peuvent avoir les entrées lexicales de différentes catégories
grammaticales et se caractériser par une autre compatibilité (Влахов, Флорин, p.
240).
Procédons avec méthode à l`étude d`une série d`équivalents phraséologiques
se rapportant au même champ sémantique et métaphorique, mais ayant de petites
différences de forme que nous avons relevés dans le corpus d`expressions
françaises et russes recueillies.
Les expressions dans lesquelles la tête est sous-entendue comme récipient
d’esprit, vide ou fêlé, laissent supposer qu’elles n’aient pas d’analogues dans la
langue russe, ce qui se trouve faux à en juger par une analyse comparative
détaillée.
De telles locutions que être fêlé, avoir le cerveau fêlé, avoir une fêlure, avoir
une fissure, avoir le coco fêlé, il lui fuit de la cafetière, il est timbré représentent
dans la langue française une perception des choses particulière, se référant à un
contenant d’esprit fêlé d’où coule l’esprit (Bob). Il paraît que ces locutions sont
analogues à у него поехала крыша, mais l’expression russe n’implique pas la
nuance d’un écoulement de l’esprit. Il s’agit plutôt d’une tête symbolisant l’esprit
même qui ne ne fonctionne pas bien à cause de certains dérèglements
physiologiques du cerveau ou tout simplement d’un manque d’esprit résultant à
des actions bêtes.
82
L’idée pareille à celle qui est exprimée par la locution française est rendue
dans la langue russe par крыша протекает (Грачев, 2006). Cette locution où la
tête est sous-entendue comme récipient d’esprit,
s’emploie pour désigner un
comportement déraisonné d’un individu, dit anormal : « о неразумных,
неадекватных мыслях, поведении » (Грачев, 2006). Cette expression étant un
équivalent relatif à toute une série de locutions françaises examinées ci-dessus,
représente pourtant une spécificité nationale russe : dans ce cas l’image sousjacente remonte à la toiture et non à un objet à peu près rond.
En ce qui concerne la locution qui semble être un équivalent relatif, se
rapportant également à l’image d’une tête trouée у него в голове дырка, dans la
langue russe elle est employé plutôt pour désigner une personne étourdie et
distraite : « о плохой памяти, забывчивости » (Крысин).
Pour exprimer l’idée de у него поехала крыша en français on recourt aux
locutions avoir la tête à l’envers, avoir l’esprit tordu (CNRTL). Dans ce cas le mot
« tête » est employé au sens des facultés intellectuelles, intelligence, et
l’expression signifie un esprit déformé dont le fonctionnement est tordu, ce qui
permet d’envisager les locutions citées comme équivalents relatifs (CNRTL).
L’expression être bête comme un dindon a un équivalent relatif dans la
langue russe : глуп как индейский петух (Гак, Даль), où индейский петух
désigne une dinde, une poule d'Inde. Parmi les « caractéristiques » principales de
cet oiseau on trouve la simplicité « d’esprit » à laquelle on fait allusion.
La locution être bête comme un cochon a un équivalent relatif russe - тупая
свинья employé dans la langue parlée (Bob, Елистратов). Ces deux locutions
désignent un esprit borné, aussi bien que transmettent une appréciation négative
complémentaire à l’objet du discours.
En ce qui concerne l’image d’un individu intelligent, dont le comportement
ne fait ressortir aucune marque de sa nature bestiaire, elle est exprimée par
plusieurs locutions considérées comme équivalents relatifs. Dans la plupart des cas
ces expressions remontent à l’image de l’esprit, intellect dont les trois ordres
fonctionnent correctement.
83
La locution avoir la tête rassise/posée exprime l’idée plus concrète que celle
d’avoir de l’esprit bien réglé, il s’agit d’une certaine pondération de jugement, ce
qui permet d’ « aborder les choses avec sérénité » (CNRTL). Cette faculté
intellectuelle est représentée dans la langue russe par иметь голову на плечах
(Федоров). Quoique ces locutions expriment la même idée par les termes
différents, elles peuvent être considérées comme équivalents relatifs, la divergence
de formes étant minime. L’aspect de l’indépendance personnelle est rendu par
l’expression avoir sa tête à soi, qui est un équivalent relatif à иметь свою голову
на плечах (Смирнова).
La dernière locution française exprime l’idée proche de avoir les pieds sur la
terre – « être sérieux, réaliste, raisonnable ». Elle est équivalente à твердо
стоять (обеими) ногами на земле, exprimant la même idée de « сохранять
трезвый взгляд на вещи »(Федоров).
La locution avoir une bonne tête peut être considérée comme équivalente à
светлый ум, светлая голова (Гак, Даль). Dans la langue russe, aussi bien que
française, ces expressions désignent « une personne dotée d’une grande capacité
intellectuelle ou d’une bonne mémoire».
Les locutions employées en français aussi bien qu’en russe pour désigner
l’état psychique d’une personne normale représentent des équivalents relatifs :
avoir toute sa tête (досл. иметь всю свою голову) – быть в своем уме, avoir
toute sa raison ( досл. иметь весь свой разум)– быть в здравом уме (и твердой
памяти) (Duneton, Тришин).
En ce qui concerne быть в здравом уме (и твердой памяти), le substantif
память est employé ici au sens de la présence
de l’ordre intellectuel, et non
comme faculté de conserver et de rappeler des états de conscience passés et ce qui
s'y trouve associé (Федоров).
Parmi les expressions équivalentes on trouve des équivalents relatifs
законченный дурак, петый дурак - être un fou perdu. Dans les deux cas il est
sous-entendu que rien ne peut être effectué pour faire raisonner un fou/дурак
comme le rappellent les images sous-jacentes de ces expressions, cette opportunité
84
étant déjà perdue. Les autres locutions dénommées peuvent être envisagées comme
analogues, car elles ont à peu près le même sens.
La langue parlée dispose de procédés expressifs parmi lesquelles on trouve
des répliques interrogatives : ça va pas la tête, ça va pas, t’es pas bien (Bob). Ces
locutions dites figées sont équivalentes à у тебя с головой не все в порядке, ты
нормальный employées dans les mêmes contextes russes (Грачев, 2006).
Analogues
Les expressions analogues sont des expressions dont le signifié est le même
ou presque le même, mais à la différence des équivalents leurs signifiants sont
divers.
En tenant compte de l`image qui a servi de base, les expressions analogues
peuvent être réparties dans deux groupes: les expressions analogues dont les
motivations sont très semblables et 2) celles dont les images de base sont puisées à
de différents champs conceptuels (Влахов, Флорин, р. 241-242).
Parmi les expressions analogues on trouve essentiellement celles qui font
allusion aux animaux
possédant, selon la tradition française, un entendement
faible. Cette perception traditionnelle remonte à l’époque où l’agriculture était
l’occupation principale des Français. C’est à cause de cela que parmi les animaux
considérés comme stupides on trouve un grand nombre de ceux qui habitent à la
ferme: être un veau, être un oison, être bête comme un âne/comme une carpe/un
dindon/une grenouille/un cochon/36 cochons/grosse bête /une oie (Bob, Duneton,
Гак). Les locutions citées servent à exprimer des traits bestiaires, la nature « bête »
d’ un individu privé de raison , elles représentent des actions humaines en faisant
allusion aux habitudes des animaux (Duneton). La plupart des locutions citées ont
des analogues dans la langue russe.
Celui qui est appelé bête comme une carpe peut être désigné en russe comme
глуп как осетровая башка (Гак, Чтения). Pourtant ces locutions ne sont pas
équivalentes, car l’analogue russe remonte à la tradition folklorique où un
85
esturgeon se caractérisait par un certain manque de clairvoyance, perspicacité
(Чтения, Фольклор, с. 33).
Quant à être un oiseau, la locution est représentée dans la langue russe par
глупая тетеря (Даль). Quoique l’expression russe remonte à une image plus
concrète, puisqu’il s’agit d’une seule famille d’oiseaux, dans les deux cas
l’allusion se fait aux représentants de la faune, appartenant à la même classe et qui
sont censés être dotés de la simplicité d’esprit (Школьник, р. 15). Dans ce cas les
deux locutions peuvent être considérées comme analogues.
Celui qui a une tête privée d’intelligence est caractérisé en français de la
façon suivante : il est une cruche sans anse (Duneton). En russe l’idée pareille peut
être exprimée par la locution employée pour décrire plutôt l’absence de
connaissances ou de savoirs dans tel ou tel domaine, qu’un manque de facultés
intellectuelles : ноль без палочки (Ожегов). La locution russe est liée à l’idée
d’inutilité d’un objet défectif : le chiffre 0 ne sert à rien sans 1 préposé, de même
qu’une cruche n’est bonne à rien sans anse et la tête sans esprit (intellect,
intelligence). Ainsi ces deux locutions peuvent être considérées comme analogues.
La tête qui manque d’esprit peut être décrite comme un contenant qui
manque d’élément nécessaire pour le bon fonctionnement de ce mécanisme
intellectuel : il manque un clou à son casque (François). Cette locution est
analogue à в голове какой-то (одной) клепки не хватает, винтиков (винтика)
не хватает (Даль). Dans ces deux cas le casque et la tête/голова sont
représentées comme des contenants d’esprit, ou plutôt des mécanismes, qui sont à
mettre au point. Quant à la locution russe шарики заскакивают (заходят) за
ролики (у кого-либо) elle peut être traitée comme analogue de l’expression
française citée plus haut, parce qu’elle représente aussi l’esprit comme un
mécanisme déréglée.
L’idée de la tête en tant qu’un contenant d’esprit vide qui n’a rien à voir avec
la tête vide (пустая голова) est représentée par la locution avoir une case vide
(Bob). L’idée pareille de peu d’intelligence est exprimée par l’expression russe на
голове густо, в голове пусто (Даль). Par ailleurs cette locution russe, analogue à
86
l’expression française, comporte en outre une connotation particulière, celle de
l’opposition des facultés intellectuelles aux apparences physiques, propre à la
mentalité russe.
L’idée d’une petite quantité d’esprit est exprimée dans la langue russe par les
locutions мозгов не хватает, у него одна извилина, и та прямая/ и та от
шапки, извилин не хватает (Волкова, Тришин). Si on conçoit « извилина »
comme un grain d’esprit on peut affirmer que les expressions dénommées sont
analogues à il n’a pas d’un grain d’esprit, avoir une once de sens commun, avoir
un zéro dans la cervelle, être léger d’un grain (Duneton, Bob, CNRTL).
Pourtant un grain peut être compris comme un grain de folie, alors on
emploie avoir un grain de la folie, avoir son grain (Bob). Si on envisage ce grain
comme un moyen de mesurer une petite quantité de folie qui pousse un individu à
exercer des actions déraisonnables, ces locutions peuvent être analogues aux
locutions russes с (легким) приветом, с прибабахом, с (легкой) придурью
(Тезаурус, НВЛ), aussi bien qu’à la tournure с чертовщинкой (Ефремова).
Quoique cette tournure ne s’emploie que pour désigner une femme écervelée, cette
idée est similaire à celle qui est exprimée par les locutions françaises, puisque
«чертовщинкa » signifie une petite quantité, un grain de folie qui affecte une
femme.
Parmi les expressions
traitant
la folie, on découvre des locutions qui
attribuent l’étrangeté du comportement de quelqu’un aux forces surnaturelles :
avoir le diable au corps, avoir le diable dans le ventre (Bob). Dans la tradition
française l’individu possédé par un démon est considéré comme un fou dominé
par une force occulte. Dans la langue russe cette idée est exprimée par охвачен
страстями (Амоли, р.183). Dans ce cas le mot « страсти » est employé au sens
d’une aspiration à commettre un péché, ce qui est le métier principal du diable qui
pousse les humains à faire des folies (Ghelfo, p. 32). Alors les locutions avoir le
diable au corps, avoir le diable dans le ventre et охвачен страстями peuvent être
envisagées comme analogues.
87
Les dernières expressions s’emploient pour parler des actions
déraisonnables, folles d’un individu, pareilles à celles d’un bouffon ce qu’on
exprime par les locutions : à chaque fou sa marotte, avoir un grelot ce qui signifie
« chaque fou a son idée qui l’obsède » (Expressions, Bob). Ces locutions n’ont pas
d’analogues dans la langue russe, car dans la culture russe le comportement d’un
bouffon est considéré plutôt comme humiliant que bête : вести себя как шут
гороховый (Ожегов).
Certaines locutions russes s’emploient comme moyen de désigner une
personne exerçant des actions déraisonnables d’une manière explicite : валять
дурака, валять ваньку, строить/корчить (из себя) дурака, ломать дурака
(Даль).
Ces locutions s’emploient surtout pour parler d’un individu qui se comporte
d’une façon déraisonnable pour arriver à ses fins, ce qui est exprimé en français
par faire le fou, faire le zouave, jouer au con, faire l’enfant (Sensagent, Bob). Ces
expressions sont analogues et peuvent être employées les unes au lieu des autres
selon le contexte.
La langue russe possède plusieurs locutions expressives littéraires qui sont
employées pour désigner un individu bête, stupide, sot : дурак дураком, круглый
дурак, полный дурак, набитый дурак, петый дурак, неповитый дурак,
беспросветный дурак, законченный дурак (Кругликова). La langue française
dispose des expressions être sot en trois lettres, être sot à triple étage, être d’une
bêtise amère, être un fou perdu (Duneton, Гак).
Parmi les perceptions identiques dans les deux langues on trouve l’idée
d’être abattu par un objet lourd et celle d’être tombé sur la tête. Dans le premier
cas avoir un coup de marteau peut être exprimé en russe par пыльным мешком
ударенный (Гак, Ожегов). Quant à être tombé sur la tête cette expression est
analogue à головой ударился (Bob, Тришин).
Les locutions analogues employées dans les deux langues pour désigner une
personne possédant des facultés intellectuelles bien développées marquent le
88
fonctionnement réglé de la raison, la présence d’une composante de l’esprit
responsable du raisonnement clair et de la prise des décisions justes.
Les expressions dont les termes principaux sont лоб/front et макушка/
sommet peuvent être considérées comme marquées de spécificité nationale russe
tandis que celles qui se réfèrent à l’image de la tête ont beaucoup d’analogues dans
la langue française.
Par exemple, avoir une grosse tête est proche de гениальная башка, un
homme de tête est analogue à с мозгами, avoir une tête – à человек большого ума
(Гак). Dans ces cas le mot la tête en français est employé au sens de l’esprit ce qui
correspond à l’emploi des termes russes dans les expressions dénommées plus
haut.
L’expression avoir de la tête représente la même idée d’aptitude de raisonner
clairement que с головой ce qui équivaut en russe à толковый (Молотков,
Соколова). Comme les idées exprimées par ces locutions sont similaires, il est
possible de les classer dans la catégorie des analogues.
La locution la tête carrée est analogue à упрямая голова russe, qui
n’exprime pas, en premier lieu , à la différence de l’expression française, le
raisonnement propre à celui qui se comporte décidément (Linternaute, Даль). Dans
la langue russe cette expression a plutôt une connotation négative, une personne
entêtée est considérée comme bête, c’est à cause de quoi ces locutions ne sont
qu’analogues.
En ce qui concerne les expressions ходячая энциклопедия, ходячий
университетn, citées plus haut, elles sont analogues à avoir un bagage
intellectuel (Федоров, CNRTL). Dans l’expression française un bagage est conçu
non seulement comme « un ensemble des connaissances acquises », mais aussi
comme « un ensemble des objets que l'on emporte avec soi » (CNRTL). Ainsi les
deux expressions, française aussi bien que russe, expriment la même idée des
connaissances portables (CNRTL).
Quant à la tête bien meublée cette expression est analogue à (у него) в
голове все (разложено) по полочкам (Федоров, Linternaute). Ici l’image de la
89
tête pourvue de savoir est similaire à la perception russe de l’esprit où toutes les
connaissances sont bien rangées.
Les locutions plus expressives, employées plutôt dans la langue française
parlée que littéraire pas fou, pas la moitié d’un con ou pas grue, peuvent être
considérées comme analogues à не дурак, совсем не дурак russes, parce qu’elles
ont une valeur commune, mais la présentation de la même idée est différente, vu le
caractère populaire voire vulgaire des termes constituant les expressions françaises
(Duneton, Bob, Арго). Il est à noter que ces tournures exclamatives s’emploient
non seulement pour désigner un individu comme intelligent, mais, bien plus, pour
démontrer que ses facultés intellectuelles dépassent les espérances.
Pour désigner un individu à fortes capacités intellectuelles en français on
emploie l’expression il est à revendre qui est analogue à ума (ему) не занимать
en russe (Académie, 1932, Никитина). Quoique l’idée essentielle exprimée par ces
locutions soit la même, elles représentent des spécificités nationales diverses : en
français on vend et en russe on emprunt.
Les expressions françaises qui remontent aux images différant de celles qui
se trouvent à la base des locutions exprimant les idées pareilles en russe sont
coucher au cimetière, avoir les yeux de lynx, être fin comme l’ambre (Bob,
Duneton, Linternaute).
La locution française coucher au cimetière s’emploie pour parler
ironiquement de celui qui a soudainement acquis beaucoup de connaissances
(Duneton). Elle remonte à l’image d’une personne qui a couché au cimetière et y a
retrouvé de l’esprit, par allusion aux Esprits (CNRTL).
L’idée pareille est représentée dans la langue russe par l’expression
набраться ума – « cтановиться серьезнее, умнее; умнеть » qui ne remonte pas
à la même image, mais transmet cette nuance de sens, celle de l’esprit acquis d’une
façon quelque peu fortuite (Быстрова).
Les expressions françaises avoir les yeux de lynx, être fin comme l’ambre
expriment la même idée désignant une personne possédant une extrême
perspicacité (Bob, Linternaute).
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Cette idée d’un œil perçant est représentée dans la langue russe par
l’expression на три аршина в землю видит – « быть проницательным,
дальновидным, предусмотрительным», qu’on peut traiter comme analogue aux
locutions françaises citées plus haut (Федоров). Pourtant il est à noter qu’elle est
plus rapprochée d’être fin comme l’ambre, car les deux expressions remontent à
l’image d’un objet transparent à travers lequel une personne sagace voit clairement
tout ce qu’y est caché.
La locution française par laquelle on désigne la faculté intellectuelle de
concevoir les choses correctement et très vite est à bon entendeur peu de paroles
(Duneton). Cette expression s’emploie dans le cas où on parle d’une personne qui
« sait entendre (au sens de comprendre) » et, par conséquent, « sait
écouter » (Reverso). La même idée est exprimée en russe par схватывать на
лету – « быстро воспринимать и легко понимать, усваивать » (Федоров). Bien
que la première soit un proverbe et la deuxième une locution figée, on a de bonnes
raisons de les classer parmi les analogues.
Les expressions qui définissent l’esprit humain comme esprit de l’escalier
sont présentes dans la langue française aussi bien que russe : avoir l’esprit de
l’escalier – задним умом крепок (CNRTL, Соколова). Les deux locutions
s’emploient pour désigner un état psychique caractérisé par l’impossibilité de
trouver des reparties à temps.
Toutefois il est à signaler que la notion de l’esprit de l’escalier représente
plutôt une des qualités intellectuelles du peuple russe. C’est de cette particularité
que viennent plusieurs locutions de la langue parlée dont la plus employée est
умная мысля приходит опосля (Кузмич). Cette expression n’a pas d’analogue
dans le système phraséologique de la langue française. A notre avis, elle reflète une
valeur particulière de cet état intellectuel dans la tradition culturelle russe.
Les expressions marquées de spécificité nationale
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Dans la langue française les expressions marquées de spécificité nationale
reflètent l’expérience sensorielle originale française. Ils expriment les idées qui
conduisent à connaître la nature de l’image sous-jacente d’une locution n’ayant pas
d’analogue dans la langue russe.
Notre analyse a permis de révéler trois groupes d’expressions de ce type :
celles qui se réfèrent à l’image des insectes dérangeant le fonctionnement correct
de l’esprit, locutions figées qui désignent une personne possédée par le diable, et
finalement, les expressions sur la base de la perception de la tête en tant que
contenant d’esprit, vide ou cassée.
Les locutions avoir un cafard, avoir un cafard dans le choubersky, avoir une
araignée au plafond/dans la cervelle, avoir un hanneton dans la Sorbonne/dans le
plafond, avoir un hanneton qui trotte par le ciboulot, avoir un rat dans la
contrebasse représentent une série d’expressions synonymiques à une seule
signification – être obsédé par une idée fixe qui empêche quelqu’un de raisonner
clairement (Bob). Elles s’emploient pour désigner une personne souffrant d’un
trouble mental, qui se conduit d’une manière dérangée (Bob). Un tel comportement
provoqué par le dérèglement d’esprit, ou plutôt du système psychique est conçu
comme anormal, ce qu’on appelle en russe « дурацкое » - « лишённый здравого
смысла; глупый » (Ефремова). Alors celui qui a un cafard, ou un hanneton qui
frotte par son ciboulot (tête) se conduit d’une manière dite « дурацкий » ce qui
permet de traiter ces expressions dans le cadre de la dichotomie ум/глупость.
Il est à noter que toutes сes locutions définissent un état concret du
psychisme humain et servent de moyen de désigner un individu dont l’esprit est
malsain à cause des processus biologiques déréglés dans le cerveau.
Au fait aujourd'hui, les médecins et psychiatres cherchent des causes
physiologiques de certaines psychopathologies. Même dans le terme «
psychopathologie », il y a « psyché », terme de plus en plus délaissé par la
psychiatrie moderne, où il est de moins question d’esprit, mais de cerveau et
d’activité neuronale (Ghelfo, p. 88).
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Il est crucial de noter qu’en principe, la plupart des locutions françaises
accumulées pour cette analyse, s’emploient pour décrire tel ou tel état mental
d’ordre psychique, tandis que les expressions russes s’emploient pour parler d’un
comportement déraisonnable qui ne témoigne que de la bêtise, du manque d’esprit
et presque jamais d’un trouble mental.
En ce qui concerne les locutions qui sont employées pour qualifier les
actions exercées par quelqu’un comme déraisonnables, elles n’ont pas d’analogues
dans la langue russe. Ces locutions traitent l’auteur des actions stupides comme
bête, elles sont liées par la plupart aux images des animaux censés symboliser la
bêtise et décrivent leurs habitudes quotidiennes : être bête à manger du foin, être
bête à manger des chardons, être une oie qui se laisse plumer sans crier, raisonner
comme une huître (Expressio, Duneton, Гак).
Les expressions suivantes n’ont ni analogues ni équivalents dans la langue
russe être un veau, être un oiseau, une grenouille/un hareng saur/ une oie/grosse
bête/comme rhinocéros (Bob). Ces locutions sont marquées de spécificité
nationale. Elles visent à attribuer à un individu bête des caractéristiques
complémentaires, telles que la paresse (veau), l’ignorance (grenouille, hareng), la
niaiserie (oie), l’esprit borné (une grosse bête) (CNRTL).
Les locutions équivalentes qui décrivent un manque d’esprit provoqué par le
vieillissement sont perdre la raison – выжить из ума (Гак, Кожевников).
Toutefois dans la langue française on emploie tout un nombre de locutions
désignant ce processus qui reflètent l’idée de la perte de points de repères : perdre
la tête, perdre le nord, perdre la boussole, perdre la boule, perdre les pédales et
paumer la sorbonne (Bob).
En revanche dans la langue russe on emploie les expressions впадать в
маразм, впадать в детство qui ne trouvent pas d’analogues en français (CPC).
Il est à souligner que l’opposition de l’intellect à l’apparence remarquable,
soit de la taille, soit de la beauté, ou même de la haute et forte stature qui témoigne
de la force physique, est toujours présente dans la tradition historique et culturelle
russe. On peut trouver quantité de locutions qui n’ont pas d’analogues dans la
93
langue française : нос с локоть, а ума с ноготь, велика Федора да дура, сила –
ума могила, сила ум ломает, сила есть – ума не надо, летами ушел, а умом не
дошел, с осину вырос, а ума не вынес, под носом взошло, а в голове и не
посеяно(Даль).
Il
faut y ajouter encore une opposition particulière propre à la tradition
linguistico-culturelle russe, c’est l’opposition du petit au grand : голова с печное
чело, а мозгу совсем ничего, мозговина (голова) с короб, а ума с орех, лоб
широк, а мозгу мало, голова что чан, а уму ни на капустный качан, голова с
лукошко, а мозгу ни крошки, голова с пивной котел, а уму не ложки (Даль,
Телия, Васильев). Ces locutions n’ont pas d’analogues dans la langue française ce
qui peut être expliqué par les particularités de la langue russe où on emploie
souvent des constructions de dissemblance comme structure syntaxique des
expressions ou même de toute la phrase à valeur proverbiale (Историческая
семантика, р. 128).
Toutefois la langue française n’est pas privée de locutions exprimant l’idée
de petite quantité d’intelligence, même si elles ne sont pas basées sur l’opposition
des qualités intellectuelles aux qualités physiques : il n’a pas d’un grain d’esprit,
avoir une once de sens commun, avoir un zéro dans la cervelle, être léger d’un
grain (Duneton, Bob). Ces locutions ne sont pas analogues ni équivalentes aux
expressions russes, mais il est possible quand même d’affirmer que l’idée de peu
d’esprit qui dérange le raisonnement sain est représentée dans la langue française.
L’idée de comportement déraisonnable qui est un indice de la bêtise humaine
est reflétée dans la langue russe par plusieurs locutions : посади дурака за стол,
он и ноги на стол, дурака крести, а он в воду лезет, заставь дурака богу
молиться, он весь лоб расшибет, дурак трех не перечтет, дурак на трех
свиней корму не разделит (Даль, Маслова, 2004). Ces locutions expriment en
termes métaphoriques l’incapacité de celui qui est traité comme « дурак »
d’exercer une action toute simple ce qui n’est pas reflétée par les locutions dans la
langue française.
94
Celui qui agit d’une façon déraisonnable est appelé en français une personne
qui doit péter une durite, péter un boulon, péter un cable, péter une pile (Bob). Ici
le verbe français péter (vulg.) appartenant au langage populaire, fait partie de
mainte expression, par exemple, péter le feu – быть энергичным, péter sec – 1)
знать своё дело, 2) быть суровым человеком etc. où les contours sémantiques du
verbe sont peu nets (Гак). Le caractère métaphorique des locutions étant
indiscutable, leur sens n’est pas évident et pas facile à pénétrer. Ces locutions
basées sur un modèle spécifique récente n’ont pas d’analogues dans la langue
russe.
Quant aux expressions fondées sur l’image d’un phénomène vraiment
français, on trouve parmi elles travailler du chapeau, travailler du citron,
travailler du grelot et malade du képi (Bob). La tradition d’appeler comme ça
d’abord les ouvriers souffrant de troubles mentaux, puis toutes les personnes dont
le comportement fait impression d’être inadéquat n’est pas reflétée dans la
tradition linguistico-culturelle russe, c’est pourquoi on ne trouve pas dans la langue
russe d’analogues aux locutions françaises citées plus haut.
Le manque de raison qui se manifeste par des actions et paroles dépourvues
de sens et considéré comme suite de l’esprit lourd est exprimé dans la langue russe
par plusieurs locutions : глуп как пень, глуп как пробка, глуп как свиной пуп, дуб
дубом, дубина стоеросовая, дундук дундуком (Даль, Бирих, Мелерович,
Федоров, Молоткова). Ces expressions sont marquées de spécificité nationale
russe qui consiste à percevoir l’esprit lourd comme fait d’un matériel dur, difficile
à « pénétrer » ce qui résulte à ce que la langue française ne dispose pas de
locutions analogues.
Les expressions russes rendant la même idée et désignant une personne bête
sont suivantes болван стоеросовый, дурак (дура) стоеросовый, пень
стоеросовый, бал бешка стоеросовая, зяблик стоеросовый
(Кругликова). Comme il a été déjà dit plus haut, l’adjectif « стоеросовый » était
employé à l’époque pour dénommer un certain arbre dont le nom est complètement
oublié. Par conséquent, les expressions citées plus haut remontent à la même
95
représentation de l’esprit lourd et n’ont pas d’analogues dans la langue française.
Toutefois il est à noter que l’absence d’analogues évidents et d’équivalents qui
expriment la même idée ou remontent à la même image, n’exclut pas l’emploi
d’autres expressions qui représente une perception française de l’esprit lourd qui
est de tradition, par exemple, être bête comme un pot (Bob). Cette locution
représente la perception de l’esprit borné comme un objet vide ce qui est
comparable à l’esprit « dur » dans la coutume russe.
Dans la tradition culturelle russe on apprécie beaucoup les capacités
intellectuelles déterminant l’aptitude à acquérir de nouvelles connaissances. C’est
pourquoi l’absence de ces facultés est si largement reflétée dans la vision
linguistique du monde des Russes. Dans la langue française où on parle plutôt des
états mentaux ou psychiques que de la bêtise humaine, cet aspect de l’intellect
n’est pas représenté par une seule expression.
Alors celui qui manque de capacités intellectuelles et par conséquent ne peut
faire rien de remarquable au sens positif est appelé en russe: он звезд с неба не
хватает, он не блещет умом, он недалекого/недальнего ума, пороха (пороху)
не выдумает (Мелерович, Волкова). Ces expressions n’ont pas d’analogues dans
la langue française. Les idées qu’on a examinées en détails ci-dessus, sont
transmises en français par des périphrases comme : son esprit ne va pas si loin, il a
un esprit borné, etc. (Гак).
L’ignorance étant une conséquence de l’absence de facultés intellectuelles
nécessaires pour l’acquisition des connaissances, l’idée en est aussi richement
reflétée dans la langue russe par les expressions variées : у него солома в голове,
голова трухой набита, толоконный лоб, мякинная голова, у него в голове
пелева, капустная голова, голова садовая (Даль, Кругликова). L’image de la
tête remplie de contenu inutile est considérée comme originairement russe. Les
expressions mentionnées plus haut n’ont pas d’analogues dans la langue française.
Au fil de l’histoire la culture matérielle a influencé le développement de la
mentalité russe de telle manière que l’universalisme, étant la forme principale des
activités de production, est devenu perçu comme un moyen de connaître le monde,
96
ce qui a amené l’appréciation excessive des connaissances (Якунин, р. 301).
Aujourd’hui on ne considère plus l’universalisme comme étant à la base de
l’appréciation des connaissances, mais la valeur suprême de possession de savoirs
reste reconnue par la plupart des Russes.
La principale spécificité nationale reflétée dans la vision linguistique russe
de l’intelligence consiste à apprécier hautement les connaissances et leur attribuer
une valeur exceptionnelle. Celui qui en possède beaucoup est très respecté et
même honoré. Une personne intelligente est caractérisée par les locutions russes
сократовский лоб, высокий лоб, семи пядей во лбу, голова с двумя макушками,
большая голова, голова с залысиной (Бирих, Молотков). Ces expressions
indiquant des indices extérieurs propres aux personnes dites intelligentes ou tout
simplement douées pour les études, n’ont pas d’analogues dans la langue française.
La locution russe, désignant un individu qui possède plus de connaissances
que les autres est appelé быть на голову выше (Алабугина). En français il y a la
tournure dépasser qqn d'une tête (ou avoir une tête de plus que qqn (être de tête
plus haut), mais elle ne s’emploie, par contre, qu’au sens propre (Гак). Ainsi
l’expression russe быть на голову выше n’a pas d’analogue dans la langue
française.
La locution française un homme universel signifie un individu qui a des
aptitudes pour tout ou qui a des connaissances dans tous les domaines (CNRTL).
L’expression russe человек-оркестр exprime au sens figuré l’idée des savoir-faire
variés, ce qui n’implique pas les connaissances théoriques dans tous les domaines.
Alors, bien que cette idée de l’universalisme soit présente dans l’expression russe,
il est impossible d’affirmer qu’elle soit analogue à un homme universel français.
L’homme universel français est aussi traité comme un homme mêlé, et la
locution est employée pour désigner une personne érudite, « qui sait beaucoup de
choses » (Duneton). Cette idée est également représentée dans la langue russe :
эрудированный, разносторонний; mais elle n’est pas exprimée dans le cadre de
la vision phraséologique du monde (Александрова).
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L’homme universel français est aussi traité comme un homme mêlé, ce qui
est employé pour désigner une personne érudite, « qui sait beaucoup de choses
» (Duneton). Cette idée est également représentée dans la langue russe :
эрудированный, разносторонний; mais elle n’est pas exprimée dans le cadre de
la vision phraséologique du monde (Александрова).
L’idée qu’une personne intelligente possède une quantité indéterminée de
connaissances laisse supposer qu’elle ait quelque chose de particulier, et cette idée
est exprimée par les locutions il a de ça, en avoir dans la tête (Duneton, Гак). Ces
locutions n’ont pas d’analogues dans la langue russe, pourtant l’idée de la présence
d’une parcelle de substance spirituelle peut être représentée par la tournure чтото такое эдакое employée pour dénommer une catégorie d’espèce
fantasmagorique (МАС). Ainsi l’idée de ça est représentée dans la langue russe,
mais elle n’est pas liée à l’intelligence, quelle qu’elle soit, ce qui confirme l’idée
de la perception primordiale de l’intelligence en tant que trésororie de
connaissances dans la tradition russe.
L’idée de savoir faire quelque chose d’une parfaite manière est exprimée en
français par avoir de l’esprit au bout des doigts et avoir de l’esprit jusqu’au bout
des ongles. Ces expressions n’ont pas d’analogues dans la langue russe, mais cette
tournure jusqu’au bout des ongles est employée en russe dans de telles structures
discursives comme король до конца ногтей, демократ до конца ногтей
(Федоров). Ici до конца ногтей signifie « всем своим существом, целиком и
полностью быть каким-либо, кем-либо », ce qui ne coïncide pas avec le sens de
la tournure française.
La locution employée dans la langue française pour marquer l’intensité des
facultés intellectuelles est avoir de l’esprit comme quatre qui n’a pas d’analogue
dans la langue russe. L’idée pareille à celle qui est exprimée plus haut peut être
représentée par быть чертовски умным, mais il est à souligner que ces
expressions remontent à deux traditions culturelles différentes. En français on
recourt au chiffre quatre, qui fait référence aux quatre points cardinaux, tandis
qu’en russe on associe l’intelligence aux forces surnaturelles, ce qui est
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conditionné par la tradition chrétienne d’attribuer à tout ce qui est anormal une
origine surnaturelle.
Certaines expressions françaises marquées de spécificité nationale reflètent
une perception particulière, traditionnellement française, d’un individu savant ou
bien instruite. Parmi ces locutions figées on trouve être grec, savoir chanter au
lutrin, être éveillé comme une potée de souris (Duneton).
La locution savoir chanter au lutrin employée à l’époque pour désigner une
personne « pas tout à fait ignorante » remonte à l’époque où les ecclésiastiques
étaient les seuls à savoir lire et par conséquent à célébrer les messes (Duneton).
Cette locution française n’a pas d’analogue dans la langue russe ce qui s’explique
partiellement par une autre manière de traiter les prêtres, surtout dans le milieu de
roturiers : « Поп в представлении народа всегда жирен — выгодная служба,
отсутствие работы, тунеядство — все дело только в исполнении обрядов и
механическом знании «текстов» (Козинцева, р. 185).
Celui qui était considéré comme savant ou habile pouvait être appelé à
l’époque grec (Duneton). La locution figée être grec comporte une allusion aux
anciens grecs, peuple fondateur de la science au sens absolu. Cette expression n’a
pas d’analogues dans la langue russe, ce qu’on peut expliquer en s’appuyant à
l’aspect historique qui consiste à ce que la science, les connaissances aient été
inaccessibles pour la plupart des habitants de l’ancienne Russie pendant
longtemps.
L’expression il est éveillé comme une potée de souris s’employait à l’époque
pour désigner un individu « d'une intelligence éveillée » (CNRTL, Duneton).
Aujourd’hui cette locution ne signifie qu’une personne ou plutôt un enfant très
actif, « très vif, très gai » et prend ses origines à l’image des souriceaux qui
grouillent (CNRTL). Cette locution n’a pas d’analogue dans la langue russe. De
plus, en russe on n’emploie pas d’expressions qui renvoient à l’idée de
grouillement pour définir soit un enfant actif, soit une personne douée.
Quant à la manière de définir un individu rempli de connaissances, dans ce
cas on emploie l’expression être un pot pourri qui signifie au sens figuré « un
99
homme qui a beaucoup de lecture, qui sait beaucoup de choses, mais confusément,
c’est un pot pourri de doctrine » (Duneton). Pour exprimer cette idée (en termes
métaphoriques) les Russes ont recourt à un seul lexème « всезнайка », employé
surtout au sens ironique pour masquer l’attitude négative de celui qui parle à
l’égard de l’objet du discours (Александрова).
Le classement des expressions accumulées par groupes - équivalents
absolus, équivalents relatifs, analogues et expressions marquées de spécificité
nationale permet de tirer les conclusions qui seront présentées dans la dernière
partie de ce mémoire.
Conclusion
L’étude comparée des expressions incluses dans les cadres cognitifs de la
dichotomie ум/intelligence – глупость/bêtise permet de relever le fait que les idées
principales exprimées par les locutions coïncident, mais leurs moyens d’expression
sont différents.
100
Le concept intelligence/ум est représenté par trois cadres cognitifs :
l’intelligence même, l’intellect et la possession de connaissances. Les cadres de
l’intelligence et de l’intellect sont remplis d’expressions qui désignent les facultés
intellectuelles d’un individu ou marquent le niveau de leur développement, et
caractérisent une personne par sa capacité de remplir des activités intellectuelles,
celles de comprendre ou d’entendre, de concevoir, d’analyser, de réfléchir
clairement, de raisonner de façon logique et cohérente. Ce sont ces facultés qui
affectent essentiellement la capacité d’acquérir les connaissances, et ce fait a
entraîné la nécessité d’examiner également dans le cadre de cette étude
les
locutions qui sont étroitement liées à l’acquisition des savoirs. Il est hors de doute
que chaque être humain possède l’intellect aussi bien que l’intelligence quels que
soient son entourage et ses conditions de vie, donc, il serait faux d’affirmer qu’un
individu instruit est le seul à posséder l’intelligence et l’intellect. Cela ne contrarie
pas le fait qu’il y a ceux qui sont instruits d’une façon extraordinaire, dont les
connaissances étendues atteignent un haut niveau et qui deviennent l’objet de
l’admiration. Une intelligence hors pair devient proverbiale et fait naître mainte
locution.
L’intelligence qui est inhérente à un individu dès sa naissance et l’intellect
bien réglé sont opposés aux facultés intellectuelles restreintes, dites l’esprit borné,
et à un manque d’esprit même. Alors les capacités intellectuelles, celles de
réfléchir, comprendre, analyser, apprendre, raisonner etc., qui assurent le
fonctionnement correct de l’esprit s’opposent à leur absence, aussi bien que la
présence de l’intellect – au dérèglement de l’esprit qui peut être traité comme un
cas médical. Ce dernier se réfère aux cas où la bêtise est pareille à l’attestation de
la folie, ou peut être provoquée par des troubles mentaux. En ce qui concerne
l’absence de connaissances, on ne trouve que des expressions désignant les
personnes privées de facultés intellectuelles, raisonnement, jugement, etc., ce qui
les empêche d’acquérir des savoirs.
Pour marquer le niveau du développement des facultés intellectuelles la
langue russe recourt aux expressions de caractère instructif qui non seulement
101
désignent telle ou telle façon de se conduire, mais peuvent aussi la réprouver, par
exemple : посади дурака за стол, а он и ноги на стол.
En ce qui concerne les locutions employées en français pour qualifier les
actions exercées par quelqu’un comme déraisonnables, on trouve parmi elles : être
bête à manger du foin, être bête à manger des chardons, être une oie qui se laisse
plumer sans crier, raisonner comme une huître. Ces locutions n’ont pas
d’analogues dans la langue russe. D’habitude, elles traitent l’auteur des actions
stupides comme bête, animal, puisqu’elles sont liées aux images des animaux
censés symboliser la bêtise et décrivent leurs habitudes quotidiennes.
En même temps en russe on emploie plusieurs locutions par lesquelles on
compare un individu possédant l’esprit borné, difficile à pénétrer, avec des objets
« durs », par exemple : глуп как пень, глуп как пробка, дубина стоеросовая.
Cette tradition n’est pas propre à la langue française.
Toutefois l’absence dans la langue française d’analogues évidents et
d’équivalents qui expriment la même idée ou remontent à la même image, n’exclut
pas l’emploi d’autres expressions qui représentent la perception française de
l’esprit lourd qui est de tradition, par exemple, être bête comme un pot.
En ce qui concerne l’esprit, en français il est abrité par la tête, en russe il est
représenté par l’image de la tête même, ce qui peut être prouvé par la locution
быть на голову выше, qui n’a pas d’analogue français. L’absence de cette
perception de la tête en guise de l’esprit constitue une des spécificités principales
inhérente à la langue française : la tête fêlée d’où coule l’esprit.
Quant à l’expression de cette idée en russe, on parle toujours de l’esprit, en
guise de la tête, déréglé : крыша протекает, крыша поехала.
L’idée de l’esprit, au sens de l’intellect, qui s’éteint est rendue en russe par
les expressions d’un seul type : впадать в маразм, впадать в детство, tandis
qu’en français on trouve tout un nombre de locutions qui désignent cet état
psychique d’un individu en recourant à d’autre images : perdre la raison, perdre la
boussole, perde le Nord, paumer la sorbonne, etc (Воb). Ces expressions
102
représentent l’image de celui qui a perdu les points de répère au sens
métaphorique, ce qui n’est pas exprimé dans la langue russe.
Celui dont les facultés intellectuelles sont restreintes dès la naissance est
appelé en russe глуп как осетровая башка, как попова курица, etc. La même
idée est exprimée en français par les locutions qui marquent la nature bestiaire
d’une personne : être bête comme un cochon, comme une carpe, comme un âne,
etc. Cette dernière a un équivalent absolu en russe – глуп как осел, et les autres y
trouvent des analogues.
La particularité nationale russe, liée au moyen de représenter la bêtise
humaine au sens de facultés intellectuelles restreintes, est exprimée par plusieurs
oppositions de faible intelligence à un état physique excellent ou à l’âge mûr, par
exemple : нос с локоть, а ума с ноготь, сила есть – ума не надо, под носом
взошло, а в голове и не посеяно.
Il faut y ajouter encore une opposition spécifique de la tradition linguisticoculturelle russe, il s’agit de l’opposition du petit au grand, par exemple : голова с
печное чело, а мозгу совсем ничего, лоб широк, а мозгу мал. Cette idée n’est pas
représentée dans la langue française, mais on y trouve des expressions qui
marquent une petite quantité d’esprit : il n’a pas d’un grain d’esprit, avoir un zéro
dans la cervelle.
En russe l’idée pareille est exprimée par les locutions мозгов не хватает, у
него одна извилина, и та прямая/ и та от шапки, извилин не хватает. Dans
ce cas la petite quantité d’esprit est représentée par la présence d’un seul pli dans la
tête, ce qui signale une spécificité de représentation de l’esprit dans la vision
linguistique du monde des Russes.
Outre cela, dans la langue russe l’idée qu’une personne privée de facultés
intellectuelles n’est pas apte à réussir une seule action toute simple, est soulignée
par les locutions suivantes : попроси дурака богу молиться, он весь лоб
расшибет, дурак трех не перечтет, дурак на трех свиней корму не разделит.
Cette idée n’est pas représentée dans la langue française.
103
Enfin, celui qui manque de capacités intellectuelles et ne peut faire rien de
remarquable au sens positif est appelé en russe : он звезд с неба не хватает, он
не блещет умом, он недалекого/недальнего ума, пороха (пороху) не выдумает.
Ces expressions n’ont pas d’analogues dans la langue française. Les idées qu’on a
examinées en détail ci-dessus, sont transmises en français par des periphrases
comme : son esprit ne va pas si loin, il a un esprit borné, etc.
Si en français la marche de l’esprit est assurée par le fonctionnement réglé
du cerveau, de la tête, en russe elle est garantie par une grande taille du crâne, un
sommet chauve qui signale le travail intense de l’esprit : сократовский лоб, семи
пядей во лбу, голова с двумя макушками, большая голова, голова с залысиной.
Les expressions dont les termes principaux sont лоб/front et макушка/
sommet peuvent être considérées comme marquées de spécificité nationale russe
tandis que celles qui se réfèrent à l’image de la tête ont beaucoup d’analogues dans
la langue française : avoir une grosse tête – гениальная башка, un homme de tête
– с мозгами, avoir une tête – человек большого ума, avoir de la tête – c головой.
En ce qui concerne les locutions équivalentes employées pour parler d’une
personne intelligente ce sont : être bien ferré – быть подкованным в чем-то, une
tête bien ordonnée - (у него) с головой все в порядке, avoir sa tête à soi – иметь
свою голову на плечах, avoir les pieds sur la terre – твердо стоять (обеими)
ногами на земле, avoir toute sa tête – быть в своем уме, avoir toute sa raison –
быть в здравом уме (и твердой памяти, avoir de l’esprit comme quatre – быть
чертовски умным).
L’idée de la tête remplie de connaissances est propre à la langue russe aussi
bien qu’à la langue française, mais les moyens d’expession sont différents. En
russe on parle de la tête au sens de récipient de connaissances : кладезь знаний, ou
d’un homme ayant des connaissances variées ходячая энциклопедия, ходячий
университет. La première locution a un équivalent en français un puits de science
tandis que l’idée de possession de multiples connaissances est représentée en
français par l’image d’un homme universel.
104
En outre, la tête peut être pourrie de connaissances, dans ce cas on dit en
français : un pot pourri, ce qui n’a pas d’analogues en russe. Si on parle de
quelqu’un qui possède des savoirs excellents on dit en français : il a de l’esprit au
bout des doigts ou il a de l’esprit jusqu’au bout des ongles. Cette idée n’est pas
exprimée en russe dans le cadre de la dichotomie ум – глупость.
Par contre, dans la langue française on trouve des locutions qui remontent
aux images propres aux traditions françaises - historiques, culturelles, de la vie
quotidienne : être grec, savoir chanter au lutrin, être éveillé comme une potée de
souris. Ces locutions sont marquées de spécificité nationale et n’ont pas
d’analogues en russe.
Outre cela, en français il y a des locutions qui représentent l’idée de
l’intelligence d’une manière très floue, indéterminée, dissimulée, ce qui n’est pas
exprimé en russe : il a de ça.
Dans le cas où ça ne marche pas on recourt en français à ça va pas la tête, ça
va pas, t’es pas bien (Bob), ce qui équivaut à « у тебя с головой не все в порядке,
ты нормальный ? » en russe.
Parmi les idées propres à deux langues on trouve également celles qui sont
exprimées par les expressions suivantes : il manque un clou à son casque –
шарики за ролики заехали, avoir la tête vide – на голове густо, а в голове
пусто, avoir la grain de folie – с прибабахом, avoir le grelot – вести себя как
шут гороховый, faire le fou – ломать дурака, être sot en trois lettres – быть
полным дураком, avoir un coup de marteau – пыльным мешком ударенный, être
tombé sur la tête – головой ударился, avoir le diable au corps – быть
охваченным страстями.
Parmi les idées exprimées par ces locutions on en trouve une qui marque une
spécificité nationale russe : ломать дурака. Si par faire le fou français on ne
rappelle qu’une manière de se conduire déraisonnablement, en russe on évoque la
traditoin de faire rouler un bouffon, autrement dit дурак. En outre, l’expression
synonymique russe корчить ваньку remonte au personnage folklorique Ивандурак, tradition qui n’est pas propre à la langue française (Федоров).
105
Parmi les expressions françaises qui marquent la spécificité nationale on
trouve celles qui désignent un comportement déraisonnable suite à l’état psychique
conditionné, au sens métaphorique, par la présence des insectes qui dérangent le
fonctionnement de l’esprit et affectent la manière de se conduire et de raisonner :
avoir un cafard, avoir une araignée au plafond/dans la cervelle, avoir un hanneton
dans la Sorbonne/dans le plafond, avoir un hanneton qui trotte par le ciboulot,
avoir un rat dans la contrebasse (Bob). En russe on n’emploie pas de locutions
pareilles, cette idée n’est pas représentée dans la langue.
Quant aux expressions fondées sur l’image d’un phénomène tout-à-fait
français, on trouve parmi elles travailler du chapeau, travailler du citron,
travailler du grelot et malade du képi, péter une durite, péter un boulon, péter un
cable, péter une pile (Bob). Le caractère métaphorique des locutions étant
indiscutable, leur sens faisant allusion à un comportement inadéquat n’est pas
évident. Ces locutions basées sur un modèle spécifique récente n’ont pas
d’analogues dans la langue russe.
En revanche, la langue russe possède des expressions qui représentent la tête
comme un contenant d’espit rempli d’un contenu inutile, ce qui dérange le
foctionnement du cerveau : у него солома в голове, голова трухой набита,
толоконный лоб, мякинная голова, у него в голове пелева, капустная голова,
голова садовая (Даль, Кругликова). Cette idée est propre exclusivement à la
langue russe et n’est pas exprimée en français.
Après avoir examiné toutes les particularités du processus de raisonnement
et relevé toutes les spécificités nationales reflétées par les locutions françaises et
russes, il est devenu possible d’affirmer que bien que les expressions qui
remplissent les cadres cognitifs de la dichotomie l’intelligence/la bêtise de deux
langues confrontées, le russe et le français, diffèrent sur certains points, la plupart
des idées exprimées par elles coïncident et même si les moyens de les rendre
témoignent des perceptions diverses, soit de l’intelligence/ум, soit de la bêtise/
глупость, il est possible de remplir les cadres cognitifs de la dichotomie étudiée
106
par les locutions basées sur des images particulières, appartenant seulement à une
langue, mais ayant la même valeur axiologique.
C’est-à-dire, il faut prendre en considération le fait qu’il y a des cas où la
spécificité nationale est due aux phénomènes tout-à-fait russes ou purement
français de façon qu’une autre langue n’a pas de moyens de transmettre les idées
exprimées, parce que la valeur des unités linguistiques est étroitement liée à la
culture du peuple et à la société nationale en générale, au point de vue cognitif, elle
est changeante et relative.
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