UNIVERSITÉ D’ÉTAT DE SAINT-PÉTERSBOURG
Faculté des Lettres
Département des langues romanes
Marina ZHDANOVA
Les particularités de traduction en russe de pièces de théâtre
françaises: les énonciations indirectes dans les répliques des
personnages
Mémoire présenté
en vue de l’obtention
du Master en Linguistique
Sous la direction de
Madame le Docteur
Larisa BOGOLIUBOVA
Saint-Pétersbourg
2017
Table des matières
Introduction……………………………………………………………………....…...3
I. Les particularités de la langue française des pièces de théâtre et de leur traduction
en russe..........................................................................................................................5
§1.1. La spécificité du texte théâtral....................................................................5
§1.2. La différence entre la langue théâtrale et la conversation ordinaire...........7
§1.3. Les difficultés de traduction du langage théâtral.......................................8
II. La notion d'énoncé ou acte de parole indirect.........................................................12
§2.1. La notion de “sens” en traductologie d'aujourd'hui...................................12
§2.2. Les maximes de Grice et la notion d'implicature......................................13
§2.3. Les causes d'emploi des énoncés indirects................................................17
§2.4. La traduction de la stratégie évasive.........................................................19
III. Les implicatures dans le couple “question-réponse” et leur traduction en russe...
21
§3.1. Les interrogations indirectes.....................................................................21
§3.2. Les clichés de parole comme réponses indirectes....................................22
§3.3. La classification des implicatures.............................................................25
§3.4. Les implicatures basées sur les présuppositions linguistiques.................26
§3.5. Les implicatures basées sur les présupposés contextuels.........................32
§3.6.La question indirecte suivie d'une réponse indirecte.................................45
§3.7.La question indirecte suivie d'une réponse directe....................................52
IV. Les implicatures contextuelles des expressions imagées.......................................58
§4.1. Métaphore.................................................................................................59
§4.2. Ironie.........................................................................................................62
§4.3. Hyperbole.................................................................................................69
§4.4. Allusion.....................................................................................................71
§4.5. Zeugme.....................................................................................................73
§4.6. Proverbes, adages, sentences....................................................................75
Conclusion...................................................................................................................79
!2
Références bibliografiques..........................................................................................81
Introduction
Les pièces de théâtre représentent un phénomène littéraire et théâtral unique.
Leur unicité provient avant tout de leur double nature: une pièce de théâtre est un
ouvrage à lire et aussi un texte à monter sur scène, ce dernier étant le but principal de
son auteur. Or, on le sait d'expérience que le texte écrit par l'auteur et celui qu'on
entend prononcer par les acteurs en spectacle ne coïncident pas toujours, même si la
pièce est écrite et montée sur la scène du pays d'origine.
Si la pièce n'est pas montée dans son pays d'origine, la traduction s'impose et
provoque une quantité de problèmes supplémentaires, dont les plus importants sont
les problèmes d'adaptation socio-culturelle. C'est ce type de problèmes que traitent la
plupart des chercheurs (T.A. Alekseytseva1, F. Zhang2, G. Herry3 et autres).
Pourtant, il existe un autre problème qui est surtout linguistique: c'est le
problème de traduction que pose l'implicite, plus ou moins présent dans les pièces
théâtrales françaises, surtout dans celles des auteurs modernes (E.-E. Schmitt, Y.
Jamiaque, J. Anouilh, F. Sagan, J.-P. Sartre, P. Claudel, F. Veber). Certains linguistes
(dont Kouznetsova T.Y.4) émettent l'idée que si les répliques théâtrales se percoivent à
l'oral, par le public réuni dans de grandes salles, et ne se répètent généralement pas, le
texte des répliques doit être “clair et net”, id est, linguistiquement parlant, doit être
respectée la maxime de manière de parler, ou de clarté d'expression, introduite, entre
autres, par le philosophe anglais P.Grice. Or, notre analyse préliminaire a montré que
dans les pièces de théâtre des écrivains français de l'époque moderne, cette maxime
est assez souvent violée, ce qui provoque des sous-entendus. Cela signifie qu'on y
1
Алексейцева Т.А. Экспликация или бесконечное порождение смысла // Вестник Московского университета.
Сер. 22. Теория перевода. 2009. №4. - Pp. 5-16.
2
Zhang F. Traduire le théâtre: application de la théorie interprétative à la traduction en chinois d'oeuvres dramatiques
françaises. Linguistique. Université de la Sorbonne nouvelle - Paris III, 2006.
3
Herry G. De la spécificité du texte théâtral et de sa traduction. Wrocław: Romanica, numéro spécial Traduire le
drame, № LV, 2008. – Pp. 151-158.
4
Кузнецова Т. Я. Синтаксис драматургического диалога в сопоставлении с синтаксисом ... [Текст] : автореф.
дис. ... канд. филол. наук : 10.02.05 / Т. Я. Кузнецова. - Л., 1984.
!3
trouve beaucoup d'énoncés indirects qui feront l'objet de la présente étude. La
difficulté de leur traduction consiste dans le fait que le traducteur, pour être fidèle au
texte originel, doit préserver la façon de parler de l'auteur qui conduit le spectateur à
déduire lui-même les sous – entendus (le terme adopté à présent en pragmatique
linguistique est “implicatures”), c'est-à-dire les sens implicites qui, souvent,
constituent une composante du spectacle de première importance. D'abord, parce qu'il
existe des choses qu'on ne dit pas ouvertement, donc, pour être authentique, le
dialogue ne doit pas être à 100% explicite, mais le sens doit être rendu. La deuxème
raison consiste dans le fait que le spectateur qui déduit lui-même l'implicature, et
souvent sa propre implicature (parce que chacun tire ses leçons) , la trouve crédible
du fait même de son expérience personnelle. Il y a une troisième raison, c'est le souci
de la beauté du style qui provoque l'emploi de figures rhétoriques qui sont toutes, par
définition, chargées d'implicite. Ce domaine de traduction a juste été évoqué par T. Y.
Kouznetsova qui traite des problèmes de syntaxe5 . Nous n'avons pas trouvé
d'ouvrages qui soient consacrés aux problèmes de traduction du français en
russe des sens implicites créés par les moyens purement linguistiques dans les
pièces de théâtre.
Dans un premier temps, nous nous proposons d'étudier les particularités de la
langue française du théâtre et les problèmes de traduction en russe qu'elles peuvent
poser. Dans un deuxième temps, nous établirons la base théorique de la recherche que
nous entreprenons, qui est la théorie des énoncés ou actes de paroles indirects. Dans
un troisième temps, nous étudierons les différents types d'expressions indirectes dans
les répliques théâtrales et leurs traductions en russe afin de voir si elles permettent de
tirer les implicatures conçues par l'auteur de la pièce. Dans un quatrième temps, nous
examinerons les figures de style et leurs traductions. Dans les cas où les traductions
littéraires manquent, nous proposerons nos traductions que nous mettrons en italique
gras. Les méthodes utilisées pour l'analyse sont celles de la pragmatique linguistique
dont l'objet principal est le sens de l'énoncé. Le corpus d'étude est constitué de pièces
5
Кузнецова Т. Я. Синтаксис драматургического диалога в сопоставлении с синтаксисом ... [Текст] : автореф.
дис. ... канд. филол. наук : 10.02.05 / Т. Я. Кузнецова. - Л., 1984.
!4
de théâtre des auteurs français modernes.
I. Les particularités de la langue française des pièces de
théâtre et de leur traduction en russe
§1.1. La spécificité du texte théâtral
Une pièce de théâtre est faite pour être jouée. Le dramaturge l'écrit afin qu'un
metteur en scène la monte, que des acteurs la jouent et que le public la voie. Sur la
scène, le texte n'est qu'une des composantes de la pièce et pas toujours la plus
importante.
Examinons le modèle de la communication scénique proposé par Zoxin Feng et
Dan Shen dans leur ouvrage “The play off the stage”, cité par Botchaver6.
Адресат 1-A Destinataire 1-A
Сценарий Scénario
(Редактор)
(Rédacteur)
Адресат 1-B Destinataire 1-B
(Издатель)
(Editeur)
Адресат 1-С Destinataire 1-C
(Режиссер)
Ремарки Remarques
(Metteur en scène)
Адресат 1-D Destinataire 1-D
(Продюсер) (Producer)
Адресат 1-E Destinataire 1-E
(Художник) (Peintre)
Адресант 1 Enonciateur 1
Диалог & Dialogue &
(Драматург) (Dramaturge)
Ремарки
Remarques
Адресат 1-F Destinataire 1-F
(Актер/Актриса) (Acteurs/Actrices)
Диалогическое общение Enonciation dialogique
Ремарки Remarques
6
Постановка
Mise en scène
Адресант 2 Enonciateur 2
Сообщение
Адресат 2 Destinataire 2
(Персонаж А) (Personnage A)
Enoncé
(Персонаж Б) (Personnage B)
Бочавер С.Ю. Связность драматического текста и сценическая коммуникация : на материале русской и
испанской драматургии конца XIX - начала XX вв. : диссертация ... кандидата филологических наук :
10.02.19 / Бочавер Светлана Юрьевна; [Место защиты: Ин-т языкознания РАН].- Москва, 2012. p. 56.
!5
Адресат 1-G Destinataire 1-G
(Зритель)
Ремарки & Диалог Remarques & Dialoque
(Spectateur)
Адресат 1-Н Destinataire 1-Н
(Читатель)
(Lecteur)
Ce modèle reflète les multiples couches d'information scénique comportant
plusieurs processus qui peuvent se réaliser parallèlement; il attire également
l'attention sur les destinataires, auxquels il faudrait ajouter, en l'occurence, le
traducteur.
Le texte théâtral a pour dernier destinataire le spectateur. Dans ce cas, les
artisants du spectacle sont des médiateurs qui avaient lu et analysé le texte pour en
faire un spectacle. Premièrement, l'auteur du texte (un destinateur premier) transmet
aux artisants du spectacle (les destinataires premiers) un message complètement
verbal. Ceux-ci se font destinateurs seconds pour adresser un message scénique miverbal aux spectateurs (destinataires seconds). Le traducteur d'un texte de théâtre
réunit dans sa première lecture les positions de l'auteur et de tous les destinataires.
Il faut souligner aussi, que le langage théâtral ne se réduit pas aux dialogues de
la pièce. La forme importe beaucoup. Par exemple, chez Beckett, Ionesco, Hanoch
Levin, pour ne citer qu'eux, le texte est “manquant”, plein de lacunes, de non-dits. S.
Beckett a même écrit une pièce sans paroles, avec uniquement des didascalies, qui
sont elles-mêmes un langage. Les silences, la longueur des mots, le rythme, le ton ou
la mélodie, tout ce qui n'est pas verbal, ce qu'on pourrait qualifier de “musique” est
hautement significatif. L'impact de ce qui est clairement “dit” est parfois moindre ou
du moins limité. Il ne s'agit pas seulement du rapport entre ce qui est dit et ce qui ne
l'est pas, mais du langage poétique du théâtre, de l'interaction entre tous les éléments
théâtraux (éclairage, scénographie, mouvement, décor, costumes) qui interfèrent entre
eux.
La communication scénique, comme l'a remarqué G. Mounin dans son ouvrage
“La Communication poétique”, cité par Botchaver7, est univoque: les acteurs et les
spectateurs ne peuvent jamais échanger leurs rôles. Le spectateur n'entend le texte
7
Бочавер С.Ю. Связность драматического текста и сценическая коммуникация : на материале русской и
испанской драматургии конца XIX - начала XX вв.- Москва, 2012. p. 55.
!6
qu'une seule fois. Il ne peut revenir en arrière pour saisir quelque chose qui lui a
échappé ou tourner une page pour vérifier un nom ou un terme, comme on le fait en
lisant.
Par ailleurs, pour que la pièce soit crédible, les personnages sur scène doivent
parler avec naturel, une langue compréhensible, qui coule. Ceci n'empêche pas qu'une
telle langue puisse être poétique. Mais souvent, ce qui est évident dans un contexte
culturel, il ne l'est pas du tout dans un autre. Or, le théâtre ne connaît pas de glossaire
ou de notes explicatives. Il y a des évènements, des coutumes ou des concepts qui
s'inscrivent dans un contexte spécifiquement national et qui demanderaient à être
éclairés. Or, ce qui est dit sur la scène doit être clair et accessible au public, même s'il
s'agit des concepts qui se placent dans une culture pas forcément connue. Dans ce
cas-là, le traducteur recourt souvent à l'explication.
§1.2. La différence entre la langue théâtrale et la conversation
ordinaire
Le dialogue théâtral se trouve à la frontière entre le texte écrit et le spectacle en
scène. Il reflète à l'écrit la communication humaine. Mais en fait, on ne peut pas
complètement assimiler la communication naturelle au dialogue théâtral. C. KerbratOrecchioni, dans son article “Dialogue théâtral vs conversations ordinaire”, parle en
premier lieu des conditions particulières de leur émission et de leur réception. Dans la
vie quotidienne la conversation se passe le plus souvent entre un émetteur et un
récepteur, pendant que le dialogue théâtral, vu sa nature, suppose une certaine chaîne
d'émetteurs et de récepteurs. Sur la scène, les acteurs “semblent s’adresser
uniquement aux autres personnages avec lesquels ils dialoguent, alors qu’en aval,
leur discours est intercepté par ce tiers extra-scénique (ou extra-textuel) qu’est le
spectateur (ou lecteur)”8.
La deuxième différence entre une conversation ordinaire et un dialogue théâtral
provient de la nature de leurs canaux: “les dialogues de théâtre existent d’abord sous
8
Kerbrat-Orecchioni C. Dialogue théâtral vs conversations ordinaires // Cahiers de praxématique. - 1996. № 26. p. 2.
!7
forme écrite, et sont dans un deuxième temps seulement (celui de la représentation)
oralisés – cette situation étant exactement l’inverse de celle des conversations
naturelles, qui existent d’abord sous forme orale, et sont dans un deuxième temps
seulement (celui de la transcription) «scripturalisées»”9.
De plus, tout le discours des personnages est initialement rédigé par l'auteur
d'une pièce de théâtre, il n'y a presque aucune spontanéité. Ce n'est pas une
improvisation collective. En même temps, une conversation naturelle est entièrement
spontanée, émotionnellement guidée et pleine d'“interruptions et chevauchements,
bredouillements et marqueurs d’hésitation, constructions bancales et phrases
inachevées, phatiques et régulateurs, rectifications et reprises en tous genres, etc.”10 .
En outre, le français oral et le français écrit diffèrent beaucoup l'un de l'autre.
La syntaxe et le lexique dépendent de l'époque et de l'école des auteurs. En outre, le
langage écrit n'exprime presque pas les facteurs extralinguistiques tels que les signes
paraverbaux (dont l'intonation) et les signes non-verbaux (le langage du corps, les
gestes, les mimiques) qui sont abondants dans une conversation ordinaire et qui sont
chargés de sens.
Certains auteurs
(Botchaver, notamment) soutiennent l'idée que le langage
théâtral occupe une place intermédiaire entre la langue écrite et la conversation
ordinaire, du fait même de son origine écrite et de sa réalisation orale. Les
conclusions de cet auteur sont basées sur une étude détaillée du théâtre espagnol11.
§ 1.3. Les difficultés de traduction des pièces de théâtre
La première tâche du traducteur est de traduire le texte écrit. Le traducteur
prépare sa traduction à une date fixée, en suivant un objectif défini. Le texte
autentique qu'il traduit est écrit dans des circonstances particulières et pour un usage
9
Kerbrat-Orecchioni C. Dialogue théâtral vs conversations ordinaires // Cahiers de praxématique. - 1996. № 26. p. 5.
10 Ibidem, p. 9.
11 Бочавер С.Ю. Связность драматического текста и сценическая коммуникация : на материале русской и
испанской драматургии конца XIX - начала XX вв.- Москва, 2012.
!8
déterminé. Ginette Herry dans son article “De la spécificité du texte théâtral et de sa
traduction”12 avance l'idée qu'il existe un espace de traduction qui comprend quelques
pôles: premièrement, le contexte historique et culturel de l'auteur, c'est-à-dire son icimaintenant qui devient un ailleurs-autrefois pour le traducteur; et, deuxièmement, le
contexte historique et culturel du traducteur, autrement dit l'ici-maintenant de celuici. Quand on parle de la traduction théâtrale, il faut se rappeler que le théâtre n'existe
lui-même, par nature, qu'ici et maintenant. La traduction a pour but de transférer dans
une langue-cible le texte écrit dans la langue d'origine. Elle est obligée d'être fidèle.
Mais les différents systèmes socio-historiques ne sont pas tout à fait identiques, les
langues, les cultures, les pratiques dans les cultures varient. C'est pourquoi le
traducteur doit transférer dans une autre langue, aussi bien que dans une autre période
historique, une autre culture aux autres pratiques scéniques.
Il ne faut pas oublier que le texte de théâtre est écrit pour être représenté sur la
scène. Là, la langue-cible est obligatoirement celle des récepteurs. Le texte à jouer
prononcé par les acteurs doit être perçu par toute la salle, et, à la différence de la
lecture, dans un temps définitif. Les répliques doivent être absolument prononçables
et audibles, ainsi que non-ambigues. Le traducteur doit prendre en considération les
marges de tolérance dans l'écoute qui sont différentes dans les langues et les cultures.
Le traducteur fait face à la difficulté suivante: l'auteur est manquant du texte
énoncé lors de la réprésentation, mais il est bien présent implicitement dans des
caractéristiques et des implicatures ce qui demande une analyse profonde de
chaque pièce traduite.
Les répliques servent d'un support au jeu des acteurs. Les discours déterminés
par la situation ont toujours pour but d'impliquer quelque chose. C'est pourquoi
la place des mots, leur articulation, l'organisation des répliques sont très importantes.
Le traducteur est aussi résponsable de la “musique” du texte – il doit essayer de
conserver le ton, le rythme, les répétitions, les reprises, l'ordre, les interruptions, les
exclamations, la syntaxe etc..
12 Herry G. De la spécificité du texte théâtral et de sa traduction. Wrocław: Romanica, numéro spécial Traduire le
drame, № LV, 2008. – Pp. 151-158.
!9
Il est évident que l'art du théâtre est un art socialisé. Il suppose une écoute
collective et directe qui, par rapport à une lecture individuelle, concerne plus le
contexte et le savoir communs car ils peuvent différer du temps de l'auteur et des
spectateurs. Or le traducteur recourt souvent aux explications du contexte.
Parfois les traducteurs oublient ou ne prennent pas en considération la situation
de parole: que les personnages (les acteurs) prononcent les paroles à un moment
donné en un lieu déterminé pour un public particulier. Celui-ci perçoit en même
temps le texte et la mise en scène. L'objectif principal de la traduction d'une pièce de
théâtre est de produire un effet communicatif afin d'obtenir la réaction souhaitée des
spectateurs. Cet effet est atteint généralement grâce aux adaptations pragmatiques du
texte authentique, c'est-à-dire les explications et les explicitations des différences
socio-culturelles, historiques, psychologiques etc. entre les récepteurs du texte
authentique et du texte traduit. Par conséquent, le traducteur doit coopérer avec
l'auteur du texte si c'est possible, et aussi avec le metteur en scène et les acteurs.
A.H. Albir , traducteur espagnol (cité par Y.P. Kochtchiy), a décrit quatre
particularités de la traduction de pièces de théâtre provenant de leur nature13 :
1) les caractéristiques de parole des personnages: la traduction des dialectes, la
reproduction de la situation communicative du texte authentique;
2) les particularités du genre littéraire proprement dit, par exemple, l'ironie, les
effets comiques de la comédie etc.;
3) la sauvegarde dans le texte-cible de l'intention pragmatique de son auteur;
4) les spécificités de la mise en scène dues au réalisateur, acteurs et contexte
socio-culturel qui exercent une forte influence sur le travail du traducteur.
De cette façon, traduire le texte de théâtre suppose une vraie écriture seconde.
Elle donne lieu aux interprétations sans en préférer aucune précisément. Mais traduire
le texte ne signifie pas le mettre en scène mentalement. L'objectif du traducteur est de
rendre audible ce qu'il a lu et perçu dans le texte autentique.
Pour un texte théâtral, la maxime de moyen de P. Grice (voir plus loin) portant
13 Кощий Ю.П. Драматический перевод. Основные аспекты. Краткий обзор исследований в Испании и
Италии // Austrian Journal of Humanities and Social Sciences, 2014. - № 1-2. p. 101.
!10
sur la clarté d'expression joue un rôle beaucoup plus important que pour la
communication quotidienne. Cependant, les implicatures sont assez fréquentes dans
les pièces de théâtre (cela dépend aussi de l'auteur de la pièce), parce que,
premièrement, les auteurs et surtout les metteurs en scène tendent à rapprocher les
répliques des personnages du langage ordinaire qui est généralement chargé
d'implicite; deuxièmement, les figures de style, les expressions imagées embélissent
la langue de la pièce par le fait même de produire des sens implicites et des effets
artistiques. Dans les répliques des personnages, on trouve des métaphores, des
allusions, des proverbes, des comparaisons etc. Un bon traducteur doit rendre le style
de l'auteur de la pièce tout en préservant les implicatures sans les expliciter.
!11
II. La notion d'énoncé ou acte de parole indirect
§2.1. La notion de “sens” en traductologie d'aujourd'hui
L'étude du sens de l'énoncé qui dépend des paramètres de la situation de parole,
est le domaine de la pragmatique linguistique, à la différence de la signification de la
proposition qui relève de la sémantique lexicale et grammaticale de ses éléments.
Une définition du sens est surtout nécessaire pour la traductologie. La formule
de Saint Jérôme, le patron des traducteurs, “Non verbum de verbo, sed sensum
exprimere de sensu” est devenue un axiome de traduction en théorie et en pratique.
Pourtant, personne ne peut donner une définition exacte de cette notion. La définition
du sens manque dans la plupart des dictionnaires encyclopédiques.
De nos jours, en Russie paraissent de sérieux ouvrages psycologiques,
philosophiques et linguistiques, traitant le problème du sens14. Un des premiers
ouvrages consacrés au problème du sens portait le titre “Le sens comme un
phénomène extralinguistique” (1963), son auteur est le grand linguiste russe
N.A. Slussareva. C'est ainsi qu'on traite de nos jours la notion de sens. Dans un article
plus récent, L.A. Tchernakhovskaya définit le sens comme “un phénomène
exstralinguistique qui appartient à la conscience de l'individu qui produit et perçoit le
texte”15 . Il en découle que le sens est subjectif, variable et instable. La même
définition du sens est adoptée par beaucoup de savants étrangers (cités par D.A.
Léontiev)16 Un autre chercheur russe, A.I. Novikov a distingué clairement entre la
notion du contenu du texte et celui du sens du texte. “Le contenu est une formation
mentale qui modélise un fragment de la réalité dont on parle dans le texte, alors que
le sens représente une pensée sur cette réalité, c'est-à-dire, une interprétation du
14 Нестерова Н.М. Sensum de sensu: смысл как объект перевода. Вестник Московского университета. Сер. 22.
Теория перевода. 2009 № 4. p.84
15 Черняховская Л.А. Содержательная структура текста и перевод // Смысл как объект перевода. М., 1988.
16 Леонтьев Д.А. Психология смысла. Природа, строение и динамика смысловой реальности. М.: Смысл, 2003.
!12
texte”17 . Par conséquent, un texte n'a pas en soi de structure de sens. Celle-ci
appartient à la personne qui perçoit le texte.
Lors du processus de traduction, le contenu du texte est d'abord perçu par la
conscience du lecteur. Ensuite, a lieu l'évaluation rationnelle et émotionnelle du
contenu, l'attribution du sens au texte perçu. Ensuite, le traducteur procède à la
création du texte de traduction, autrement dit, à l'écriture de l'image du texte qui s'est
formée dans son esprit.
A.A. Ukhtomskiy, cité par A.I. Novikov (voir plus haut) a introduit dans la
linguistique la notion de “dominante” qui régit notre conduite, y compris la
perception et la compéhension. La dominante détermine la façon de percevoir le texte
et ce que nous nous lui attribuons. Elle est subjective et variable, ce qui explique la
différence de perception d'un même texte par différentes personnes ou par la même
personne dans differentes périodes de sa vie. Pour cette raison, les traductions faites
par les mêmes traducteurs, de la même oeuvre, à des époques différentes, diffèrent
considérablement. Ce phénomène est bien connu.
En conséquence, le sens du texte ne peut pas être pris par les traducteurs en tant
qu'invariante de la traduction, car il appartient non pas au texte, mais à la conscience
des personnes qui le perçoivent. Cela justifie la présence du déplacement sémantique:
le sens du texte de l'auteur et celui du traducteur ne peuvent jamais coïncider. Mais
un bon traducteur doit toujours chercher à s'approcher du sens de l'auteur18.
Ajoutons que la notion de sens est la notion principale en pragmatique linguistique où
elle est désignée par le terme ”illocution”.
§ 2.2. Les maximes de Grice et la notion d'implicature
Conformément aux principes de communication rédigés par P. Grice, pour que
la communication aboutisse, on doit respecter le principe de coopération et les
maximes qui en découlent. Le principe de coopération a été formulé de la façon
17
Новиков А.И. Текст и его смысловые доминанты. М.: Институт языкознания РАН, 2007.
18 Эко У. Сказать почти то же самое. Опыты о переводе. Спб.: Симпозиум, 2006.
!13
suivante: “Que votre contribution à la conversation soit, au moment où elle intervient,
telle que le requiert l’objectif ou la direction acceptée de l’échange verbal dans lequel
vous êtes engagé”19. Cela veut dire que les interlocuteurs acceptent de suivre des
règles implicites nécessaires pour un bon fonctionnement de la communication. Pour
connaitre l'idée communicative, le destinataire attend du locuteur pendant la
conversation qu'il agisse dans la manière communicative. P. Grice a distingué quatre
catégories de maximes20 que les interlocuteurs respectent ou exploitent selon leurs
intentions:
1) la maxime de quantité: «Que votre contribution soit aussi informative que
nécessaire»; le défaut d'information nécessaire ou le surplus d'information
conduisent à des implicatures. Celles-ci sont déduites par l'interaction mentale des
présupposés (l'information qui précède la communication) et de l'information
reçue. C'est la règle générale de la déduction des implicatures. En voici un
exemple.
Alexandre, le personnage du roman d'Henri Troyat «Les Eygletière», est arrivé
de Paris pour voir Françoise après sa tentative de suicide. Madeleine, la tante de
Françoise, lui ouvre la porte.
- Je suis de passage dans la région, annonça-t-il. On m'a dit à Paris que Françoise
était en vacances chez vous...
- Oui.
- Comment va-t-elle?
− Très bien.
Les réponses laconiques de Madeleine laissent deviner qu'elle n'approuve pas
Alexandre et ne veut pas que sa nièce le revoie. C'est l'implicature de ses paroles.
2) la maxime de qualité: «Ne dites pas ce que vous croyez être faux»; l'exemple
suivant tiré du roman “Imogène” d'Exbrayat illustrera cette maxime. Imogène,
une femme excentrique, a perdu un paquet secret très important. Même à la
19 Grice P. Logique et conversation. Communications, № 30, 1979, pp. 57-72.
20 Ibidem.
!14
police où elle s'est adressée, elle ne veut pas dire ce qui se trouvait dans ce
paquet. Elle dit qu'il contenait un bijou.
- Quelle sorte de bijou vous a-t-on dérobé, miss?
- Un bijou.
- J'entends bien, mais quel bijou? Un collier? Une bague? Une broche?
- Un .. un collier.
- En quoi? (…)
- Ça ne vous regarde pas!
Les agents de police tirent la conclusion qu'Imogène a menti, qu'elle n'a rien
perdu.
3) la maxime de relation: «Soyez pertinent»; on peut voir l'exemple ci-dessous,
emprunté dans le roman de S. de Beauvoir “La femme rompue”. La femme
d'André, qui est un grand savant, s'inquiète de sa santé. Elle parle à son amie,
éditeur d'ouvrages scientifiques.
- Vous avez des scientifiques parmi vos amis, que pensent-ils d'André?
- Que c'est un grand savant.
- Mais comment jugent-ils ce qu'il fait en ce moment?
- Il a une excellente équipe, leurs travaux sont très importants.
Cette réponse “à côté” confirme les soupçons de la femme d'André.
4) la maxime de manière: «Évitez de vous exprimer de manière obscure». Cette
maxime suppose la clarté d'expression compte tenu de l'interlocuteur. L'emploi
de termes scientifiques, de l'argo, de constructions inhabituelles des phrases,
les écarts phonétiques, bref, toutes les “anomalies” de parole peuvent
provoquer des sous-entendus. La réponse à une question par une autre , sans
intention de préciser, est considérée également comme une violation de cette
maxime. Et, ce qui est le plus intéressant, c'est que toutes les expressions
imagées, par leur nature, sont chargées d'implicite et constituent donc une
violation apparente de cette maxime. Les exemples sont multiples et variés;
!15
nous en évoquerons un seul, tiré de la nouvelle de P. Mérimée “Matéo
Falcone”. Fortunato ne répond pas directement aux questions posées ou même
les répète au lieu de répondre,.
- Bonjour, petit cousin, dit-il à Fortunato, comme te voilà grandi! As-tu vu
passer un homme tout à l'heure?
- Oh! Je ne suis pas encore aussi grand que vous, mon cousin, répondit
l'enfant d'un air niais.
- Cela viendra. Mais n'as-tu pas vu passer un homme, dis-moi?
- Si j'ai vu passer un homme?
Le dialogue continue sans que Fortunato réponde à la question posée, ce qui
laisse entendre qu'il sait quelque chose.
A ces quatre maximes de P. Grice, G. Leech a ajouté plus tard la maxime de
politesse21. Il est clair que si cette maxime n'est pas respectée, la conversation
provoque des sous-entendus.
En dialogue, on recourt très souvent à l'implicature. En fait, “en dialogue se
manifeste la communication vivante, bilatérale et dynamique où on accorde une
grande importance à la situation de parole, aux règles, aux stratégies et tactiques du
comportement communicatif des interlocuteurs”22. Les paroles dialogiques se
caractérisent par la simplicité de composition du point de vue de la structure d'une
langue. Les paroles dialogiques souvent expressives et chargées d'émotion entraînent
l'emploi des mots et expressions avec une valeur nominative faiblement exprimée à
cause de la valeur émotionnelle. Cela rend les paroles dialogiques pas tout a fait
explicites.
Pour interpréter l'énonciation indirecte le destinataire s'appuie sur les
connaissances suivantes:
1)
les connaissances du monde (c'est-a-dire, l'information générale);
21 Leech G. Principles of Pragmatics. L.; N.Y., 1983.
22 Kerbrat-Orecchioni C. Les actes de langage dans le discours. Théorie et fonctionnement. P.: Armand Colin, 2008. p.
76.
!16
2)
les connaissances des règles principales de coopération conversationnelle
et des principes de coopération;
3)
les connaissances des règles d'interaction verbale découlant des
conditions du succès de la parole;
4)
les connaissances des formes conventionnelles de la langue selon les
types des actes de parole indirects.
Ainsi, les actes de parole indirects sont liés avec les notions d'implicature et de
présupposition. L'implicature représente une partie intégrante de la langue. La langue
n'existe pas sans implicature parce qu'avant tout celle-ci est un système de mentalité
où de n'importe quelle énonciation on peut déduire une nouvelle énonciation.
L'implicature représente ce que le déstinataire veut faire savoir à l'interlocuteur.
L'implicature "découle" de la situation contextuelle qui n'est pas seulement celle
du locuteur, mais qui est commune à deux ou à plusieurs interlocuteurs. Elle est
étroitement liée avec la présupposition. Pendant que la présupposition anticipe
l'énonciation, sert d'une condition, détermine le contexte, l'implicature "découle" de
l'énonciation, en passant par "le filtre" du texte et s'incarne dans la conscience d'une
personne qui participe au dialogue.
§2.3. Les causes d'emploi des énoncés indirects
Les locuteurs recourent très souvent aux énonciations indirectes. Une phrase
peut exprimer simultanément le sens propre ainsi qu'un autre sens pragmatique, ce
qui contribue à leur large usage. Une autre raison de l'usage des énonciations
indirectes consiste à ce qu'elles peuvent changer le registre stylistique et émotionnel
des énoncés: rendre l'énonciation plus adoucie ou plus brutale.
En suivant le principe de politesse, l'énonciateur ne peut pas toujours exprimer
directement ses idées ou ses exigences. Le désir d'atteindre l'efficacité maximale de la
communication l'oblige souvent à renoncer aux paroles directes au profit des mots
couverts et du non-dit.
Ainsi; on peut désigner une série de raisons du large usage des actes de parole
!17
indirects:
1) L'observation du principe de politesse de G. Leech23 pour atteindre les
objectifs en évitant les situations de conflit et assurer le succès de la communication.
“Le désir d'atteindre l'efficacité maximale de la communication l'oblige (le locuteur)
à s'écarter du moyen de communication et d'expression directes des idées en faveur
des allusions et des implications”24 .
2) Les actes de parole indirects sont utilisés pour manipuler et argumenter la
parole du locuteur. “Par rapport à l'information qui est présentée explicitement dans
la parole, l'information implicite, d'habitude, reste inconsciente pour le destinataire;
elle agit en contournant les procès analytiques du traitement d'information. Par
conséquent, le destinataire n'est pas prédisposé à l'évaluer, la critiquer ou en
douter”25.
3) Pour éviter une question non-souhaitée qui n'est pas éthique dans la situation
de parole.
4) Le désir du destinataire de gagner du temps pour répondre à la question, en
répétant toute la question ou une partie qui n'a point d'information et n'est pas une
réponse.
5) L'impossibilité d'expliquer plusieurs attitudes à l'aide des actes de parole
directs (l'ironie, le sarcasme, la flatterie, l'allusion, etc.): “On ne peut pas être
sarcastique en utilisant les actes de parole directs parce que le sarcasme se base sur la
contradiction de ce qui a été dit et de la signification d'un énoncé dans la situation
donnée”26 .
6) La préservation de «la réputation positive» de l'énonciateur ainsi que de celle
du destinataire.
23 Leech G. Principles of Pragmatics. L.; N.Y., 1983.
24 Оганезова Т. С. Причины имплицирования информации в процессе коммуникации / Т. С. Оганезова //.
Вестник Ленинградского государственного университета им. А. С. Пушкина. Филология / ред. колл. : В. Н.
Скворцов, Л. М. Корбина, Н. В. Поздеева [и др.]. - 2011. - №4, т. 1. p. 187.
25 Рябова М.Ю., Головаш Л.Б. Тактика повторов и переспросов как прием стратегии уклонения от прямого
ответа / Вестник КемГУ. Выпуск №2. Кемерово, 2008. p. 38.
26 Бочкарев А.И. Коммуникативные условия реализации косвенных речевых актов / Известия Тульского
государственного университета. Гуманитарные науки. Выпуск 3. ТулГУ, Тула, 2012. p. 380.
!18
Selon la conception de P. Brown et S. Levinson27, n'importe quel acte de parole
peut “menacer la réputation” des interlocuteurs. Par exemple, “la réputation
positive” du destinataire est menacée par la critique, les reproches, les moqueries, le
sarcasme, et “la réputation positive” de l'énonciateur menacée par l'autocritique,
l'excuse. Dans ces cas, on utilise les actes de parole indirects.
7) Le désir du destinataire d'éviter de répondre. L'utilisation des actes de parole
indirects aide le destinataire non seulement à éviter de répondre directement, mais
aussi à “ne pas ignorer la réplique émise par l'énonciateur, sans violer le principe de
la coopération de Grice”28.
8) L'ambiguïté des actes de parole indirects est utilisée dans différents buts: pour
la création de l'effet comique, pour le rejet de ses paroles en cas de non-exécution de
ses engagements ou si la demande du destinataire a amené à quelques conséquences
indésirables.
9) Le désir de l'émetteur de donner à ses paroles une expressivité
supplémentaire.
10) L'économie des moyens d'expression.
Ainsi, un acte de parole indirect transmet à la fois deux idées: celle qui est
exprimée explicitement et celle que l'interlocuteur déduit lui-même en tenant compte
des présupposés.
§2.4. La traduction de la stratégie évasive
Les actes de parole indirects réalisent la stratégie évasive: “...elle permet
d'éviter de répondre immédiatement à la question du locuteur, de cacher le vrai sens
de la réplique ou éviter totalement la réponse directe”29. La traduction doit assurer la
27 Blanchet Ph. La pragmatique d'Austin à Goffman. P.: Bertrand-Lacoste, 1995.
28 Бочкарев А.И. Коммуникативные условия реализации косвенных речевых актов / Известия Тульского
государственного университета. Гуманитарные науки. Выпуск 3. ТулГУ, Тула, 2012. p. 382.
29 Власян Г.Р. Стратегия уклонения от прямого ответа в конверсационном дискурсе [Текст] / Г. Р. Власян //
Вопросы когнитивной лингвистики. - 2013. - № 4. p. 78.
!19
compréhension du texte originel ainsi que produire l'effet pragmatique désiré par son
auteur. L'implication suppose la conservation des composantes implicites de
l'énonciation non-exprimées. Celle – ci “dépend de la capacité d'établir des liens entre
le sens général et l'implicature. C'est une qualité propre à tous les hommes. Mais les
possibilités d'expliciter diffèrent selon l'évidence de tels liens pour les
interlocuteurs et/ou les connaissances de tels liens dans les systèmes de pensée des
récepteurs de l'original et de la traduction”30.
Ne sachant pas les présuppositions on ne peut pas comprendre l'énonciation.
Pour assurer la pertinence de la perception en l'absence de telles compétences
générales, il convient d'expliquer le texte à l'aide de modifications, de paraphrases, de
synonymes, de concrétisation de la signification etc.31. La perte de certaines
composantes de l'implicite est provoquée par 1) la non-pertinence de l'information
implicite dont certaines composantes peuvent être omises en faveur du sens général
de l'énoncé; 2) les conditions de l'acte de parole qui rendent l'implicite difficile ou
inutile à transmettre; 3) l'incapacité du traducteur de reconnaître et d'exprimer
l'implication du texte originel, l'utilisation de la traduction littérale, les fautes de
traduction32 .
30 Кашичкин А.В. Имплицитность в контексте перевода. [Электронный ресурс]: Дис. ... канд. филол. наук: 10.02.20.-
М.: РГБ, 2003. p. 84.
31 Ibidem, p. 132.
32 Ibidem, p. 113.
!20
III. Les implicatures dans le couple “question-réponse” et leur
traduction
L'analyse des actes de parole indirects tirés des différentes pièces des auteurs
français avec leurs traductions en russe, permet de conclure que pour telles ou telles
raisons, les interlocuteurs posent souvent des questions indirectes ou donnent des
réponses indirectes. On trouve quatre cas de figure suivants dans le couple questionréponse:
1)
Question directe suivie d'une réponse indirecte
2)
Question indirecte suivie d'une réponse indirecte
3)
Question indirecte suivie d'une réponse directe
4)
Question directe suivie d'une réponse directe
Comme on s'intéresse principalement aux énoncés indirects, on va envisager les
trois premiers types de rapport. Il faut souligner que dans les réponses indirectes , on
trouve souvent des phrases interrogatives. Donc, l'interrogation peut être considérée
comme le moyen privilégié d'exprimer un énoncé indirect.
§3.1. Les interrogations indirectes
Parmi les actes de parole indirects les plus courants sont les interrogations et les
réponses indirectes. La structure des interrogations indirectes leur permet d'exprimer
un grand nombre d'illocutions. C'est pourquoi elles présentent un intérêt pour la
pragmatique linguistique. Tandis que les interrogations directes expriment une simple
demande de l'information, les interrogations indirectes sont utilisées pour différentes
fonctions communicatives. Dans différentes situations de parole, elles comportent
divers contenus communicatifs. Par exemple, un acte de parole indirect “Pourriezvous me dire où est la situation du métro, s'il vous plaît?” exprime une demande sous
forme de question.
Les interrogations indirectes peuvent exprimer les sentiments, l'humeur,
l'attitude envers le destinataire et ses actions, tout en les évaluant. Pour trouver
!21
l'implicature il convient d'analyser la situation de parole et les présuppositions des
interlocuteurs. D'habitude, dans les interrogations indirectes on peut remarquer la
présence d'une émotion ou d'une appréciation. Dans la plupart des cas, cette
appréciation est négative, probablement parce que l'interrogation indirecte sousentend
souvent le désaccord, la désapprobation, la méfiance.
Rudi Conrad, le linguiste allemand, s'intéressait beaucoup à l'utilisation des
propositions interrogatives en tant que des acts de parole indirects. Dans ses travaux33
il développe l'idée que le sème interrogatif de la question se conserve dans tous les
cas, mais la compréhension de la proposition interrogative se passe à un autre niveau
sur la base des différentes données linguistiques et extra-linguistiques. Le sens
devient dépendant de l'ensemble des données et il est déduit à l'aide des opérations
supplémentaires.
§3.2. Les clichés de parole comme réponses indirectes
Ce modèle de structure est très fréquent en français, y compris dans la langue de
théâtre. On trouve même de multiples clichés de parole dont le sens est consacré par
l'usage: ils expriment le désaccord ou l'objection plus ou moins catégoriques.
Souvent ces clichés contient le verb “vouloir” à la forme interrogative.
(1) Dans la pièce de Françoise Sagan “La robe mauve de Valentine” le fils de
Marie, Serge, attire de plus en plus l'attention de Valentine. Elle tombe amoureuse de
lui et ne peut pas résister à ses charmes. Ils deviennent amants. Marie, la soeur de
Valentine, ne se doute encore de rien parce qu'elle a été très occupée par son procès
intenté à la maîtresse de son mari décédé.
(Rentre Valentine, par la porte de droite.)
Marie: Tu es là? Que faisais-tu dans la chambre de Serge?
Valentine: Rien. Je regardais ses maquettes. Alors?
33 Конрад Р. Вопросительные предложения как косвенные речевые акты / Новое в зарубежной лингвистике.
Выпуск XVI. М., изд-во «Прогресс», 1985.
!22
Marie: Alors, ma petite Valentine, nous avons gagné. Embrasse-moi. Demain
nous déménageons. Fini l'Acropole.
Valentine: Mon Dieu, comme je suis contente... Serge, Serge... (Il s'encadre dans
la porte.)
Marie: Tu étais là aussi?
Serge: Où voulais-tu que je sois?
Marie: Le procès est gagné. Embrasse-moi.
(Из правой двери появляется Валентина.)
Мари: Ты здесь? Что ты делала у Сержа?
Валентина: Ничего. Смотрела его эскизы. Ну и что?
Мари: А то, Валентиночка, что мы выиграли. Целуй меня. Завтра мы
переезжаем. Конец "Акрополю"!
Валентина: Боже мой, как я рада... Серж, Серж.
(В дверях появляется Серж.)
Мари: Ты тоже там был?
Серж: А где же мне еще быть?
Мари: Процесс выигран. Целуй меня.
La question indirecte de Serge est une des phrases-clichés exprimant l'objection
contre la présupposition de la locutrice: “Tu ne devais pas être là”. Dans ce type de
clichés, le verbe “vouloir” a partiellement perdu sa valeur sémantique, mais il
souligne la subjectivité des présupositions de l'interlocuteur. La traduction russe,
conformément aux règles de la langue, ne comporte pas de verbe “хотеть”.
(2) Adressons-nous à un exemple tiré de la pièce de Françoise Sagan “Un piano
dans l’herbe”. Maud, femme seule d'âge moyen, a décidé de faire resurgir les
souvenirs de sa jeunesse. Elle a rassemblé chez elle ses vieux amis, en essayant de
recréer l'atmosphère de ces jours-là. Elle propose divers amusements de leur
jeunesse, mais ses amis les trouvent bizarres et ne veulent pas y participer. Un vieil
!23
ami, Jean-Louis, que Maud avait aimé auparavant, arrive. Elle veut savoir s'il avait
pensé à elle pendant toutes ces années.
Jean-Loup: Les affaires, mon vieux, les affaires...
Maud: Et tu ne penses plus qu’à ça?
Jean-Loup: A quoi veux-tu que je pense?
Жан-Лу: Дела, старик, дела.
Мод: Ты теперь думаешь только о делах?
Жан-Лу: А о чем еще ты мне прикажешь думать?
Maud pose une question indirecte. En rélité, elle ne veut pas savoir à quoi JeanLoup a pensé pendant toutes ces années, elle veut savoir s'il a pensé à elle, Maud, s'il
avait des sentiments pour elle. Cela implique “As-tu pensé à moi?”. Jean-Loup, ne
voulant pas décevoir Maud, utilise un cliché d'objection pour éviter une réponse
désagréable. Parce qu'il est évident qu'il n'a pas pensé à elle. Le verbe “vouloir” de la
phrase française est remplacé par le verbe russe “приказывать” qui a une connotation
plus négative: il ne met pas en relief ce que voulait Maud, mais ce qu'elle voulait que
fasse Jean-Loup. La variante de traduction “А о чем же мне думать?” est possible
également, mais elle ne comporterait pas la nuance indiquée plus haut. Le traducteur
a fait un bon choix.
(3) Dans la pièce “Château en Suède” de Françoise Sagan on voit la famille
Falsen. Sébastien habite dans la famille de sa soeur Eléonore qui est une nouvelle
femme d'Hugo, maitre du château, dont la femme légitime, Ophélie, a été déclarée
morte pour que Hugo puisse se remarier. Pendant que tous les habitants de la maison
se promènent, Ophélie quitte sa chambre, sans permission, pour jouer aux cartes
avec Sébastien. Elle disparait au moment où tout le monde arrive. Tout se passe si
vite qu'on surprend Sébastien seul dans la pièce avec les cartes à la main.
!24
Eléonore: Tu joues aux cartes tout seul?
Sébastien: Avec qui veux-tu que je joue?
Элеонора:Ты играешь в карты один?
Себастьен: А с кем ты хочешь, чтобы я играл?
Sébastien est déçu qu'on l'ait surpris dans une situation si étrange. Il y a un
élément comique parce qu'il couvre régulièrement les escapades d'Ophélie et sa soeur
doit être au courant. La réplique appartient à une série de phrases-clichés qui
expriment l'objection. Le verbe “vouloir” y est un élément qui souligne la subjectivité
de l'opinion du locuteur. Sébastien reproche à la locutrice de lui poser une telle
question. Dans la traduction russe, le verbe vouloir est gardé et traduit. Pourtant, on
aurait pu traduire autrement: “А с кем же мне играть?”, mais une telle réponse est
plus évasive, parce qu'elle peut évoquer un fait général.
Le caractère essentiel des clichés de parole est l'absence de la déduction
cognitive, parce que leur sens est consacré par l'usage. Grâce à ce fait, on pourrait
dire qu'ils sont en voie de perdre leur caractère indirect et tendent à devenir des actes
de parole directs, moyens conventionnels d'exprimer le désaccord.34
§3.3. La classification des implicatures
Dans différentes énonciations, les implicatures se distinguent par certaines
caractéristiques. Plusieurs linguistes ont essayé de les classifier. Nous concentrons
notre attention sur la classification des sens implicites faite par V. Komissarov35.
Cette classification est basée sur l'existence de certaines relations entre le sens
général de l'énoncé et son implicature. Selon la possibilité de déduire l'implicature à
34 Щерба Г.М., Боголюбова Л.И. Французский язык в свете теории речевого общения // Коллективная
монография. Раздел второй. Ситуация общения и язык. / под ред. Т.А. Репиной. - СПб: Санкт-Петербургский
государственный университет, 1992.
35 Комиссаров В. Современное переводоведение. Учебное пособие. - М.: ЭТС. - 2002.
!25
partir des éléments constitutifs du sens de l'énoncé, on distingue les implicatures
basées sur les présupposés linguistiques, c'est-à-dire celles qui sont liées au contenu
linguistique de l'énoncé (P.Grice les a appelées implicatures conventionnelles, terme
qui n'a pas été uneversellement adopté), et les implicatures contextuelles, déduites à
partir du contexte36 .
Les implicatures basées sur les présupposés linguistiques sont liées, comme il a
été déjà dit, au contenu linguistique de l'énoncé. Cela signifie que, premièrement, le
locuteur choisit délibérément les moyens linguistiques d'expression, et
deuxièmement, que ce sens “est déterminé principalement par des facteurs
linguistiques, c'est-à-dire par les significations linguistiques des éléments qui
composent l'énoncé”37 . Le sens implicite a le caractère régulier et a lieu dans les
énoncés similaires dans d'autres situations de parole. Exemple: “Je n'aime pas les
pommes” signifie “Je ne vais pas les manger” dans une situation où on en propose.
A la différence de celles-ci, les implicatures contextuelles sont déduites à partir
du contexte concret de l'énoncé, c'est-à-dire des paramètres de la situation. Dans ce
cas-là, le contenu linguistique de l'énoncé ne suffit pas à déduire l'implicature.
Exemple: “Puis-je allumer la lumière?” - “Je suis déjà au lit”, la dernière phrase veut
dire “Non”. D'habitude, le sens implicite contextuel est clair pour les interlocuteurs
lorsqu'ils font partie de la même situation de parole.
Dans notre analyse, on a affaire surtout aux implicatures contextuelles.
§3.4. Les réponses indirectes basées sur les présuppositions
linguistiques (conventionnelles)
Les réponses indirectes de ce type sont des actes de parole indirects qui
entraînent des implicatures.
Les implicatures de ce type dépendent uniquement du contenu linguistique de
l'énoncé. Le sens implicite déduit a le caractère régulier et a lieu dans les énoncés
36
Ibidem.
37
Ibidem.
!26
similaires dans d'autres situations de parole. C'est-à-dire qu'on peut déduire le sens
implicite et comprendre les implicatures sans consulter le texte intégral. Cela signifie
que ces implicatures ne dépendent pas du contexte.
Passons à l'analyse du corpus littéraire.
(1) L'histoire de la pièce “Les variations énigmatiques” d'Éric-Emmanuel
Schmitt tourne autour d'Abel Znorko, écrivain et prix Nobel de littérature vivant seul
sur une île de la mer de Norvège. Il pense à une femme avec laquelle il a correspondu
il y a longtemps. Erik Larsen, journaliste, vient interviewer l'auteur.
Erik Larsen: La première page dédie le livre à H.M. Qui est-ce?
Abel Znorko: Si je voulais qu’on le sache, j’aurais écrit le nom entier.
Erik Larsen: Ce sont les initiales de la vraie femme avec qui vous avez échangé
cette correspondance?
Abel Znorko: Hypothèse délirante.
Erik Larsen: Je ne vous crois pas.
Abel Znorko: Je m’en contrefous.
Эрик Ларсен: На первой странице книги стоит посвящение Э.М. Кто это?
Абель Знорко: Если бы я хотел, чтобы это стало известно, то написал
бы имя полностью.
Эрик Ларсен: Эти инициалы принадлежат реальной женщине, с которой вы
вели ту переписку?
Абель Знорко: Идиотское предположение.
Эрик Ларсен: Я вам не верю.
Абель Знорко: Да плевать я хотел.
C'est une implicature qui ne dépend pas du contexte, elle est basée uniquement
sur la connaissance de la grammaire et du lexique de la langue française (sur la
présupposition linguistique). Znorko veut dire “Je ne veux pas qu'on sache son
!27
nom” (l'implicature).
Les exemples de ce type d'implicature ne sont pas fréquents et l'implicature est
facile à déduire. Leur traduction ne pose aucun problème.
(2) Dans la pièce “Le diner de cons” de Francis Veber, Pierre Brochant, célèbre
éditeur, organise chaque semaine “le diner de cons”. On invite une personne, cible
de moqueries et on choisit le champion. Christine, la femme de Pierre, n'aime pas cet
amusement. Un jour, Pierre devient victime d'un tour de reins, il décide d'inviter son
nouveau “con” chez lui pour faire sa connaissance avant le diner. Christine est tout à
fait contre.
Christine: Tu as décommandé ton diner?
Pierre: Comment s'est passée ta journée?
Christine: Pas trop mal. Tu as décommandé ton diner?
Pierre: Non, pourquoi?
Christine: Comment, pourquoi? Tu t'es regardé?
Кристина: Ты отменил свой ужин?
Пьер: Как прошел твой день?
Кристина: Так себе. Ты отменил свой ужин?
Пьер: Зачем?
Кристина: Как, зачем? Посмотри на себя.
C'est une sorte de réponse évasive où le locuteur change brusquement le sujet de
la conversation. On voit ici une violation des maximes de Grice: celle de relation et
celle de manière. Pierre ne veut pas se disputer ni discuter ses dîners avec sa femme.
Il essaye d'éviter de répondre et fait semblant de ne pas avoir entendu la question de
Christine. Il répond par une question avec l'implicature: “je ne veux pas en parler”.
(3) Dans l'oeuvre “Huis clos” de Jean-Paul Sartre, il s'agit des conversations
entre Garcin (journaliste), Estelle (femme d'un vieux riche) et Inès (lesbienne). Ils
!28
sont tous morts et la pièce où ils se trouvent est leur enfer. Ils discutent de la mort, de
leurs péchés qui les ont amenés à l'enfer.
Garсin: M'aimeras-tu?
Estelle (souriant): Qui sait?
Garсin: Auras-tu confiance en moi ?
Estelle: Quelle drôle de question: tu seras constamment sous mes yeux et ce
n'est pas avec Inès que tu me tromperas .
Garсin: Evidemment .
Гарсэн: Ты будешь меня любить?
Эстель (улыбаясь): Кто знает?
Гарсэн: Ты будешь мне доверять?
Эстель: Смешной вопрос: ты всегда будешь у меня на глазах и ведь с
Инэс ты мне не изменишь.
Гарсэн: Верно.
A la question de Garcin si Estelle l'aimera, elle répond évasivement en utilisant
la réplique “Qui sait?”, une question rhétorique qui signifie “Je n'en sais rien”.
Ensuite, pour répondre si elle va avoir la confiance en lui, sa réplique “Quelle drôle
de question...” est aussi évasive parce que dans la chambre qui représente leur enfer il
n'y a qu'Estelle et la lesbienne Inès. A priori, Garcin ne pourra pas la tromper avec
une autre femme.
(4) Voici un exemple tiré de la pièce de Françoise Sagan “La robe mauve de
Valentine”. Marie s'installe à l'hôtel à Paris avec son fils Serge en attendant le
procès contre son mari. Sa soeur Valentine vient chez elle parce qu'elle a quitté sa
maison à cause de son mari qui la trompait avec une autre femme. Un jour, elle voit
Serge se préparant au rendez-vous avec sa bien-aimée, Laurence.
Valentine: Bon, bon. Je rangerai moi-même. (Il marche de long en large dans la
!29
pièce.) Dites-moi, mon petit Serge, pourquoi errer de la sorte? Finissez vos
maquettes en attendant, ou voulez-vous que je vous tienne la main? Etes-vous
nerveux? (Elle rit.)
Serge: Un homme est toujours nerveux quand il attend la femme qu'il aime,
non?
Valentine: Vous l'aimez?
Serge: Je le crois, oui.
Валентина: Хорошо, хорошо. Я сама приберу.
(Он ходит по комнате из угла в угол.)
Послушайте, Сержик, что вы мечетесь? Займитесь пока вашими эскизами.
Или мне вас подержать за руку? Что вы нервничаете? (Смеется.)
Серж: Мужчина всегда нервничает, когда ждет любимую женщину,
разве нет?
Валентина: А вы ее любите?
Серж: Думаю, что люблю.
Serge ne répond pas directement à la question de Valentine mais il utilise une
question rhétorique en mettant la situation dans le contexte général: chaque homme
est nerveux quand il attend sa bien-aimée. L'énoncé représente une réponse indirecte
ayant le sens imlicite “Bien sûr je suis nerveux”. Ce sens est basé sur la
présupposition linguistique (il suffit de connaitre la langue) et il peut être déduit
indépendamment du contexte. Le traducteur a bien rendu l'implicature de la réplique.
Le choix des termes russes est adéquat.
(5) Dans la pièce de Paul Claudel “Echange” Marthe, une jeune femme
française, quitte son pays et suit l'homme qu'elle aime en Amérique. Loin de ses
proches elle soutient toujours son mari et témoigne d'un vrai amour pour lui. Mais le
comportement et l'humeur de Louis ont changé depuis le début de leurs relations et
chaque jour Marthe devient de plus en plus inquiète car elle pense que son mari peut
la tromper.
!30
Marthe (plaintivement): M'aimes-tu, Laine?
Louis Laine: Toujours cette question que font les femmes!
Marte: Les femmes? Quelles femmes?
Louis Laine: Est-ce que tu n'es pas une femme aussi?
Marte: Une femme aussi? Il n'y a pas de femmes! Je suis malheureuse, Laine, je
suis jalouse, Laine! Et je voudrais toujours être avec toi!
Марта: Ты меня любишь, Лен?
Луи Лен: Женщины вечно спрашивают одно и то же.
Марта: Женщины? Какие женщины?
Луи Лен: Ты тоже женщина, разве нет?
Марта: Тоже женщина? Никаких женщин нет! Мне плохо, Лен, я ревную,
Лен! Я хочу быть с тобой!
Marthe est très inquiète et triste, elle comprend que l'attitude de son mari envers
elle a changé. Elle veut savoir s'il l'aime toujours. Mais son mari garde un ton froid, il
ne répond pas à la question de Marthe, et met la situation dans le contexte général:
chaque femme veut savoir cela. La maxime de relation de Grice est violée, la réponse
comporte l'implicature: “J'en ai marre, je ne veux pas répondre”.
On voit que, pour donner lieu à une implicature, on emploie des questions en
guise de réponse (exemples 2 et 3), on recourt aux généralisations (exemples 4 et 5),
on souligne un élément de la situation de parole (exemple 3).
§3.5. Les implicatures basées sur les présupposés contextuels
!31
Le sens implicite contextuel d'une réplique dépend des paramètres du contexte.
Cela signifie que si on introduit la même réplique dans d'autres situations de parole,
son sens change aussi.
En étudiant les pièces de théâtre françaises nous avons découvert que ce sont
surtout F. Sagan et E.-E. Scmitt qui privilégient les sens implicites dépendant des
paramètres de la situation de parole. Nous allons d'abord envisager les exemples tirés
des pièces de F. Sagan, ensuite ceux tirés des œuvres d'E.-E. Schmitt.
(1) Louis, un des anciens amis de Maud dans la pièce de Françoise Sagan “Un
piano dans l’herbe” est très sarcastique. Il fait la connaissance de la jeune femme
d'Henri qui s'appelle Isabelle.
Isabelle: Et vous, qu'est-ce que vous faites dans la vie?
Louis: Je bois.
Isabelle: Mais comme métier?
Louis: C'est un métier, mon chou.
Изабель: Чем вы чем занимаетесь?
Луи: Я пью.
Изабель: Нет, в смысле профессии?
Луи: Это тоже профессия, деточка.
On apprend que Louis a eu pas mal de souffrances et il préfère ne pas parler de
sa vie privée. Il ne répond pas ouvertement aux questions d'Isabelle parce qu'il la juge
trop jeune et superficielle. Louis l'appelle “mon chou” et sa réponse au sujet du
métier d'ivrogne implique: “Je ne veux pas parler de ma vie”. Le mot russe “деточка”
témoigne de la condescendance de Louis envers son interlocutrice. C'est une nuance
!32
très juste et le mot “деточка” est une vrai travaille du traducteur. Il aurait pu
employer le mot “милочка”, mais le mot “деточка” convient mieux pour désigner
une personne très jeune.
(2) On peut citer un autre exemple tiré de la pièce de Françoise Sagan “La robe
mauve de Valentine”. Serge a un rendez-vous avec Laurence, sa bien-aimée.
Valentine qui habite depuis quelque temps chez sa soeur s'intérresse de plus en plus à
Serge.
Marie: Où est parti Serge?
Valentine: Il avait rendez-vous avec Laurence.
Marie: Ah!... qu'en penses-tu?
Valentine: De quoi?
Marie: De Laurence.
Valentine: Elle a l'air charmante.
Мари: <...> Куда ушел Серж?
Валентина: У него свидание с Лоранс.
Мари: А! Что ты об этом думаешь?
Валентина: О чем?
Мари: О Лоранс.
Валентина: На вид она очаровательна.
Valentine qui s'intéresse à Serge ne veut pas avouer qu'elle est jalouse de
Laurence, mais son compliment trahit sa jalousie. Dans la traduction, ce sont les mots
“на вид” qui la trahissent. Cela implique que la réalité diffère de l'apparence. Le
!33
traducteur a bien rendu le sens de la réplique et l'implicature qui en découle:
Valentine est jalouse.
(3) Un autre exemple tiré de la pièce de Françoise Sagan “Château en Suède”
présente Frédéric, un beau jeune homme, hôte chez les Falsen qui devient amant
d'Eléonore. Il ne cache pas ses sentiments même devant son mari Hugo. Il veut
qu'Eléonore quitte le château avec lui. Hugo commence à sentir le danger réel et
décide d'agir.
Hugo: Heureusement, Eléonore est Eléonore, et vous êtes Frédéric. Elle ne
vous aimerait donc jamais.
Frédéric: Et pourquoi?
Hugo: Vous espériez peut-être qu’il en serait autrement? (Il devient
menaçant.)
Хьюго: К счастью, Элеонора остается Элеонорой, а вы Фредериком. Она
вас никогда не полюбит.
Фредерик: А почему?
Хьюго (очень громко, его голос становится угрожающим): Вы, может
быть, надеетесь на что-то иное?
Grâce à la comparaison d'Eléonore et de Frédéric, Hugo veut dire que Frédéric
n'est pas à sa hauteur. La simple question de Frédéric est assez ironique parce qu'ils
sont déjà amants avec Eléonore. Il énerve Hugo qui est assez jaloux. Ensuite, on
déduit de la deuxième réplique de celui-ci son mépris profond pour Frédéric.
L'illocution de sa réplique est une menace. La question de Hugo qui comprend
finalement qu'il y a un danger pour sa famille, implique “Только посмейте
надеяться на что-то еще со стороны моей жены!” ce que le traducteur a rendu
conformément au texte original.
!34
(4) Dans cet exemple tiré également de la pièce de Françoise Sagan “La robe
mauve de Valentine”, il s'agit d'une conversation entre Valentine et son neveu Serge.
Serge ne résiste pas au charme de sa tante et tombe amoureux d'elle. Valentine à son
tour prétend être innocente.
Serge: Riez. Riez encore. Parlez-moi de vos tulipes bleues. De mon menton,
puisqu'il vous plaît. De vos décalcomanies à Monte-Carlo. N'avez-vous
vraiment jamais trompé votre époux?
Valentine: J'ignore ce mot: tromper.
Serge: Valentine... J'aurai une voiture de sport quand même. Je serai un génie un
jour sur deux Le premier, j'aurai une barbe, les yeux battus, je vous arracherai
votre robe mauve, je vous peindrai des soleils, des arcs-en-ciel sur tout le corps.
<...>
Valentine: Ne criez pas. Viens ici. (Il s'assied près d'elle.) Oui, j'ai failli faire des
sottises avec toi, cet après-midi. Oui, c'est une sottise. Oui, tu me plais. Tu es
comme un chat: tu giffres, tu es méchant, puis tu deviens tendre et chaud comme
un homme épris. Et Florence?
Serge: Florence?
Valentine: Ton amie?
Serge: Laurence.Eh bien, Laurence?
Valentine: Tu l'aimes, non, Laurence?
Serge: J'ignore ce mot: tromper.
Серж: Смейтесь. Еще смейтесь, И говорите мне о голубых тюльпанах. О
моем подбородке, поскольку он вам нравится. О переводных картинках
в Монте-Карло. Вы никогда не из меняли своему мужу?
Валентина: Я не знаю, что значит изменять.
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Серж: Валентина... У меня все-таки будет спортивная машина. И по
четным дням я буду гением. У меня будут небритые щеки, круги под
глазами, я буду срывать с вас сиреневое платье и рисовать на вашей
коже солнца и радуги.
<...>
Валентина: Не кричите. Иди сюда.
(Он садится рядом с ней.)
Да, я чуть было не потеряла голову. Да, ты мне нравишься. Ты – как
котенок - царапаешься, кусаешься, а потом ластишься и горячишься,
как влюбленный мужчина. А Флоранс?
Серж: Флоранс?
Валентина: Да, твоя приятельница,
Серж: Лоранс. При чем тут Лоранс?
Валентина: Ты ведь ее любишь?
Серж: Мне кажется, да.
Валентина: И ты хочешь ей изменить?
Серж: Я не знаю, что значит изменять.
La réplique de Valentine est évasive car on sait qu'elle trompait souvent son
mari. Serge, son neveu, à son tour répond indirectement à la question de Valentine.
Les interlocuteurs, donnant des réponses évasives, agissent contrairement aux
principes de communication formulées par P. Grice. Leur conversation ressemble à
un jeu de paroles qui cachent la vérité.
La traduction de la dernière réplique ne nous semble pas heureuse parce que les
interlocuteurs parlent du mot “tromper” et non pas de l'action de tromper. A la
réplique “J'ignore ce mot: tromper” correspond la phrase russe “Я не знаю такого
!36
слова «изменять»”.
Passons aux exemples trouvés dans les pièces d'E.-E. Schmitt.
(1) Dans la pièce «Petits crimes conjugaux» d'Éric-Emmanuel Schmitt, Gilles
perd la mémoire à cause d'un accident. Lisa, sa femme depuis 15 ans, l'emmène chez
eux et parle de leur vie commune. Elle parle des passions et des habitudes de Gilles
pour reconstruire ses souvenirs. Mais Gilles comprend que Lisa n'est pas tout à fait
sincère et il veut découvrir la vraie raison de son amnésie.
Gilles: Tu me dois la vérité, Lisa. Que s’est-il passé?
Lisa: Quand?
Gilles: Le soir où je suis tombé. Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à me
rappeler ce moment-là?
Lisa réfléchit avant de répondre. Une fois décidée, elle adopte un ton froid.
Lisa: Parce que ça t’arrange, sans doute.
Gilles: Pardon?
Lisa: Tu dois tirer un bénéfice de l’oubli.
Gilles: Est-il arrivé quelque chose d’horrible?
Lisa: Horrible?… Oui.
Gilles: Quoi?
Lisa: Si ton cerveau a choisi de l’oublier, c’est pour t’épargner la vérité.
Pourquoi te l’apprendrais-je? C’est sans doute mieux ainsi.
Жиль: Ты должна мне сказать правду, Лиза. Что же все-таки произошло
Лиза: Когда?
Жиль: В тот вечер, когда я упал. Почему я никак не могу вспомнить, как
это произошло?
!37
Лиза задумчиво молчит. Наконец решившись, произносит ледяным тоном.
Лиза: Потому что это тебя устраивает.
Жиль: Я не понимаю, о чем ты?
Лиза: Ты должен извлечь выгоду из твоего забытья.
Жиль: Значит, случилось нечто ужасное?
Лиза: Ужасное?.. Да.
Жиль: Что именно?
Лиза: Если твой мозг предпочел забыть, так это чтобы уберечь тебя от
правды. Зачем же мне ее тебе открывать? Пусть все останется как
есть.
Lisa, en utilisant toute une série des réponses évasives, ne répond pas
directement aux questions de son mari. Cela semble un peu étrange que la femme de
Gilles ne veuille pas lui raconter les circonstances de l'accident. Elle dissimule le fait
qui a provoqué l'amnésie de Gilles sous prétexte que cela peut le troubler. Par la suite,
on saura que c'est elle qui a frappé Gilles, mais sur le moment, elle cache la vérité et
grâce aux réponses évasives qu'elle utilise nous pouvons déduire le sens implicite
dépendant de la situation de parole: “Je ne veux rien dire!”. La traduction en russe
porte le même sens implicite contextuel et rend bien cette implicature: “Я ничего не
скажу!”. Une réponse pareille fait penser plutôt à la culpabilité de Gilles, ce qui était
l'intention de Lisa. Sans les présupposés, on ne peut pas deviner son intention.
(2) L'“Hôtel de deux mondes” décrit dans la pièce d'Éric-Emmanuel Schmitt est
un lieu entre la vie et la mort où l'on décide du futur des êtres qui y arrivent. Julien
est un nouveau client et le Docteur S. (une femme) l'accompagne.
Le Docteur S.: Je ne vous juge pas, je fais votre bilan. (Elle croise les jambes.)
Julien (la regardant avec désir et étonnement): Si j'avais pu imaginer que ma
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mort aurait de belles jambes...
Le Docteur S.: Vous essayez de me séduire?
Julien: Qu'est-ce qu'on gagne? Qu'est-ce qu'on perd?
Le Docteur S.: Ne prenez pas ces manières avec moi. Votre dossier mentionne
que vous avez couru frénétiquement les femmes...
Julien: Elles courent vite.
Доктор С.: Я не осуждаю вас, я делаю заключение. (Садится нога на ногу.)
Жюльен (смотрит на нее с вожделением и удивлением.): Не мог даже
себе представить, что у моей смерти будут такие красивые ноги...
Доктор С.: Вы пытаетесь меня соблазнить?
Жюльен: Что мы теряем? Или выигрываем?
Доктор С.: Со мной это не пройдет. В вашем досье указано, что вы как
безумный бегали за женщинами...
Жюльен: Они быстро бегают.
Grâce à la présupposition, on sait que Julien était un “Don Juan”. Dès le début,
sa première réplique contient le sens implicite “Vous me plaisez, Docteur S.!”.
Ensuite, viennent les questions en guise de réponses qui sont plutôt rhétoriques, et qui
font déduire clairement l'implicature: “Pourquoi pas?”. Le traducteur reprend le jeu
de Julien en utilisant les questions rhétoriques et il rend bien la même implicature:
“Почему бы и нет?”.
Voyons encore deux exemples tirés de la même pièce.
(3) Voici un dialogue de la pièce d'Éric-Emmanuel Schmitt “Frédérick ou le
boulevard du crîme” entre Frédérick et l'une des actrices du second plan qui
s'appelle Précieuse. Plusieurs hommes lui font la cour et elle passe le temps avec eux
en déhors du théâtre.
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Frédérick: <...> Où étais-tu, cet après-midi?
Précieuse: Chez mon professeur de chant. Et toi?
Frédérick: Mais… chez mon professeur de chant.
Précieuse: Je ne te crois pas.
Frédérick: Moi non plus. C’est curieux comme les professeurs de chant ne sont
pas crédibles, cette saison.
<…>
Précieuse: <...> Et toi, tu ne m’as pas répondu. Où étais-tu, cet après-midi?
Frédérick: Chez mon professeur de chant, t’ai-je dit.
Précieuse (sceptique): Tu as une belle voix mais tu chantes faux comme un
évier.
Frédérick: Justement, tu imagines le travail que ça lui donne.
Фредерик: А где ты была во второй половине дня?
Красотка: У моего учителя пения. А ты?
Фредерик: Я...У моего учителя пения.
Красотка: Я тебе не верю.
Фредерик: Я тебе тоже. Странно, но в этом сезоне учителя пения
совершенно не вызывают доверия.
<...>
Красотка: <...> Да ведь ты мне так и не ответил. Где ты был сегодня после
обеда?
Фредерик: Я же тебе сказал: у моего учителя пения.
Красотка (скептически): У тебя прекрасный голосок, но споешь ты
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фальшиво.
Фредерик: В том то и дело. Представляешь, сколько ему приходится со
мной работать.
Frédéric connait bien Précieuse. Pour ne pas répondre à sa question, Frédérick
commence un jeu de mots, en répondant par la même réponse qu'utilise Précieuse:
“(J'étais) chez mon professeur de chant”. Frédéric pense qu'elle était avec un amant.
Le sens implicite des répliques analogues est “Je ne te crois pas”. Le traducteur garde
le jeu de mots en conservant exactement les mêmes questions et les mêmes réponses
des interlocuteurs ce qui permet de tirer les mêmes implicatures dans la version russe.
La traductrice a préféré traduire le nom propre de l'actrice ou son pseudonyme
par le mot russe Красотка , mais cette traduction ne semble pas avoir la même
implicature, voulue par l'auteur de la pièce, que le mot français Précieuse.
(4) Adressons-nous maintenant au dialogue entre le directeur du théâtre Harel
et le dramaturge Cussonnet à propos d'une nouvelle pièce qu'il a écrite. Les hommes
discutent le choix de l'actrice pour le principal rôle féminin.
Harel: <...> Pour la jeune première, je propose Mlle George, naturellement
Cussonnet: Mlle George!
Harel: Oh, regardez-le, il est ému! Eh oui! Mlle George, la grande Mlle George!
Cussonnet: Mais mon héroïne a vingt ans! Et Mlle George…
Harel: Ne soyez pas grossier avec les dames. Mlle George a l’âge qu’elle veut.
Surtout de loin. Et je l’ai sous contrat pour deux ans. <...> À bientôt, cher ami.
Quel talent, non mais quel talent! (Tout à coup, Cussonnet, dans un sursaut de
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courage, s’exclame.)
Cussonnet (s’arrêtant): Monsieur!
Harel: Oui.
Cussonnet: Je… je… avez-vous lu ma pièce?
Harel: Moi ? (Il revient vers l’auteur, outré, rouge de colère.) Moi, si j’ai lu
votre pièce ? Me demander cela à moi, Harel ! Ah, nom de Dieu!
Cussonnet (reculant, confus): Pardonnez-moi!
Гарель: <...> Молодую героиню сыграет, разумеется, Мадмуазель Жорж.
Му де Звон: Мадмуазель Жорж!
Гарель: Глядите, как разволновался! Ну да! Мадмуазель Жорж, великая
Мадмуазель Жорж!
Му де Звон: Но моей героине двадцать лет! А Мадмуазель Жорж…
Гарель: Не следует грубить дамам. Мадмуазель Жорж столько лет, сколько
она хочет. Особенно издалека. И у меня с ней контракт на два года. <...> До
скорой встречи, дорогой друг. Какой талант, нет, вы только подумайте,
какой талант!
(Внезапно, в порыве мужества Му де Звон восклицает.)
Му де Звон (останавливаясь): Сударь!
Гарель: Да.
Му де Звон: Я…я… вы читали мою пьесу?
Гарель: Я? (возвращается к драматургу, оскорбленный, красный от
гнева.) Читал ли я вашу пьесу? Спрашивать это у меня, Гареля? Ах,
черт подери!
Му де Звон (отступает в смущении): Извините меня!
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On dit toujours que la meilleure défense, c'est l'attaque. Dans cette situation de
parole, la présupposition est que Harel ne veut pas avouer qu'il n'a pas lu la nouvelle
pièce de Cussonnet. Le directeur du théâtre est indigné, ce que montrent ses questions
rhétoriques. Sa réponse évasive a l'air d'une réaction émotionnelle négative. Harel
répond très rudement au lieu de dire la vérité. Le sens implicite déduit du contexte est
“Comment peux-tu me demander ça?”. La réponse de Harel dans la traduction russe
implique aussi sa réaction négative. La série de questions rhétoriques exprimant
l'indignation du directeur conduit à l'implicature: “Je n'ai pas lu la pièce”. Seule la
traduction du nom propre du dramaturge (Cussonet) ne semble pas convenable.
Il n'y a pas que F. Sagan et E.-E. Schmitt qui emploient des expressions
indirectes aux implicatures contextuelles. Nous en avons trouvé aussi chez P. Claudel.
En voici un exemple.
Dans la pièce de Paul Claudel “Echange” Marthe et Louis Laine habitent en
Amérique sur un terrain qui appartient à Thomas Pollock Nageoire, homme
d’affaires américain. Thomas est attiré par Marthe et il est même prêt à acheter son
amour. Cet homme, ainsi que sa femme, déplaisent à Marthe. La patrie lui manque
mais elle ne veut pas quitter son mari. Un jour, la femme de Thomas raconte à
Marthe qu'ils sont amants avec Louis Laine. Louis Laine le confirme. Marthe est
complètement déçue. Et en ce moment, arrive Thomas Pollock Nageoire qui lui fait la
cour.
Thomas Pollock Nageoire: Good night, Madame. Bonne nuit. Ne vous dérangez
pas. Restez assise.
!43
Marthe: Me permettez-vous de m'asseoir? (Elle se rassied)
Thomas Pollock Nageoire: Qu'est-ce que cela veut dire? (Il la regarde)
Marthe: Une belle nuit, Monsieur.
Томас Поллок Нажуар: Good night, сударыня. Доброй ночи. Не вставайте,
прошу вас. Сидите.
Марта: Вы мне позволяете сесть? (Садится)
Томас Поллок Нажуар: Что всё это значит? (Смотрит на нее)
Марта: Сударь, прекрасная ночь.
Les deux réponses sont des actes indirects d'appréciation négative de la
situation. La première implique que Thomas est le maitre, tout lui appartient et peutêtre elle aussi, parce qu'elle habite sur son terrain. Et la deuxième souligne le refus de
Marthe de lui répondre. La traduction est faite très près du texte originel, ce qui
permet de rendre toutes les implicatures.
§3.6. La question indirecte suivie d'une réponse indirecte
Dans les deux paragraphes qui suivent, on va concentrer l'attention sur les
implicatures contextuelles, plus difficiles à déduire et plus intéressantes.
Ce cas de figure – question indirecte au commencement du dialogue - nécessite
une explication préalable: ne sachant pas les évènements précédant l'épisode (les
présupposés situationnels), on ne peut pas dire si la question posée est directe ou
indirecte.
Ainsi, dans l'épisode qui suit, la question posée par Gilles peut sembler directe.
Mais sachant que Lisa a avoué que c'était elle qui a frappé son mari, on comprend
que Gilles veut savoir les raisons de sa conduite. La question qu'il pose: “Tu as pensé
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que j'étais avec une autre femme?” en implique une autre “Pourquoi m'as-tu frappé?”.
En posant la même question trois fois de suite, Gilles, en fait, lui suggère une
explication plausible et même pardonnable.
(1) Dans la pièce d'Eric-Emmanuel Schmitt “Petits crimes conjugaux”, Lisa
raconte à Gilles la cause et les circonstances de son amnésie. Il s'agit d'une soirée où
elle était seule à la maison en attendant Gilles, elle a beaucoup bu. Elle a pensé que
Gilles la trompait, qu'il avait une autre femme. Quand Gilles est rentré, elle était
complètement ivre, elle s'est cachée et l'a frappé avec une bouteille vide.
Gilles: Tu as pensé que j’étais avec une autre femme?
Lisa (prenant un air fermé): Ça ne me regarde pas.
Gilles: Tu as pensé que j’étais avec une autre femme?
Lisa: Tu fais ce que tu veux, je ne tiens pas à le savoir.
Gilles: Tu as pensé que j’étais avec une autre femme?
Lisa: Nous sommes un couple libéral, tu vas où tu veux, moi aussi, nous ne
reviendrons pas là-dessus.
Gilles: C’est donc bien ce que tu as pensé!
Lisa: Ah ! je t’en prie, n’essaie pas de me faire croire que j’étais jalouse.
Gilles: Mais si, soyons simples : tu étais jalouse.
Жиль: Ты думала, что я был с другой женщиной?
Лиза (сухо): Меня это не касается.
Жиль: Ты думала, что я был с другой женщиной?
Лиза: Ты можешь делать, что хочешь, мне об этом знать не
обязательно.
Жиль: Ты думала, что я был с другой женщиной?
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Лиза: У нас вполне либеральная семья, ты ходишь куда тебе
заблагорассудится, я тоже, зачем говорить об этом.
Жиль: Значит, ты именно так и подумала?
Лиза: Ах, оставь, пожалуйста, не пытайся меня убедить, что я сходила
с ума от ревности.
Жиль: Но это именно так, признайся же: ты просто приревновала.
C'est la jalousie qui a poussé Lisa à frapper Gilles, mais aussi le fait qu'elle a
beaucoup bu le soir où Gilles, en rentrant, a reçu ce coup de Lisa et a perdu la
mémoire. Gilles est prêt à la pardonner pourvu qu'elle avoue la raison qu'il devine luimême.
Le traducteur a été à la hauteur de sa tâche, toutes les nuances et les implicatures
sont présentes dans la traduction.
(2) Dans une autre pièce d'Eric-Emmanuel Schmitt “Les variations
énigmatiques”, le célèbre écrivain Abel Znorko comprend qu'Erik Larsen, journaliste
qui est venu l'interviewer, est en réalité le mari de la femme qu'il avait aimée luimême et avec laquelle il avait correspondu pendant des années.
Erik Larsen: Vous écoutiez les Variations énigmatiques lorsque je suis
arrivé?
Znorko: Vous voulez aussi savoir ce que j’ai mangé?
Erik Larsen: C’est elle qui vous les a offertes?
Abel Znorko: Écoutez, foutez-moi la paix! Cocu et complaisant, vous êtes déjà
bien lardé, vous feriez mieux de vous taire.
Эрик Ларсен: Когда я пришел, вы слушали "Загадочные вариации"?
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Абель Знорко: Может вы еще хотите знать, что я ел?
Эрик Ларсен: Вам их подарила она?
Абель Знорко: Послушайте, убирайтесь к черту! И рогоносец, и
доброжелатель, у вас и так полный набор, так не лучше ли вам помолчать.
La question que pose Erik Larsen est indirecte parce que Znorko écoutait le
disque préféré de la femme qu'ils avaient aimée tous les deux. En posant sa question,
Larsen lui laisse entendre qui il est.
La réponse brusque de Znorko n'est rien d'autre que l'appréciation négative du
comportement d'Erik Larsen. Car grâce au contexte on sait que cette femme est
devenue finalement la femme d'Erik Larsen et a fini de correspondre avec Znorko.
Maintenant c'est seulement ce disque qui la lui rappelle.
D'autres dramaturges français aiment également employer dans leurs pièces de
théâtre des questions et autres expressions indirectes qui doivent attirer l'attention
des spectateurs et les pousser à réfléchir pour trouver le sens profond de certaines
répliques.
Ainsi, Yves Jamiaque utilise largement des énoncés indirects. Dans ce
paragraphe, nous en donnons un exemple.
(3) Examinons l'exemple suivant tiré de la pièce d'Yves Jamiaque “Acapulco,
madame!”. Un matin Nat, une jeune femme au foyer, reçoit un appel étrange d'un
homme inconnu qui lui propose de partir avec lui pour Acapulco. Elle oublie bientôt
cet appel. Cependant, en comprenant que ses proches ne lui font aucune attention,
elle essaye d'utiliser cette proposition et donne à entendre qu'elle va partir pour
Acapulco. Ses proches deviennent plus aimables et attentifs. A la fin de la pièce, Nat,
sûre de leur amour, avoue qu'elle ne voulait pas partir. Mais, malhereusement, tout
reprend le même train qu'avant.
Après avoir annoncé son départ pour Acapulco, Nat ne veut plus coucher au
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même lit avec son mari parce qu'elle a un amant éventuel:
Nat: Bonsoir, chéri! <...> Voudrais-tu déposer Mon oreiller sur le divan de la
chambre d'amis?
Jérôme: Ton oreiller?!
Nat: Je risquerais de te réveiller en venant le chercher moi-même, tout à
l'heure!
Jérôme: Très bien, je... Pourquoi faire?
Nat: Quoi donc?
Jérôme: L'oreiller!
Nat: Pour poser ma tête dessus, chéri!
Jérôme: Mais pourquoi dans la chambre d'amis?
Nat: Parce que sur le divan de la chambre d'amis, il n'y a pas d'oreiller.
Jérôme: Est-ce que tu essaies de me faire comprendre que tu vas coucher
dans la chambre d'amis?
Nat: Je n'essaie pas chéri!... C'est tellement évident que tu l'as compris tout
seul!
Jérôme: Enfin, Nat... Qu'est-ce qui te prend?
Nat: Comment "ce qui me prend"?... Tu penses tout de même pas que je pourrais
coucher avec toi, maintenant que tu sais que j'ai un amant!
Jérôme (agacé): Je t'en prie, Nat!
Нат: Добрый вечер, дорогой! <...> Ты мог бы принести мою подушку в
комнату для гостей?
Жиль: Твою подушку?!
Нат: Я тебя разбужу, если приду за ней потом!
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Жиль: Хорошо, я... Зачем?
Нат: Что зачем?
Жиль: Подушка!
Нат: Чтобы положить её под голову, дорогой!
Жиль: Но почему в комнате для гостей?
Нат: Потому что там нет подушек!
Жиль: Ты пытаешься сказать, что собираешься спать в комнате для
гостей?
Нат: Я не пытаюсь... Это настолько очевидно, что ты сам до этого
додумался!
Жиль: В конце концов, Нат... Что с тобой происходит?
Нат: Как это, что со мной происходит? Ты думаешь, я могла бы спать с
тобой в одной постели, когда ты теперь знаешь, что у меня есть
любовник!
Жиль (раздраженно): Прошу тебя, Нат...
Les répliques de Nat représentent les réponses aux questions de son mari
comprises intentionnellement au sens direct. Chaque fois, la question posée est
contraire aux intentions du locuteur: Jérôme veut demander pourquoi Nat veut dormir
dans la chambre d'amis, mais il pose d'autres questions. Il est possible qu'il ne
comprenne pas ce qui se passe ou il a peur de poser une question directe pour
entendre une réponse directe aussi.
Nous pouvons déduire que dans cette situation de la parole, Gilles ne veut pas
poser de question directe pour ne pas trahir ses soupçons.
Dans les pièces de Jean Anouilh, on trouve également des questions qui sont
indirectes et provoquent des implicatures.
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En voici un exemple.
(4) Dans la pièce de Jean Anouilh “Colombe” Julien demande à sa mère de
prendre soin de sa femme Colombe pendant son absence. La mère de Julien trouve à
Colombe un petit rôle au théâtre. Un jour, Julien revient brusquement sans avertir ses
proches. Il commence à interroger sa femme. Finalement, il avoue qu'il a reçu une
lettre où il était écrit que sa femme avait un amant. Colombe est indignée.
Colombe: Alors, tout ce drame, c'est parce qu'un jour, entre la matinée et la
soirée, j'ai été dîner avec le coiffeur?
Julien: Tu as été dîner avec le coiffeur?
Colombe: Il faut pourtant que je mange? Tu voudrais aussi que je jeûne
pendant que tu n'es pas là?
Коломба: Значит, вся эта драма из-за того, что я днем обедала с
парикмахером?
Жюльен (подскакивает): Обедала с парикмахером?
Коломба: Но должна я есть или нет? Значит, ты требуешь, чтобы я во
время твоего отсутствия постилась?
D'abord, Julien pense que sa femme le trompe. La question qu'il pose à
Colombe “Tu as été dîner avec le coiffeur?” est indirecte dont le sens implicite
contextuel est un reproche “Comment as-tu pu faire ça?”. La femme reformule sa
réponse sous forme de questions de façon à rendre absurde le reproche de son mari.
Elle insiste sur le fait d'avoir le droit de “manger”. Le sens implicite de sa réponse est
“Je ne vais pas me priver de quoi que ce soit!”. Dans la traduction russe on voit que
Julien reprend les mêmes mots de la première question de Colombe.
!50
Nous avons vu que le cas de figure où la question et la réponse sont indirectes
est, probablement, le plus compliqué pour trouver les implicatures. D'ailleurs, nous
n'avons pas trouvé beaucoup d'exemples de ce type.
Enfin, nous allons étudier le cas de figure où la question est indirecte, mais la
réponse est directe.
§ 3.7. La question indirecte suivie d'une réponse directe
On va commencer par les oeuvres de Françoise Sagan.
(1) Dans l'exemple tiré de la pièce “Château en Suède” de Françoise Sagan on
annonce pour la première fois la prochaine arrivée d'un jeune homme. Sébastien, le
frère d'Eléonore qui est venu dans le château d'Hugo avec elle, habite encore là.
Agathe, la soeur d'Hugo, ce qui la gêne un peu.
Agathe: J'ai reçu un courrier de Stockholm. Frédéric Falsen, un allié de la
branche cadette, arriverait dans quelques jours chez nous.
Sébastien: N'allez pas me dire que nous recevrions encore une visite.
Agathe: Notre famille a toujours été l'une des plus hospitalières du Nord.
L'ignorez-vous encore?
Sébastien: Si c'est une allusion à ma présence ici, elle est inutile. Je n'ai pas
d'argent, je ne sais pas m'en procurer et cela m'ennuie. Ma soeur a épousé
votre frère et habite ce château où je l'ai rejointe. J'aimerais que vous
compreniez à quel point cela est fixé.
Агата: Я получила письмо из Стокгольма. Фредерик Фальсен, отпрыск по
младшей линии, прибудет к нам через несколько дней.
Себастьен: Только не говорите, что у нас опять будут гости.
!51
Агата: Наша семья всегда считалась одной из самых гостеприимных
на Севере. Разве вы об этом не слышали?
Себастьен: Если вы намекаете на мое присутствие здесь, то это
бессмысленно. У меня нет денег, и, увы, я не умею их добывать. Моя
сестра замужем за вашим братом и живет в этом замке, а я приехал к
ней. Поймите, наконец, что с этим ничего уже не поделаешь.
La réplique indirecte d'Agathe est une allusion à ce que Sébastien habite depuis
trop longtemps chez eux. Et la famille Falsen le permet. Sébastien comprend à son
tour très vite l'implicature de l'énoncé et veut s'expliquer.
(2) Dans un autre exemple tiré de la pièce de Sagan “Château en Suède”
l'action se passe au moment où Frédéric a déjà passé quelque temps chez les Falsen.
Hugo a voulu lui montrer ses terres. Pendant la promenade, Frédéric a commencé à
faire la cour à Eléonore, la femme d'Hugo. Sébastien, le frère d'Eléonore, a compris
qu'il y avait quelque chose entre elle et Frédéric.
Frédéric: Vous auriez dû venir. On s'est promené dans des champs superbes, gris
et noirs. Hugo m'a montré ses terres, enfin une partie. Agathe a découvert un
arbre qu'avait planté le général Falsen.
Sébastien: Et Eléonore... Qu'a-t-elle découvert?
Eléonore: Que j'aimerais assez me promener.
(Sébastien et elle se regardent.)
Фредерик: Вам следовало пойти с нами. Мы гуляли среди великолепных
полей. Гуго показал мне свои земли, точнее их часть. Агата нашла дерево,
которое посадил еще генерал Фальсен.
!52
Себастьян: А Элеонора?.. Что нашла она?
Элеонора: Что мне весьма нравится гулять.
(Себастьян и Элеонора переглядываются.)
Sébastien, par sa question indirecte, laisse entendre qu'Eléonore a passé le temps
à admirer Frédéric. Celle-ci ne veut pas être compromise en présence de son mari et
répond qu'elle aime se promener.
Dans une autre pièce de Françoise Sagan on trouve aussi des exemples pareils.
(3) Valentine, l'héroine principale de la pièce de Françoise Sagan “La robe
mauve de Valentine”, a rencontré sa cousine Marie après deux ans de séparation.
Valentine parle de choses que Marie trouve insignifiantes.
Marie (calme forcé): Dis-moi, Valentine. A part le fait que ton mari t’a
chassée, que tu as perdu un million au baccara et que ton fleuriste élève des
tulipes bleues, il ne t’est rien arrivé depuis deux ans?
Valentine: Je raconte mal, je sais. Mais au fond, toi aussi.
Мари (стараясь держать себя
в
руках): Скажи мне, Валентина.
Помимо того, что твой муж тебя выставил, что ты проиграла миллион
в железку и что твой цветочник выращивает голубые тюльпаны,
неужели за два года в твоей жизни больше ничего не произошло?
Валентина: Я знаю, я не умею рассказывать. Но, по существу, ведь и
ты тоже не умеешь.
Marie reproche à sa cousine qu'elle ne fait que se plaindre et parle des choses
futiles. L'implicature de la question de Marie: “Tu ne parles pas des choses
!53
importantes”. Valentine déduit facilement cette implicature et répond par un reproche.
(4) Un autre exemple tiré de la pièce de Françoise Sagan “La robe mauve de
Valentine” montre le moment où Serge ne se sent plus capable de cacher ses
sentiments envers sa tante Valentine. Il l'embrasse. Mais Valentine lui demande de ne
plus recommencer.
Serge: Vous préférez vos calcomanies? C’est plus poétique? Plus conforme
à votre doux personnage?
Valentine: Je déteste être brusquée. Et vous me faites peur.
Серж: Переводные картинки лучше? Поэтичней? С ними вы больше
в образе?
Валентина: Я ненавижу, когда меня заставляют что-нибудь делать
насильно. Я вас боюсь.
Serge reproche à Valentine sa passion pour les calcomanies. L'implicature des
questions de Serge est: “Tu caches tes sentiments derrière ton divertissement
ridicule”. Valentine comprend vite l'implicature et ne répond pas aux questions, mais
explique sa retenue: “Je déteste être brusquée. Et vous me faites peur”.
Voyons un exemple tiré d'une pièce de Jean Anouilh.
(5) Dans la pièce de Jean Anouilh “Colombe”, Julien part en service militaire
et sa mère, Madame Alexandra, trouve à sa femme Colombe un petit rôle dans une
des pièces de théâtre. Colombe prend peu à peu le goût à la scène et à la vie
théâtrale. Elle attire beaucoup d'attention de la part des hommes. Julien, en reçevant
une lettre anonyme où il est écrit que sa femme le trompe, arrive soudainement.
!54
Colombe: Mais quand vous êtes tous ensemble, entre hommes, vous ne devez
penser qu'à vous dire des horreurs. Mon chéri, toutes ces nuits sans moi... Tu
n'as pas trouvé ton lit trop grand?
Julien: Tu sais, il est très petit.
Коломба: Но когда вас, мужчин, сгоняют вместе, вы только и думаете, как
бы поболтать о разных гадостях. О милый, все эти ночи без меня...
Правда, ведь кровать казалась тебе ужасно широкой?
Жюльен: Она, знаешь ли, узенькая.
Julien revient et parle à sa femme de son service militaire. Colombe qui a
toujours beaucoup de tendresse pour son mari lui demande si elle lui manquait. Dans
ce cas la question “Tu n'as pas trouvé ton lit trop grand?” est une question indirecte.
Mais Julien n'accepte pas la présupposition de la situation de parole, ne déduit pas
l'implicature de Colombe et réponde directement à la question.
Il faut souligner que les traducteurs des pièces citées plus haut ont été, en
général, à la hauteur de leur tâche. Les versions russes permettent de tirer les
implicatures voulues par l'auteur de la pièce.
*
*
*
Le modèle de la compétence communicative prend une place importante dans
l'étude de la sémantique du couple question-réponse. La question est un des moyens
préférés pour obtenir l'information. Le destinataire de la question doit définir la
pertinence de l'information qu'il va communiquer en réponse à la question nettement
formulée conformément au contexte. Une telle estimation de la pertinence doit être
produite à la base du jugement universel, ou au moins assez général, dans la
communauté socio-culturelle pour que l'information reçue soit ensuite interprétée par
!55
le destinataire en vertu des mêmes connaissances.
Les différents facteurs contextuels déterminent le sens des structures
interrogatives. Si on suppose que la question, dans la plupart des cas, est une simple
demande d'information, alors, la réponse, à titre d'énonciation portant l'information
demandée, peut être directe ou indirecte. La réponse directe à la question ne nécessite
aucune supposition pour son interprétation, et demande seulement celles qui
découlent logiquement de la question. C'est le cas du couple: oui-non. En même
temps, les réponses indirectes sont des énonciations qui comportent une réponse,
mais dans ce cas, l'accord (oui) ou le désaccord (non) n'est pas exprimé explicitement
et il doit être déduit conformément au posé de la question, la réponse, le contexte et
les connaissances universelles des interlocuteurs.
IV. Les implicatures contextuelles des expressions imagées
Toutes les expressions imagées (figures de style) représentent, du point de vue
pragmatique, des actes de parole indirects où est violée au moins une maxime de
Grice, celle de manière, ou de clarté d'expression.
Prenons les métaphores comme exemple: “C'est une perle, cette jeune fille!”.
Ici, on observe une comparaison intrinsèque de la jeune fille en question avec une
perle qui possède des qualités telles que la pureté, la beauté, la netteté des lignes
etc...En établissant cette comparaison, le locuteur attribue ses qualités à la jeune fille
dont il parle. Mais, du point de vue pragmatique, au moins deux maximes sont
violées dans cette expression: celle de qualité (une jeune fille est une personne et non
!56
pas un joyau) et celle de manière (moyen d'expression): pour quelqu'un qui ne
connait pas cette métaphore, la déduction de son sens pourrait présenter quelque
difficulté.
On peut objecter que tout le monde connait cette métaphore, donc, l'implicature
est déduite facilement. Mais, toutes les métaphores ne sont pas pareilles; il existe des
métaphores individuelles qui nécessitent la connaissance du contexte (de la situation)
et un effort d'esprit. Par exemple: - C'est un homme cadenassé. Avec un cadenas de
marque allemande, qui doit tenir. (J. Anouilh, Cher Antoine, ou l'amour râté). Pour
comprendre l'implicature de cette métaphore, c'est à dire ce qu'elle exprime dans ce
contexte, il faut savoir qu'il s'agit d'un notaire qui doit lire le testament, mais pas
avant que toutes les personnes convoquées ne se soient réunies. Les spectateur au
théâtre doit d'abord saisir le sens littéral de cette expression, ensuite le mettre en
rapport avec le contexte de la situation. Ainsi, c'est un acte de parole indirect dont
l'implicature est “Ce notaire est un bon professionnel”.
Il en va de même de toutes les expressions imagées qui, d'ailleurs, ne sont pas
très fréquentes dans les pièces de théâtre mises en scène. En lisant un texte écrit, il est
plus facile de remarquer et de comprendre une telle expression; à l'ouïe, la perception
est souvent plus délicate.
Il faut également souligner que les pièces abondant en expressions imagées sont
souvent difficiles à traduire dans une autre langue vu la différence de l'imagerie.
Nous n'avons pas trouvé de traductions en russe de quelques unes des pièces dont
nous citons des exemples ci-dessous; nous proposons nous-mêmes une traduction.
Il est vrai que quelques pièces françaises sont mises en scène russe (c'est le cas
notamment de “Acapulco, madame” d'Yves Jamiaque). Mais un scénario n'est pas
forcément une traduction fidèle. Le metteur en scène est libre d'interpréter le texte à
sa façon. Notre tâche était de préserver le caractère indirect de l'acte de parole afin de
permettre la déduction de l'implicature, et de ne pas l'expliciter.
Envisageons quelques figures de style qu'on trouve dans les pièces de théâtre
françaises.
!57
§ 4.1. Métaphore
La métaphore est “une figure de style qui rapproche un comparé et un
comparant, sans comparatif (contrairement à une comparaison)”.38 Grâce à l'image
visuelle, le lecteur (ou le spectateur) réprésente vivement l'objet de comparaison et
ses qualités qu'il attribue au nouvel objet dont on parle.
(1) Dans la pièce de Jean Anouilh “Chers Zoiseaux”, Arthur, le fils du Chef, est
un fainéant comme ses soeurs et leurs maris. Toute la famille est à la charge du Chef,
qui est le seul qui travaille. Arthur, qui a déjà demandé à son père de l'argent, est
venu lui dire quel cadeau il voulait pour son anniversaire.
Arthur: Tu sais ce que j’aurais voulu, papa, pour mes vingt-trois ans? C’est un
peu cher mais ça me ferait vraiment plaisir.
Le Chef: Pas tout à la fois. Ou le cheval va s’écrouler entre les brancards et
vous serez obligés de continuer à pied.
Артур: Знаешь, какой бы мне хотелось подарок? Правда, немножко
дороговато, но зато доставило бы мне настоящее удовольствие.
Шеф (спокойно): Не все сразу. А не то лошадь может откинуть копыта,
и вам придется двигаться дальше на своих двоих.
Le Chef s'assimile à un cheval de somme. En analysant le sens métaphorique de
la réplique on déduit: “Il est difficile de subvenir à tous vos besoins, je ne tiendrai
pas”. Le base commune qui donne lieu à la comparaison c'est la charge trop lourde
pour un animal ou une personne. Le spectateur se représente d'abord le cheval qui
transporte une grande charge lourde; puis pense à toute la famille nombreuse du Chef
38
Lexique des termes litteraires. URL: www.lettres.org
!58
qui est à sa charge. L'implicature est: “On ne peut pas demander trop à une
personne”.
(2) Dans la pièce “Acapulco, Madame” d'Yves Jamiaque, Nat se sent
malheureuse parce que personne ne lui prête attention dans sa famille. Elle décide
de dire à tout le monde qu'elle va bientôt partir pour Acapulco avec son amant. Mais
sa famille la croit à peine et ne comrend pas ses motifs. Sa soeur Martine essaye de
la calmer:
Martine: Qu’est-ce qui te prend?
Nat: Oui, hein?.. Qu’est-ce qui lui prend à celle-là?.. Si maintenant la
commode se met à poser des questions...
Martine: J’te jure...! Entendre ça...!
Мартина: Да что с тобой такое?
Нат: А?.. Что с ней происходит?.. Если теперь комод начинает
задавать вопросы...
Мартина: Да ты что..! Говоришь такое..!
Nat se compare à une commode. Elle a l'impression que les membres de sa
famille la considèrent comme un objet d'intérieur. Personne ne demande son avis
quand on discute à table. Nat est indignée. Sa réplique traduit une rancoeur cachée.
Dans la traduction russe on a gardé le mot “commode” pour montrer les
sentiments de l'héroine qui se sent un objet inanimé dans sa famille.
(3) Dans la pièce de Françoise Sagan “Château en Suède”, Frédéric veut
s'adresser à la police pour accuser Hugo de bigamie. Frédéric, lui-même, est tombé
!59
amoureux d'Eléonore, la nouvelle femme d'Hugo. Sébastien, le frère d'Eléonore,
essaye de le raisonner.
Sébastien: On n’a pas idée d’être nigaud à ce point! Vous croyez qu’un homme
qui séquestre sa première femme pour laquelle il éprouve une vague affection,
hésiterait à supprimer un lointain cousin qui l’énerve?
Frédéric: La police existe, non?
Sébastien: Il doit y avoir en effet un gendarme à six kilomètres d’ici. Sa femme
travaille au château depuis vingt ans. De plus, il a un droit de chasse dans le
domaine.
Frédéric: Et à Stockolm? Vous pensez acheter la police municipale avec
trois lièvres?
Себастьян: Надо же быть до такой степени дураком. Вы думаете, что
человек, заточивший свою первую жену, несмотря на необъяснимую к ней
нежность, остановится перед уничтожением надоедливого дальнего
родственника?
Фредерик: Полиции уже не существует?
Себастьян: В шести километрах отсюда должен быть жандарм. Его жена
двадцать лет работает в замке. И кроме того, он пользуется правом охоты
на землях поместья.
Фредерик: А в Стокгольме? Вы думаете, можно за три зайца купить
всю городскую полицию?
La métaphore “trois lièvres” sous-entend que toute la richesse d'Hugo consiste
dans ces trois animaux qui vivent dans les forêts autour du château. Ici, la métaphore
voisine avec une litote parce qu'il y habite certainement plus de trois lièvres. Mais
Frédéric diminue sciemment la richesse d'Hugo pour l'offenser. Sa réplique conduit à
l'implicature: “Hugo n'a pas assez de moyens pour acheter la police de Stockolm”.
!60
§ 4.2. Ironie
Dans beaucoup de cas d'utilisation des réponses indirectes, on a affaire à
l'ironie. On entend par “ironie” l'énonciation avec le sens contraire à son contenu
lexical. Par définition, l'ironie est un acte indirect d'appréciation négative des actions,
des faits et du comportement d'une personne39. On le construit en violant
délibérément la maxime de qualité du principe de coopération. L'interprétation d'une
énonciation ironique (c'est-à-dire la déduction du sens implicite) se fait à la base des
connaissances du contexte et des connaissances universelles, et aussi du fait qu'on
viole la maxime de qualité. L'implicature est le sens contraire aux mots qui
constituent l'énonciation ironique.
L'ironie est une figure de style chérie par plusieurs auteurs, dont J.Anouilh et
F.Sagan. Les exemples en sont multiples dont nous ne montrerons que quelques uns.
(1) Dans la pièce de Jean Anouilh “Chers Zoiseaux” on voit le chef de famille
qu'on appelle Le Chef. Il écrit les romans policiers qui constituent la source
principale de revenus de la famille. Les autres membres de la famille sont des
fainéants. Lucie, la fille aînée du Chef, entre dans son bureau où il est en train de
travailler sur un nouveau roman en compagnie de la gouvernante.
Lucie: Bonjour, Mademoiselle. Je croyais que vous étiez ici pour vous
occuper du bébé de Rosa? Vous avez changé de bébé?
Le Chef: Tu sais bien que nous la mettons à toutes les sauces! Elle va
m’aider.
Люси (сухо): Здравствуйте, мадемуазель. Я думала, вы здесь для того,
чтобы заниматься ребенком Розы. Вы поменяли ребеночка?
Шеф (улыбается): Ты же знаешь, что она у нас на все руки, и мы этим
39 Слепцова М.А. Ирония как косвенный речевой акт отрицательной оценки: автореф. дис. ... канд. филол.
наук: 10.02.05 / М.А. Слепцова. - СПб., 2008.
!61
пользуемся. Сейчас она будет помогать мне.
Lucie compare son père qui est assez âgé à un bébé au niveau physique et
moral. Le Chef déduit l'implicature des paroles de Lucie qui est “Je sais que tu
aimes les jeunes femmes”.
Le Chef est toujours ironique par rapport aux membres de sa famille. Il préfère
répondre par une blague: “Tu sais bien que nous la mettons à toutes les sauces!”.
La traduction rend bien l'ironie des personnages de la pièce.
(2) Dans une autre pièce de Jean Anouilh, “Colombe”, Julien, avant de partir
pour trois ans en service militaire, demande à sa mère, la célèbre tragédienne
Madame Alexandra, avec laquelle il a des rapports très compliqués, de prendre en
charge sa femme Colombe et leur petit enfant. Colombe veut savoir plus de choses
sur sa belle-mère.
Colombe: Elle est très belle, n'est-ce pas?
Julien: Très. Comme un monument historique. Le Palais du Louvre: vous
aimez ça, vous?
Colombe: Vous êtes une mauvaise langue. Elle n'est tout de même pas aussi
vieille que cela.
Julien: Pas tout à fait aussi vieille que le Palais du Louvre, mais cela
viendra, rassurez-vous.
Colombe: Quel âge a-t-elle au juste?
Julien: Cent ans.
Colombe: Vous riez! Je l'ai vue en scène. Une fois, j'ai eu des billets.
Julien: Oh! Mais en scène c'est différent! Cela perd quatre-vingts ans d'un
coup. La vingtaine à peine et toute la pudeur, tous les émois... La découverte
tremblante de l'amour, c'est son rôle préféré tous les soirs depuis un demi
siècle. Cela conserve...
!62
Коломба: Она очень красивая, да?
Жюльен: Очень. Вроде исторического памятника. Ну, скажем,
Луврского дворца. Вам это по душе?
Коломба: Какой у вас злой язык! Она же не такая старая, как дворец.
Жюльен: Пока не такая старая, как Луврский дворец, но догонит его,
не беспокойтесь.
Коломба: А сколько ей лет?
Жюльен: Сто.
Коломба: Да вы смеетесь! Я видела ее на сцене. Мне как-то дали билет.
Жюльен: Ну, со сцены это другое дело! Одним махом сбрасываем с
себя восемь десятков лет. Даже двадцати ей не дашь, она вся - чистота,
вся трепет... Первые робкие открытия любви - вот ее любимая роль на
протяжении четверти века и притом каждый вечер. Это, знаете ли,
помогает сохраниться...
Pendant toute sa vie, Julien n'a pas vu d'amour de la part de sa mère parce
qu'elle s'était entièrement consacrée au théâtre et à sa carrière. Cela explique le ton
sarcastique de Julien. En parlant d'elle, il emploie des termes ironiques. Le traducteur
a bien rendu toutes les nuances du texte, et notamment la possibilité de déduire
l'implicature: Julien n'aime pas sa mère. On ne peut pas seulement justifier le
remplacement des 50 ans sur scène par 25 ans. En conservant le “demi-siècle”, le
traducteur aurait exprimé une plus forte ironie.
(3) Dans l'exemple tiré de la pièce de Jean Anouilh “Acapulco, Madame”,
Martine et Nat parlent de l'intention de celle-ci de partir pour Acapulco avec son
“amant” (qui en réalité n'existe pas). Nat a annoncé son départ dans le but d'attirer
l'attention de ses proches qui ne s'intéressent pas du tout à elle.
Martine: Nat, tu sais très bien que tout le monde te trouve magnifique!
Nat: Qui «tout le monde»?
!63
Martine: Mais nous tous, Nat! Jérôme, Thomas, Laurent, moi...
Nat: Dieu que le monde est peuplé!
Мартина: Нат, ты прекрасно знаешь, что все тебя считают
красивой!
Нат: Кто «все»?
Мартина: Все мы, Нат! Жером, Томас, Лоран, я...
Нат: Боже, как в мире много народа!
L'exclamation de Nat est une antiphrase pleine d'ironie. Elle exagère les mots de
sa soeur qui essaye de la mettre de bonne humeur. L'implicature est: “Personne ne
m'aperçoit”. L'ironie est basée sur le jeu de mots: “le monde” est l'univers, “tout le
monde” est la famille dans ce contexte.
(4) Dans la même pièce de Jean Anouilh “Acapulco, Madame”, Nat demande à
sa soeur Martine si elle a remarqué qu'elle avait perdu du poids. Martine répond
timidement qu'elle l'avait remarqué, mais Nat comprend que c'est une réponse par
politesse. Parce que, si Martine l'avait remarqué, elle l'aurait dit à Nat. Nat est
irritée que ses proches ne lui prêtent aucune attention.
Martine: Mais qu'est-ce qui ne va pas, Nat?
Nat (à nouveau souriante): Mais tout va très bien, chérie!... Pleine forme, pleine
santé, vive, alerte, encore jeune, et pas si mal foutue!...Tiens, j'ai encore perdu 2
kilos!... Tu n'as pas remarqué?
Martine: Si, si, je...
Nat: Non, tu n'as pas remarqué!... Ni toi, ni personne!... Je m'évertue à
perdre des kilos pour mon armoire à glace!
Martine: Ne dis pas donc de bêtises...
!64
Мартина: Ну что не так, Нат?
Нат (с улыбкой): Всё отлично, моя дорогая!... В расцвете сил, в
прекрасной форме, энергичная, молодая и с неплохой фигурой!… Я,
кстати, скинула еще два килограмма!... Ты заметила?
Мартина: Да, да, я...
Нат: Нет, ты ничего не заметила!... Ни ты, и никто другой!... Только
моему зеркальному шкафу, наверное, есть до этого дело!
Мартина: Не говори глупостей...
La réplique de Nat est une antiphrase au sens contraire, pleine d'ironie et de
déception. Nat se sent seule dans sa famille bien qu'elle ait un mari, un fils et une
soeur. L'implicature est: “Je suis malheureuse”.
(5) Dans la pièce de F.Sagan “Un piano dans l'herbe” Isabelle, une nouvelle
personne parmi les amis de Maud, ne sait pas qui est le fameux Jean-Loup dont tout
le monde parle et attend l'arrivée. Elle demande à Louis qui c'est.
Isabelle: Dites-moi... Qui est ce Jean-Loup? On en parle tout le temps, ici.
Louis (Il rit): Jean-Loup, c'est l'herbe tendre, les grands sentiments, le
poème récité à un autre, les scrupules, le sang qui saute aux tempes, JeanLoup, c'est un poncif qui a eu la chance de disparaître à temps, c'est notre
jeunesse. Voilà.
Isabelle: Et tout le mode l'aimait?
Louis: Eh oui. Quand il y avait du vent, il agitait les épis dans les cheveux
de Jean-Loup, quand il y avait du soleil, il éclaircissait les yeux de JeanLoup, quand il y avait un chat, il venait s'asseoir sur les genoux de Jean!65
Loup. Il y a des gens comme ça, vous savez.
Изабель: Скажите-ка, кто такой этот Жан - Лу и почему о нем все время
говорят?
Луи (смеется): Жан - Лу — это нежность, любовь, стихи, песни, это—
ранимая совесть, пожар в крови. Жан - Лу—это образец, которому
посчастливилось вовремя исчезнуть. Это—наша молодость. Только и
всего.
Изабель: И все его любили?
Луи: Ну конечно. Ветер ласкал волосы на его макушке, солнце светило
ему в глаза, котята сворачивались клубком у него на коленях. Бывают
такие люди.
Louis n'aime pas Jean-Loup parce que Maud (la femme qu'il aime depuis sa
jeunesse) était toujours amoureuse de cet homme. Pour ne pas exprimer son attitude
négative envers Jean-Loup, Louis, qui est jaloux, utilise une appréciation ironique
qu'Isabelle, probablement, ne comprend pas car elle ne connait pas l'histoire de Louis
(la présupposition). Il décrit un homme tendre en soulignant la vulnérabilité de JeanLoup. La traduction russe contient la même appréciation négative indirecte. Mais le
traducteur a omis dans la deuxième réplique de Louis la répétition consécutive du
prénom Jean-Loup en perdant un peu l'effet ironique des comparaisons. La syntaxe
simplifiée de la deuxième réplique de Louis appauvrit également l'illocution. Tout
cela témoigne des difficultés réelles de traduction de l'ironie.
(6) Dans la pièce de Sagan “La robe mauve de Valentine”, l'héroïne principale
Valentine avoue à Serge qu'elle avait quitté son mari plusieurs fois avec des amants
différents, mais revenait toujours et son mari la pardonnait. Serge ne veut pas que
Valentine le traite comme ses autres amants.
Serge: J'étais un gentil jeune homme, c'est vrai. Je suis toujours un gentil jeune
!66
homme. J'ai dû vous distraire assez avec un peu de chance, mais en tant que gentil
jeune homme je vous dis de rentrer chez vous.
Valentine: C'est ton dernier mot? Cette question est idiote, d'ailleurs. Personne
ne vous répond jamais “non, c'est l'avant-dernier”.
Serge: C'est mon dernier mot, Valentine.
Valentine: Tu sais, je suis très malheureuse. Et toi?
Serge (criant): Ça ne regarde que moi. Veux-tu qu'on pleure ensemble
maintenant?
Серж: Да, я был милым воспитанным молодым человеком. И я всегда им
останусь. Очень рад, что я сумел вас развлечь, но, как милый воспитанный
молодой человек, предлагаю вам вернуться домой.
Валентина: Это твое последнее слово? Впрочем, глупый вопрос.
Никто же никогда не отвечает: "Нет, предпоследнее".
Серж: Это мое последнее слово, Валентина.
Валентина: Ты знаешь, я очень несчастна. А ты?
Серж (кричит): Это уж мое личное дело! Что, нам теперь вместе
плакать?
Quand Serge apprend que Valentine a trompé plusieurs fois son époux, il devient
furieux. Il se sent trahi lui-même. La réponse de Serge contient une appréciation
négative implicite du comportement de Valentine. La réplique “Qu'on pleure
ensemble” est pleine d'ironie. Les implictures sont: “Je ne veux plus vous connaître”,
“Comme je suis bête!”. Le traducteur a conservé le sens ironique et le ton grossier de
la réplique de Serge en rendant ainsi les mêmes implicatures dans la version russe.
C'est la double implicature qui rend la traduction très délicate.
!67
§ 4.3. Hyperbole
L'hyperbole est “une figure de style consistant à amplifier une idée pour la
mettre en relief. Il s'agit d'une exagération. C'est souvent le contexte qui permet de
dire s'il y a hyperbole ou non”.40 Le trait caractéristique de l'hyperbole est qu'elle ne
cache pas les avantages ou les défauts d'un objet ou d'une personne, mais les exagère
ou souligne leur importance.
(1) Dans la pièce de Jean Anouilh “Cher Antoine, ou l’amour raté”, meurt un
dramaturge qui a été très populaire pendant sa vie, surtout parmi les femmes. Les
femmes qui ont marqué sa vie (sa femme Estelle, une des amantes qui lui a donné une
fille et sa dernière passion) se sont rassemblées pour écouter le testament. Cependant
le notaire évoque le nom d'une femme que personne ne connait. Son nom figure aussi
au testament d'Antoine.
Marcellin: Mais qui peut être cette madame Duchemin qui est aussi
convoquée? Je n’ai jamais entendu parler d’une Madame Duchemin. Ce
nom vous dit quelque chose, Estelle?
Estelle: Mes agendas étaient trop petits pour noter les noms de toutes
les maîtresses d’Antoine. Il m’aurait fallu le bottin!
Марселин: А кто такая мадам Дюшмен, которую тоже пригласили?
Я никогда не слышала о мадам Дюшмен. Это имя вам о чем нибудь
говорит, Эстель?
Эстель: В моих записных книжках не хватало места, чтобы
внести туда имена всех любовниц Антуана. Мне бы тогда
понадобился целый телефонный справочник!
40 Lexique des termes litteraires. URL: www.lettres.org
!68
La réplique d'Estelle est une appréciation indirecte négative du comportement de
son mari, précisément, du grand nombre des amantes de son feu époux. L'hyperbole
consiste dans l'opposition des mots “agenda – bottin” et souligne l'appréciation
négative ironique. L'implicature est: “Antoine était un coureur de jupons”.
Nous avons essayé de trouver une traduction adéquate pour préserver
l'implicature.
§ 4.4. Allusions
L'allusion est “une manière de s'exprimer sur une idée, une personne ou une
chose, sans la nommer explicitement mais par simple évocation; suppose, de la part
du lecteur, la connaissance de la situation ou de la référence culturelle évoquée par
l'écrivain”41 . Les allusions reposent sur les présuppositions socio-linguistiques des
interlocuteurs et sont proches des métaphores. On les déduit normalement sans
ambiguité parce que cela peut être une mention de quelque évènement politique,
historique ou épisode littéraire qui sont supposés universellement connus. Les
allusions représentent également une violation de la maxime de manière, parce que le
fait supposé connu de l'interlocuteur ne l'est pas toujours.
(1) Dans la pièce de Françoise Sagan “Château en Suède”, Frédéric, l'amant
d'Eléonore, lui avoue qu'il a peur de son mari:
Frédéric: Bon, je l’admets. J’ai peur. Et pourquoi n’aurais-je pas peur? Pourquoi
aurais-je envie de mourir?
Eléonore: Prenez un fusil de chasse. Dormez avec. Nous serons un peu
serrés…
41 Lexique des termes litteraires. URL: www.lettres.org
!69
Фредерик: Да, признаюсь. Я его боюсь. А почему нет? Я что, должен
хотеть умереть?
Элеонора: Возьми ружьё. Положи в постель. Нам будет немного тесно,
но что ж...
Eléonore propose de mettre un fusil entre eux dans leur lit, comme Tristan
mettait une épée entre lui et Iseut. Mais Tristan le faisait afin de montrer que leurs
relations étaient pures. Mais, une telle proposition est absurde dans la situation de
parole, parce qu'Eléonore et Frédéric sont amants. Cette allusion d'Eléonore a un
effet ironique que nous pouvons comprendre en tenant compte de la situation et de
l'histoire de Tristan et Iseut.
(2) Dans l'exemple suivant tiré de la pièce de Françoise Sagan “Château en
Suède”, lors d'une soirée au château, Sébastien qui est au courant que sa soeur et
Frédéric sont des amants, se moque d'eux.
Eléonore: Voyons, Frédéric, Vous ne voyez pas qu’il a bu? Valsons.
Sébastien: C’est cela, valsez, petit cousin valseur. C’est votre rôle. Ma soeur
est très menteuse, c’est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps
chaud? dit-il à cette valseuse. Vous connaissez La Fontaine, Frédéric?
Элеонора: Ах, Фредерик, вы разве не видите, что он пьян? Танцуем.
Себастьян: Так, так, танцуйте, родственничек. Играйте вашу роль.
Сестра моя лгунья, и это самый малый ее недостаток. «Ну а ты, лето
целое пропела?» — говорит он танцовщице. Фредерик, вы читали
Лафонтена?
Frédéric, un hôte de la maison, est tombé amoureux d'Eléonore, la femme
d'Hugo. Sébastien, le frère d'Eléonore, désapprouve sa conduite.
!70
Un soir, il le
compare à une cigale qui ne fait que chanter. C'est bien la cigale de la fable de La
Fontaine «La cigale et la fourmi» qui symbolise l'oisiveté et le désoeuvrement. De
telle façon Sébastien exprime son antipathie envers Frédéric.
En posant la dernière question, Sébastien se moque de Frédéric encore une fois,
parce que tout le monde connait les fables de La Fontaine. C'est pourquoi sa question
“Vous connaissez La Fontaine, Frédéric?” est aussi une allusion aux faibles capacités
intellectuelles du jeune homme.
§ 4.5. Zeugme
Un zeugme est “une figure de style qui consiste à lier par la syntaxe deux mots
ou groupes de mots dont un seul se rapproche logiquement du verbe. Les deux mots
liés syntaxiquement peuvent être incompatibles parce que l'un est abstrait et l'autre
concret ou parce qu'ils font appel а des sens différents du verbe. Le zeugme peut
créer un effet amusant”.42
(1) Dans l'exemple tiré de la pièce de Françoise Sagan “Château en Suède”,
Sébastien sait bien que sa soeur Eléonore trompe son mari Hugo avec Frédéric, leur
parent éloigné. Sébastien se moque d'Hugo qui prétend ne rien comprendre. Mais
quand Sébastien répète son allusion, Hugo s'énerve.
Sébastien: Elle est allée voir “la neige” avec Frédéric. C’est assez original…
Hugo: Imbécile. Croyez-vous que je supporterai une minute qu’elle me trompe?
Je le tuerai. Qu’est-ce que vous croyez?
Sébastien: Que vous déchirez ma cravate Louis XV et que tout ça est bien
tragique.
Себастьян: Она пошла с Фредериком смотреть снег. Весьма оригинально...
42 Lexique des termes litteraires. URL: www.lettres.org
!71
Гуго (подходит к нему и хватает его за шиворот.): Дурак. Неужели вы
думаете, я потерплю, чтобы она изменила мне хоть на одну минуту? Я
убью его. Что вы думаете?
Себастьян: Я думаю, что вы порвете на мне галстук эпохи Людовика
Пятнадцатого, и все это кончится весьма трагически.
Sébastien, toujours sarcastique, n'a pas peur du mari de sa soeur. Il ne croit pas
qu'Hugo puisse rien faire à Frédéric. Quand Hugo saisit Sébastien, il plaisante
qu'Hugo va déchirer sa cravate et que tout peut finir mal. L'implicature de ses paroles
est “Vous êtes ridicule!”.
Le “signe d'égalité” qui est mis entre la cravate et la situation créée par l'adultère
d'Eléonore rend la raillerie encore plus mordante, ce qui provoque la colère d'Hugo.
Le traducteur a su bien choisir les termes pour souligner l'implicature. Il y a une
petite remarque à faire concernant la cravate Louis XV: la traduction “в стиле
Людовика XV” nous semble plus appropriée.
(2) Hugo quitte la pièce après la conversation avec Sébastien où celui-ci avait
fait allusion à ce que sa femme Eléonore et Frédéric, son parent éloigné, sont
amants. Sébastien reste seul.
Sébastien: C’est extraordinaire… L’aveuglement des maris est extraordinaire.
Et leur force musculaire de même. Cet imbécile aurait pu mе faire mal.
Себастьян: Необыкновенно... Слепота мужей просто необыкновенна.
Так же, как и сила их мускулов. (Отряхивается). Глупец едва не
причинил мне боль.
Dans sa réplique, Sébastien emploie le même adjectif qualificatif
!72
“extraordinaire” pour deux noms. Si on les emloie séparément, cela ne crée aucun
effet ironique. Mais la confrontation de l'abstrait “aveuglement” et du concret “force
musculaire” souligne l'absurdité de la situation. L'implicature est: “Hugo est un sot”.
§ 4.6. Proverbes, adages, sentences
Parfois, pour répondre évasivement à une question, on recourt aux proverbes ou
adages qui provoquent des implicatures. Les moyens varient: cela peut être un
proverbe qui est “une vérité d'expérience ou conseil de sagesse pratique et populaire,
commun à tout un groupe social, généralement imagée et figurée”43, une sentence qui
est “une pensée exprimée de façon dogmatique et littéraire à la fois”44 ou un adage
qui représente “une énonciation brève et frappante d'une règle de conduite, empruntée
au droit coutumier ou écrit”45 . C'est l'implicature que doit comprendre l'interlocuteur.
(1) Nat, l'héroine principale de la pièce d'Yves Jamiaque “Acapulco, Madame”,
en pensant que les membres de sa famille ne l'aiment plus, dit qu'elle va partir pour
Acapulco. Son fils qui ne comprend pas pourquoi elle a décidé soudainement de
partir et veut savoir combien de temps elle sera absente.
Laurent: <...> Si tu partais, t'aurais tes raisons!... Ça serait pour ton plaisir!
Nat: Certainement pas, mon ange!
Laurent: Ça serait pour quoi?
Nat: Pour mon bonheur! Oui, oh, je sais il y a des mots qui surprennent!... Mais
puisqu'ils existent, et que ton point fort est le français...
43 Lexique des termes litteraires. URL: www.lettres.org
44 Ibidem.
45 Larousse. URL: www.larousse.fr
!73
Laurent: Bon!... Supposons!... Tu partirais pour longtemps?
Nat: Ça!... Tu connais l'adage: "On sait quand on part..."
Лоран: Если ты хочешь уехать, значит у тебя на это есть причины!...
Ради твоего же удовольствия!
Нат: Совсем нет, мой дорогой!
Лоран: Зачем же тогда?
Нат: Ради моего счастья! Да, удивительно слышать такие слова!... Но
они существуют, а ты так силен в знаниях языка...
Лоран: Хорошо!... Предположим!... Ты уезжаешь надолго?
Нат: Ну... Знаешь поговорку: «Мы знаем, когда уезжаем...».
Pour répondre à la question de son fils, Nat cite la première partie de l'adage
“On sait quand on part, on ne sait jamais quand on revient”. Pour le lecteur ou le
spectateur qui connait cet adage, l'implicature est claire: “Je ne reviendrai peut-être
jamais”.
(2) Ce dialogue est emprunté dans la pièce de Jean Anouilh “Becket”. Dans le
château du vassal préféré du roi d'Angleterre, Becket, il y a eu une fête. Quand vient
le temps de partir, le roi dit aux barons soûls et dormants qu'il faut quitter la maison
de Becket.
Le roi: On rentre, barons, on rentre! Je sais que vous êtes des amateurs de
musique, mais enfin, on ne peut pas écouter de la musique toute la nuit... Les
bonnes nuits ça se termine au lit.
Король: Пора уходить, бароны, пора уходить! Я знаю, вы любители
!74
хорошей музыки, но нельзя же всю ночь слушать музыку!.. Хорошая ночь
кончается в постели, не правда ли, Бекет?
Pour appuyer son ordre de rentrer, le roi recourt à un proverbe. L'implicature est:
“Il faut dormir, parce que demain il y aura une nouvelle bataille et vous devez être en
pleine forme”.
(3) Dans la même pièce de Jean Anouilh “Becket”, après la bataille entre les
français et les anglais, ceux-ci subissent beaucoup de pertes. Becket, le vassal royal
et le chancelier d'Angleterre, vient chez le roi Henri II pour raconter des nouvelles.
Becket: Les affaires, mon prince.
Le roi: Bon! Les affaires. Je t'écoute. Assieds-toi.
Becket: Les nouvelles ne sont pas bonnes, mon prince.
Le roi: Les nouvelles ne sont jamais bonnes... Les choses s'arrangent
toujours.
Бекет (улыбаясь): Дела, государь!
Король (угрюмо, как нерадивый ученик): Ладно! Дела. Я тебя слушаю.
Садись.
Бекет: Неважные новости, государь!
Король (беспечно): Новости никогда не бывают хорошими! Это старая
истина.
Le roi emploie un proverbe pour répondre à Becket qui apporte de mauvaises
nouvelles. L'implicature de cette réplique est: “Tu ne peux pas me surprendre”,
“Raconte!”. Il est dommage que le traducteur n'ait pas fait grande attention à la
!75
deuxième partie de la réplique du roi “Les choses s'arrangent toujours”. La traduction
en russe : “Все всегда улаживается” nous semble plus adéquate.
*
*
*
Les expressions imagées, tout en étant “incorrectes” du point de vue des règles
formulées par P. Grice, non seulement sont “des fleurs dans le jardin de la langue”,
mais servent souvent à exprimer de multiples nuances de la communication humaine.
Toutes les figures de style (nous n'en avons examiné que quelques unes) ont un
potentiel implicite qui se réalise dans des situations de parole variées.
Du point de vue pragmatique, seule la métaphore a été objet d'étude (par C.
Kerbrat-Orecchioni et C. Fuchs). Toutes les autres figures attendent encore leurs
chercheurs.
Conclusion
Conformément aux tâches que nous nous étions posées, nous avons examiné
!76
dans la présente étude:
1)
les particularités de la langue des pièces de théâtre françaises des auteurs
modernes. Nous avons montré que la langue du théâtre a une double nature
(texte à lire et texte à monter sur scène); il en découle des problèmes d'adaptation
pour la scène, des problèmes qui redoublent de difficulté si la pièce doit être
traduite et mise en scène dans une autre langue. La différence de la structure des
langues est, de règle, surmontée par les traducteurs russes. Les implicatures des
expressions indirectes variées sont presque toujours bien perçues et rendues par
le traducteur. Les échanges culturels entre la Russie et la France ont largement
contribué et contribuent toujours au “mixage” des cultures russe et française
durant des siècles. Ce fait explique en majeure partie la compréhension
immédiate de toutes les nuances des pièces françaises modernes. Ce qui explique
leur succès sur la scène russe.
2)
Le problème des énoncés indirects a entraîné le besoin d'un aperçu de bases
pragmatiques de la recherche entreprise. Depuis Ostin, le philosophe anglais
fondateur de la pragmatique linguistique, le domaine du sens de l'énoncé est
devenu accessible à l'étude. H.P. Grice, un autre philosophe anglais, a élaboré les
fondements des études de l'implicite.
3)
L'étude du corpus littéraire est divisée en deux parties: la première (la
troisième dans le texte) est consacrée principalement aux questions et réponses
indirectes, qui elles-mêmes sont souvent des questions. Nous en avons trouvé de
multiples exemples dans les pièces de théâtre françaises et avons examiné leurs
traductions en russe. Les implicatures des questions et des réponses indirectes
sont, en règle générale, bien rendues par les traducteurs russes.
4) La quatrième partie de notre étude a été consacrée aux implicatures
provoquées par l'emploi de figures de style variées. Parmi ces figures, il n'y a que
les métaphores qui ont été étudiées du point de vue pragmatique. L'emploi et
surtout la traduction des répliques contenant des figures de parole peuvent poser
des problèmes à cause de la différence de l'imagerie des cultures française et
russe. Mais les traducteurs russes ont été à la hauteur de leur tâche.
!77
Références bibliographiques
Ouvrages cités ou cosultés
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